La France hait la démocratie

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France
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Le mot Droite est chargé de tellement de culpabilité, de connotations négatives, qu’il suffit de parler de droitisation, pour démoniser et même disqualifier.

Pour comprendre ce qui se passe en profondeur, sous la surface, derrière l'écume des choses, on ne peut faire l'économie d'une analyse de l'actualité. Pas pour s'en régaler, pas pour juger ou s'en contenter, mais pour aller plus loin et voir ce qui reste systématiquement dissimulé.

Pour nous, l'actualité, c'est le choix du Président de l'UMP.

Nous soutenons que la procédure, le calendrier, la façon de poser et d'encadrer les débats, sont déterminants pour l'avenir.

Première remarque:

La France a horreur de la démocratie. Sitôt qu'il y a discussion, divergence, incarnée -peut-il en être autrement?- par des luttes de personnes, on crie à la guerre des chefs, on vilipende. Regardez ce qui s'est passé quand au sein du Parti gouvernemental, certains ont osé, fidèles à leurs convictions, défendre des idées et propositions différentes de celle de l'exécutif! On a crié haro sur les baudets, fait taire les voix discordantes. Les médias et les Français ont applaudi les rappels à l'ordre.

Dans le cas présent du choix d'un Président pour l'UMP, n'est-il pas normal, sain pourtant, qu'avant que les candidats ne s'élancent dans le grand marathon de la prochaine présidentielle, une confrontation se déroule? Ne faut-il pas opposer les analyses, les diagnostics, les propositions, avant de s'installer sur la ligne départ?

Ne faut-il pas discuter, tout au moins, de la question de base: sur qui va-t-on s'appuyer, quelles couches sociales peut-on fédérer, y a-t-il possibilité d'élaborer un projet unifiant et unificateur qui n'attrape pas les mouches avec du vinaigre et qui, en même temps, corresponde à une solution aux problèmes du pays? Ne faut-il pas évoquer la question des alliances futures?

Comment concilier le rejet accéléré de la politique de Hollande avec des propositions réellement constructives pour sortir de la crise, faire advenir une France plus adaptée, plus satisfaisante? Ne faut-il pas avoir l'ambition de recueillir le pouvoir, autrement que par défaut, par rejet des autres. Bref, comment concilier le règne de l'opinion court-termiste et guidée par les émotions avec un plan objectivement rigoureux et efficace pour traiter les problèmes réels, les problèmes vrais.

Sitôt l'affrontement commencé, les voix s'élèvent pour le condamner, le stigmatiser, donc le refuser. On ne veut entendre qu'une seule voix, voir qu'une seule tête, le chef doit être de droit divin, illuminé par la Révélation, pas par le travail et la confrontation. Ce serait déchoir que d'élaborer, que de montrer le travail, la peine, le doute, qui président aux choix que l'on va proposer. Cela montrerait que, finalement, on peut se tromper, on peut faillir puisque l'on accepte la contradiction. Nous sommes à la racine du rapport des français au Pouvoir: il faut pour eux qu'il soit de droit divin. Comme nous le disons révélation. Héritage de la religion et de la royauté réunis.

Seconde remarque:

Le pouvoir culturel et médiatique des idées sociales-démocrates est tel que ce sont les adversaires de la Droite qui balisent le terrain de ses combats. L'arbitre des matchs au sein de la Droite, c'est le monde de Gauche.

Un comble que personne ne relève ou analyse. La Droite et ses militants, tout comme ses électeurs, sont enfermés par la pseudo pensée de « goche » dans le thème de la droitisation. La question des commentateurs qui mettent en forme les débats est: qui est plus à droite que l'autre? Etant entendu, bien sûr, que ces mêmes commentateurs affirment qu'il y a une droitisation générale de la Droite. Diable que voilà un combat bien mené dont les arbitres sont... les adversaires!

Le mot Droite est chargé de tellement de culpabilité, de connotions négatives, qu'il suffit de parler de droitisation, pour démoniser et même disqualifier.

En fait, c'est le peuple politico-médiatique de Gauche qui s'octroie le pouvoir de désigner, son futur adversaire, celui qui lui convient le mieux comme validant ses propres idées, ses propres valeurs, sespropres thèmes. Car, que l'on ne s'y trompe pas, la pensée est tellement polluée que la Droite n'arrive pas à se situer, à élaborer par elle-même, elle ne se situe qu'en regard de celle que la Gauche impose.

La référence de la pensée de Droite, c'est la pensée de Gauche. L'exemple le plus frappant étant la position sur la question des inégalités. L'autre exemple étant le corollaire du diktat sur les inégalités, à savoir, la légitimité du monde politique à niveler, contrôler, taxer, rogner sans cesse sur les libertés individuelles.

Troisième remarque:

Nous sommes dans la plus totale mystification. Il n'y a pas plus de démocratie dans le choix d'un leader de parti que dans le choix du Président de la République.

Rien ne vient du bas, pour reprendre le thème de Raffarin. Raffarin déplore que la politique ne se préoccupe pas « des gens d'en bas »; il n'ose pas être radical. La vérité est que les représentants du peuple souverain sont... nommés d'en haut.

Quand on vous propose un menu au restaurant, vous êtes capable de comprendre qu'en réalité vous n'êtes pas libre puisque vous devez choisir à l'intérieur de la liste que le patron vous propose. Et ce qu'il vous propose, c'est bien sûr, ce qui est dans son intérêt, le sien. Mais quand on aborde le mythe de  la démocratie, tout se brouille, vous voulez croire que la démocratie, c'est bien, que vous êtes souverain, que c'est vous qui choisissez, mais, au fond de vous, vous savez que ce n'est pas vrai. Et d'ailleurs, dès la fin du rite électoral, vous le manifestez en descendant en flammes le candidat pour lequel vous avez voté.

Les candidats des écuries présidentielles sont choisis par d'autres, selon des processus, des procédures, et en vertu de critères que vous ignorez. Plus le Pouvoir est proche de vous, et plus vous comprenez la mystification, elle vous est accessible. Ainsi vous comprenez que le maire est poussé par les intérêts dominants dans la commune; quelquefois, ces intérêts sont ceux des paysans, quelquefois ce sont ceux de l'hypermarché, quelquefois ce sont ceux de l'entreprise industrielle du coin, s'il en reste une... A Paris, ce sont encore d'autres intérêts qui sont en jeu... culturels?

Ainsi, vous comprenez encore que vos députés ne sont pas les vôtres, mais ceux qui ont été reconnus, adoubés par le parti qui les a investis, la pitoyable comédie de Ségolène a beaucoup fait pour faciliter cette prise de conscience. Mais quand on arrive plus haut, là, vous perdez le fil, c'est trop loin, c'est hors de votre portée et vous préférez, plutôt que de ne rien voir, fermer les yeux et croire que vous avez le choix. Vous tenez à préserver le mythe de votre souveraineté, le sens de votre déplacement pour aller voter.

Nous sommes désolés de vous dire que non vous ne choisissez rien. Fabriquer un Président, c'est long, coûteux, c'est un investissement hors de votre portée. Un investissement que d'autres, eux, font. Un Président, cela ne tombe pas du ciel, cela résulte d'un processus. Un processus secret, soigneusement dissimulé, occulte. Ce sont des groupes, informels, difficiles à identifier, qui propulsent les individus considérés comme ayant des chances.

Groupes pas forcément financiers ou industriels, pas forcément groupes de pensée, mais toujours d'influence. Ces groupes n'ont pas d'existence organisationnelle, nous sommes dans l'informel, dans les consultations à multiples niveaux avec réseaux de fondés de Pouvoirs, de missi dominici, de représentants, puis, de temps à autres, meetings discrets aux niveaux supérieurs, pour seulement, quand presque tout est décanté, que la discrétion est garantie, procéder aux réunions au sommet.

Vous vous en doutez, mais vous n'arrivez pas à imaginer ce qu'il y a derrière une élection présidentielle,ce qu'il y a de besoins financiers, besoins de main-d'œuvre dévouée. On a besoin de salles, d'informatique, de listings, de déplacements, de permanents, de matériel de propagande, de journalistes, de médias à la botte, de sondages, d'études de marché, de panels, de conseillers en communication, de services de sécurité, etc. et tout cela, très, très longtemps avant l'échéance. Surtout maintenant, avec le nouvel échelon des primaires qui se généralise.

Ce n'est absolument pas un hasard si on parle du candidat, comme d'un poulain, et de son équipe, comme d'une écurie. Il est amusant d'ailleurs que, symboliquement, les parrains de ces écuries politiques soient aussi, souvent, propriétaires d'écuries de chevaux de course! Ou d'équipes de football, cela traduit quelque chose qui est à creuser. Mais ne vous y trompez pas, il n'y a pas que l'argent en jeu, nous avons connu des patrons d'écuries dont le point fort, les atouts, le capital, n'étaient pas l'argent , mais le Pouvoir, l'influence, le maillage.

Une chose est sûre, ce n'est pas le capital intellectuel qui est dominant; on ne fabrique pas un candidat avec des idées. En France, ce n'est pas comme aux Etats-Unis, où les thinks tanks alimentent la vie politique. Non. Les quelques pseudo think tanks français ne pensent pas, ils copient, ils transposent et rédigent. Ils n'ont aucun rôle moteur, propulseur, ce sont des auxiliaires. Ils ne font rien remonter du bas vers le haut. On ne part pas du réel, mais de ce que l'on veut justifier, démontrer et... servir.

Nous avons dit, en débutant notre propos, que l'actualité forte, c'était l'affrontement des candidats au poste de Président de l'UMP. Bien entendu, vous avez compris que c'était un piège et que nous allions, comme à notre accoutumée, chuter sur une dernière pirouette. C'est vrai, l'actualité, ce n'est pas seulement le combat pour le contrôle de l'UMP, c'est aussi l'audition de Nicolas Sarkozy, son nouveau statut de témoin assisté dans l'affaire Bettencourt.

Vous avez compris que c'est précisément la même actualité! Sous deux modes d'apparaître différents, l'actualité est une. On parle de la même chose. D'un côté l'analyse intellectuelle, plutôt historique que théorique et, de l'autre, les travaux pratiques, la mise en application, l'exemplification dans le réel. Désignation des chefs et financement politique, même combat.

Bruno Bertez

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