Faites la Paix…du travail et pas la grève!

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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Certes, les luttes, l’organisation et la détermination sont indispensables, mais si la Paix du travail n’est pas entrée dans l’ADN des Suisses, disons qu’elle est au moins devenue une pratique profondément ancrée, comme quelques autres habitudes sociales et politiques qui expliquent que notre système économique, social et politique est souvent envié et donné en exemple à l’étranger.

Patronat et syndicat en dialogue

C’est aussi cela la Suisse: patronat et syndicat ont tenu un grand colloque commun le mardi 30 octobre 2012 à Tolochenaz à la Fédération vaudoise des entrepreneurs pour fêter les 75 ans de la Paix du travail, et pour s’interroger sur la signification actuelle et future de cette spécificité suisse.

La négociation, encore et toujours

 Rechercher encore et toujours le dialogue, la négociation, plutôt que la grève ou le lock-out, voilà une autre spécificité helvétique.

Une bonne vingtaine d’intervenants, issus des milieux les plus divers: les principaux acteurs de ces négociations, mais aussi des historiens, des chercheurs de diverses disciplines, des consultants en communication et négociation, des représentants des assurances sociales, des magistrats politiques, etc. Une diversité qui montrait une volonté forte de rassembler  un maximum d’acteurs concernés.

Une rencontre d’actualité

 La rencontre était d’actualité, avec les difficultés économiques actuelles et futures qui guettent des milliers de travailleurs et d’employés. Des tensions sociales et politiques inattendues reviennent à la surface, l’inquiétude grandit, la peur du lendemain se ressent partout. La révolte des licenciés par milliers est à la porte.

En préparation à une telle situation, la nécessité de ce genre d’échanges et de discussions, ouvertes, franches, réalistes et pragmatiques, n’est plus à démontrer (la cravate rouge du côté patronal n’était pas le seul signe de cette bonne volonté).

Même si les interprétations divergent…

Bien sûr, les thèses, analyses et interprétations  divergent selon les acteurs, mais ce qui frappe tout au long de ces discussions c’est la bonne volonté, l’atmosphère d’écoute, de respect mutuel, la volonté d’envisager les problèmes avec pragmatisme, soit à l’opposé de l’intransigeance idéologique, qui peut vite déboucher sur la grève immédiate dans nombre d’autres pays et faire des torts immenses à l’économie, voire ruiner un pays entier.

 La Paix du travail: au fondement du système social et politique

Cette spécificité économique, sociale et politique n’est pas acquise une fois pour toutes. La Paix du travail ne relève pas de l’évidence; elle est le résultat d’un long processus. Elle a été acquise progressivement; elle est le résultat d’une construction ininterrompue, à construire et à reconstruire tous les jours.

On veut s’en souvenir, au moment où des efforts particuliers seront à faire  dans la perspective de nouvelles tensions à venir, et que la Suisse n’avait plus connues depuis des décennies.

 

La voix syndicale: rappel des luttes plutôt que célébration 

Du côté syndical, on souligne qu’il ne suffit pas de célébrer et que les négociations et les résultats obtenus jusqu’ici sont le fruit d’une lutte permanente, qu’il a fallu contrer les projets d’un « libéralisme débridé qui visaient à vider les conventions collectives de leur substance  et à réduire l’influence des syndicats ». Il a même été prétendu que le patronat se servait parfois de la Paix du travail pour transgresser certains acquis, que la pression salariale restait constante et que l’augmentation du travail faisait l’objet de chantages divers et multiples. Si certains disent que la lutte est permanente et dure, d’autres parlent de construction  permanente, de l’aspect primordial du dialogue.

Du côté patronal on insiste aussi sur la nécessité pour les syndicats d’être représentatifs de leur base…

Dialoguer ce n’est pas plier

 Comme dans de nombreux autres domaines de la société suisse, la consultation généralisée, le dialogue, la négociation, sont à la base du fonctionnement relativement pacifique et très efficace du modèle de société construit et mis en place tout au long de l’histoire.  Cela ne revient pas à minimiser les conflits, omniprésents, il faut le rappeler; mais à montrer que l’on peut éviter que les différences d’intérêts et les conflits ne se transforment en guerre ouverte;  que les complémentarités ne se transforment pas nécessairement en antagonismes permanents, stériles, contreproductifs. Des études approfondies et comparatives viennent à l’appui pour montrer, chiffres à l’appui, que le dialogue est un élément crucial de la prospérité.

Les intellectuels de gauche: la Paix du travail n’est pas dans l’ADN des Suissses…

 Bien sûr, il y a toujours des intellectuels, des politiciens de gauche et des historiens, par exemple marxistes, qui viennent demander, au milieu des festivités, s’il faut vraiment célébrer  la Paix du travail, et d’autres encore qui profitent de l’occasion pour insinuer que seule la magie de la grève peut contribuer à améliorer la situation du monde du travail, ou que cette pratique singulière de la Paix du travail n’est pas dans l’ADN des Suisses et que seule la lutte des classes a permis de faire avancer l’Histoire.

Pragmatisme plutôt qu’intransigeance idéologique

 Certes, les luttes, l’organisation et la détermination sont indispensables, mais si la Paix du travail n’est pas entrée dans l’ADN des Suisses, disons qu’elle est au moins devenue une pratique profondément ancrée, comme quelques autres habitudes sociales et politiques qui expliquent que notre système économique, social et politique est souvent envié et donné en exemple à l’étranger.

Et cela, même si certains politiciens d’extrême gauche et marxistes français pensent que les Suisses sont idiots d’avoir refuser en votations populaires, et à plusieurs reprises, un abaissement du nombre d’heures de travail, du moins des diminutions jugées trop importantes, car il va de soi que la durée du travail a régulièrement baissé en Suisse mais évidemment pas autant qu’en France où les 35 heures ont été décrétées par la gauche au pouvoir et où, aujourd’hui même, certains socialistes parmi les plus à gauche  viennent de proposer « le passage au 32 heures pour mieux partager le travail ». Encore faudrait-il qu’il y ait du travail à partager et que les 35 heures ne soient pour rien dans les 3 à 5 millions de chômeurs, suivant les estimations.

Les syndicats, trop politisés ?

A ce propos, il est intéressant de constater que plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessaire dépolitisation des syndicats, certains allant, sans doute par esprit de provocation, jusqu’à suggérer que le monde du travail serait encore mieux servi si les responsables syndicaux étaient actifs dans tous les partis politiques et non seulement dans ceux de gauche. Idée certainement interpellante, mais ne point trop en demander relève peut-être aussi du pragmatisme.

Une célébration quand même

 Même si l’heure est très dure pour beaucoup, il n’est pas interdit de se réjouir de ces précieux acquis. Il est certainement important aussi de rappeler constamment le considérable travail de construction et de reconstruction qu’a nécessité la mise en place de cette pratique dite de la Paix du travail et de ses résultats. Et d’inviter tous les acteurs sociaux et politiques à œuvrer pour le maintien de cet équilibre, non de la terreur mais de la paix… du travail et d’éviter  l’aventure de la stratégie de la tension et des antagonismes guerriers. Les dégâts causés par les guerres ne sont que trop connus.

 

 

 

 

 

Un commentaire

  1. Posté par falafel le

    C’est quoi un syndicat suisse ?
    – un greviste qui n’a pas encore de travail.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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