L’asile: ou comment provoquer des effets pervers

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Tout immigré, tout requérant d’asile, tout étranger qui veut s’installer chez nous, tout individu non occidental, est, ontologiquement, un être idéal, innocent ou victime, surtout une victime, notre victime, évidemment. Et nous? Coupables! tel est le verdict, bien sûr; en plus xénophobe, raciste, inhumain, insensible à l’humanitaire…

La gauche suisse imite-t-elle la gauche française?

La gauche suisse semble imiter la gauche française: nier la réalité et les faits, créer de fausses polémiques, donner à manger aux médias  sur des problèmes inessentiels et qui ne préoccupent guère les couches populaires. Pire, ces dernières sont très largement d’un avis diamétralement opposé à celui de la gauche et bien sûr encore plus de la gauche de la gauche. Mais contrairement à la France, la chute de popularité de la gauche suisse n’est pas aussi rapide et massive qu’en France où elle détient pourtant tous les pouvoirs. Rarement une chute aura été aussi abyssale. Au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes, économiques notamment, qui, eux, préoccupent vraiment les citoyens français et encore plus les patrons, on alimentent  des polémiques relatives à quelques minorités (mais intéressantes sans doute électoralement) et qui plaisent aux médias. Les entreprises étouffent, les meilleurs veulent le quitter le pays, ils se surprennent même à manifester, une première. Réplique de l’idéologue exaltée et initiatrice des 35h,  Martine Aubry: elle leur demande de s’occuper de leurs affaires et non de politique! Cela, pendant qu’elle cède sa place de secrétaire générale du PS à un ancien condamné de justice à 18 mois de prison avec sursis pour abus de biens sociaux.

Même le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, pourtant considéré comme ayant un peu plus les pieds sur terre et dans le cambouis que ses collègues, veut faciliter les naturalisations alors que cette proposition est désapprouvée par 74% de la population. Encore et toujours: l’idéologie, plus forte que la réalité.

Attirer les médias avec des sujets polémiques?

L’homoparentalité, « le mariage pour tous », la « préférence immigrée », la gratuité des soins pour les clandestins, ce qui n’est pas le cas des nationaux, etc., voilà les priorités de la gauche dans une situation de crise économique grave comptant non pas 3 mais 5 millions de personnes à la recherche d’un emploi. Pas de problème, il suffit de laisser du temps au temps, la gauche résoudra tout ça, mais pas en 3 mois… Il n’y a plus que ceux qui sont au pouvoir qui y croient, et encore. La grande différence avec d’autres époques de la gauche au pouvoir: peu nombreux sont ceux qui font encore confiance.

Passer des 35 heures aux 32 heures!

Peu importe, certains proposent même de passer aux 32h (Pierre Larrouturou,PS), pour mieux partager le travail! Authentique. L’idéologie, toujours elle.

L'asile, les "purs" et le maximalisme  idéologique

En Suisse, le grand débat du moment à gauche, c’est l’asile, donc aussi celui des médias. La politique en la matière du Parlement et du gouvernement serait trop dure, inhumaine, anti-humanitaire, etc. Ce thème vaut bien une dispute à l’intérieur de la gauche entre dirigeants et une partie de la base, diverses associations pro-immigrés, antiracistes, etc. Les plus remontés n’ont guère de peine à ameuter les médias: tel vieil agité du bocal parle même de « lâcheté », d’autres de « trahison » de leurs dirigeants, parce que ces derniers ne veulent pas du référendum décidé par l’extrême gauche: la campagne politique reviendrait « à faire le jeu de l’UDC ». Il va de soi pour la gauche exaltée et manichéenne que « l’UDC veut détruire le système de l’asile ».

Que l’on puisse débattre de la nature de la politique de l’asile est une évidence, et propre à un espace public foncièrement démocratique, mais continuer à nier totalement les nouvelles réalités de ce qu’est devenu en partie l’asile est incompréhensible  pour la population qui vit au quotidien ces nouvelles réalités.

Les "gentils" et les "inhumains": un cercle vicieux irresponsable

Pas un mot du côté de ceux qui « ne veulent pas perdre leur âme » sur les dérives de l’asile devenu également une source d’abus et de criminalité, parfois très importante.

La situation ne change pas: d’un côté les gentils défenseurs de tout  requérant, de l’autre ces affreux xénophobes, inhumains, sans esprit humanitaire, égoïstes, nationalistes, refermés sur eux-mêmes, insensibles  aux drames humains internationaux, etc.

La réalité est très différente: on le sait, la très grande partie de la population suisse est acquise à l’asile, des divergences existent certes sur l’ampleur  de son acceptation, mais elle ne peut plus tolérer les abus et la criminalité qui lui sont liés. Rien d’inhumain là-dedans. Et pourtant certains continuent à vivre, frénétiquement, sur cette accusation, en s’aveuglant à bon compte.

Mais ils ne se rendent pas compte que cette intransigeance et cette cécité produisent des effets pervers, contre-productifs. A la longue cette attitude révulse de plus en plus la population, cela d’autant plus que les médias la mettent largement en scène. Un cercle vicieux affolant.Rien n’y fait.

Et le respect des couches populaires?

Ce discours moralisant, à la fois auto-valorisant et hétéro-dévalorisant, était exactement le même il y a quelques années déjà, et même depuis plusieurs décennies. Les médias le mettaient en scène de la même façon. Il va de soi que ces mouvements moralisateurs n’acceptent aucune responsabilité dans le durcissement du climat politique. Jamais ils ne se mettent à la place de Monsieur et Madame Tout-le-monde. Ils sont seuls à être dans le vrai. Mais avec quelle illusion, quelle irresponsabilité? Ils n’en ont que faire.

La claque à 70% de 2006 n'a servi à rien

Même si en 2006, le 70% de la population a refusé exactement un même type de référendum que celui qui vient d’être décidé. Et que disaient-ils alors: « Nous gagnerons le référendum contre la loi sur l’asile grâce à une large coalition de la société civile »(Le Temps, 23 déc.2005). Quand on prend ses illusions pour la réalité. Peu importe, on a quand même raison. Partout on assiste à des durcissements des lois relatives à l’immigration et à l’asile; et la Suisse, contrairement à ce que prétendent certains, figure parmi les pays qui acceptent proportionnellement le plus de réfugiés.

En 2005, les inconditionnels de l’asile combattaient un durcissement de la loi jugé « empreinte d’un esprit discriminatoire et d’exclusion » et projetaient une « Coalition pour une Suisse humanitaire ». Jamais, non plus, le moindre mot sur les raisons de ces durcissements successifs. Les Autres sont simplement et toujours « hostiles à la solidarité ». L’engagement des défenseurs inconditionnels de l’asile ne serait même pas politique! Puisqu’ils se réfèrent « aux valeurs fondamentales des droits et de la dignité humaine». Que sont alors les Autres? Des monstres inhumains ? on devine que ce type d’accusation incitent ces derniers à soutenir ce genre de référendum!

De claque en claque, on n’apprend rien. Mais il s’agit bien de politique, avec comme résultat des effets contraires à ceux souhaités. Et une grande responsabilité, elle aussi politique: le gonflement de mouvements réactifs, auxquels s’ajoutent souvent assez vite diverses formes de violences.

La sanglot de l'homme blanc: l'Autre est innocent ou victime

En fait, derrière ce militantisme foncièrement intransigeant et égocentrique, il y a une attitude plus fondamentale faite d’un mélange de culpabilité occidentale, d’habitus de repentance, de la fameuse auto-flagellation, d’auto-dénigrement, du fameux sanglot de l’homme blanc, coupable de tous les maux du monde et qui, pour le payer, doit inverser complètement son  ethnocentrisme  arrogant antédiluvien. Nous sommes tous historiquement coupables, nous devons maintenant tout accepter des Autres et les accepter sans limites chez nous, quelles que soient les conséquences négatives. Et ces dernières sont encore de notre faute.

Implicitement, cette attitude signifie aussi que tout immigré, tout requérant d’asile, tout étranger qui veut s’installer chez nous, tout  individu non occidental, est, ontologiquement, un être idéal, innocent ou victime, surtout une victime, notre victime, évidemment. Et nous? Coupables! tel est le verdict, bien sûr; en plus xénophobe, raciste, inhumain, insensible à l’humanitaire, alors que même les plus pauvres donnent régulièrement quelques sous pour les plus pauvres qu’eux.

Mais rien n’y fait, l’autisme  moralisant, qui est en réalité hautement politique, ne serait-ce que par les conséquences qu’il provoque, ne veut pas se confronter à la réalité et continue ainsi d’alimenter le cercle vicieux des effets pervers. L’intransigeance est telle que le durcissement des fronts semble inévitable, de même que ses conséquences, parfois dramatiques.

A quand le retour au réel?

Le retour au réel et la recherche de solutions à partir de ce réel, même si elles font nécessairement l’objet de disputes intenses,  sont-ils encore possibles? Le doute est permis; les dangers plus que réels.

 

 

 

 

 

3 commentaires

  1. Posté par Gilles Vuilliomenet le

    Je suis tout-à-fait d’accord avec vous Monsieur Mabillard! J’aurais bien aimé voir l’un de nos responsables balancer à la face de ces hypocrites la réalité de leur façons de mettre en oeuvre les Droits de l’Homme. Comme ce député autrichien qui avait remis à sa place un ambassadeur turc.

    http://www.youtube.com/watch?v=MAqOqoA-G60

    Mais que voulez-vous, depuis une vingtaine d’années, nos politocards, de droite comme de gauche en passant par le centre ont montré leur veulerie.

    En tant que citoyen libre, je donnerai ce conseil à nos rigolos du CF: amorcer déjà la sortie de la Suisse du Conseil des non-Droits de l’Homme.

    Je conseille également à ces pétochards de lire la déclaration des droits de l’homme musulman, quitte à se la faire expliquer par des spécialistes afin de savoir si nous devons abonder dans le sens de l’OCI pour criminaliser le blasphème et la diffamation des religions.

    Tout cela est un peu lié.

  2. Posté par Eddie Mabillard le

    Ce matin même j’entendais aux infos de la radio, que notre ministre du DFAE s’expliquait en présentant pratiquement des excuses sur notre système de démocratie directe au ministre turc qui harcelait la Suisse au sujet de l’initiative des minarets.
    C’est absolument abject de la part de notre ministre.
    Premièrement, il devait faire comprendre au Turc que nous avons des lois.
    Deuxièmement, qu’en Turquie les Chrétiens ne peuvent construire d’Église dans les faits.
    Sur le fond il a reconnu que nous ne sommes pas au zénith pour le respect des droits de l’homme, j’ai cru m’étouffer. Des pays où l’on coupe des mains, lapide à tour de bras, se permettent de nous faire la leçon sur notre respect des autres, j’en suis abasourdi, ceci certainement avec les applaudissements de la gauche.
    Pauvre petit ministre, pauvre conseil fédéral!

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