Les médias au service des frères Ramadan ?

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Dossier. Mon message n’a qu’un objectif : apprendre à mieux lire entre les lignes, à mieux décoder des formes inattendues du politiquement correct (ici, on cherche à faire passer des pratiques totalement inacceptables au moyen d’un discours présenté comme acceptable, voire modèle). Sinon, le réveil risque d’être brutal.

L’affaire.

Il s’agit bien sûr des réactions à la diffusion du film «L’Innocence des Musulmans» et des caricatures du journal satyrique Charlie Hebdo. Après chaque critique de certains aspects de la religion musulmane, suit une tempête de réactions, parfois très violentes dans certains pays musulmans. Avec parfois des morts; cette fois, c’est notamment l’ambassadeur des USA en Libye qui a été tué avec plusieurs de ses employés. Son corps a ensuite été lynché et traîné dans les rues pour compléter ce spectacle barbare.

Qui a vu le film ou les caricatures?

On sait que très peu de personnes ayant participé à ses horreurs n’ont vu ni le film ni les caricatures. Ces opérations sont le plus souvent et en grande partie le résultat d’une instrumentalisation politique destinée en premier lieu à entretenir la haine antioccidentale.

Ceux qui profitent de la situation pour rappeler l’ordre d’assassiner

Parallèlement à ces manifestations, certaines autorités religieuses musulmanes profitent de telles occasions pour rappeler ou exiger publiquement, au vu et au su de tout le monde donc, quelques exécutions de caricaturistes, d’écrivains ou d’auteurs de films critiques envers l’islam. Tel religieux islamiste enfonce le clou, plus précisément l’épée, ou tout autre instrument servant à égorger les «blasphémateurs» en augmentant la prime promise pour assassiner l’écrivain Salman Rushdie, qui vit sous un autre nom et en clandestinité depuis des décennies, protégé heure par heure par la police.

Il faut rappeler que ces menaces n’ont rien de théoriques puisque le cinéaste Théo van Gogh a réellement été égorgé, comme un porc, et qu’un autre caricaturiste a échappé à plusieurs tentatives du même genre.

Refuser de considérer ces appels à assassiner comme allant de soi

Mon propos spécifique. Tout se passe comme si on finissait par s’habituer, voire accepter de tels appels publics à l’assassinat, voire à les considérer comme allant de soi, en attendant avec fatalité leur exécution. C’est ce climat qui devrait être énergiquement refusé et combattu. Nous n’avons pas le droit d’accepter cet état de barbarie sans réagir, cela d’autant plus que leurs auteurs exigent que ce genre d’exécutions aient même lieu dans nos propres pays. Les auteurs de telles menaces devraient faire l’objet d’un mandat d’arrêt international immédiat et être déférés devant des tribunaux susceptibles de les juger. Etonnant que les habituels défenseurs des droits de l’homme, d’habitude prompts à réagir, ne protestent pas plus clairement et fermement.

La critique des religions n’est ni de l’islamophobie ni du racisme

D’aucuns préfèrent sans doute écouter ceux qui voudraient faire passer la critique des religions et le terme inventé de manière démagogique d’islamophobie, comme une forme de racisme. De quel côté est donc le refus de l’Altérité? du côté de celui qui ne veut qu’être lui-même, avec ses propres valeurs, dont celle de la liberté d’expression conquise de hautes luttes par ceux à qui nous devons cette fabuleuse conquête?

Le prétexte des «abus» de la liberté d’expression

Ceux qui ont été prêts à laisser leur vie pour nous léguer cette liberté d’expression doivent se retourner dans leur tombe en nous voyant prisonnier d’un nouveau piège, celui du double langage, une autre novlangue, propre à ce genre d’idéologie, à la fois religieuse et politique, qui veut nous faire croire à la formule séduisante suivante: «oui à la liberté d’expression mais dans le respect de l’autre». Ce qui revient à limiter notre liberté en fonction de la conception que s’en font ces autres. La formule la plus hypocrite est certainement la suivante: «oui à la liberté mais non aux abus». Quand commence l’abus? Si l’on évoque d’emblée les abus il n’est pas nécessaire d’être très averti pour deviner ce que cela peut signifier. Typique du double langage, voire d’un discours profondément pervers.

Démasquer les pièges du double langage

Il est incroyable de constater à quel point nous nous laissons enfermer dans cette dialecte qui vise un but précis: nous empêcher de critiquer ce qui est inacceptable pour nous et nous amener de manière insidieuse à nous adapter aux exigences d’une idéologie religieuse fondamentalement intolérante et exclusive (puisque nous sommes des «mécréants»).

Les médias complices

Or dans cette période artificiellement agitée et instrumentalisée par les islamistes, que font certains médias? Ils donnent largement et longuement la parole au duo des frères Ramadan, spécialisés dans un double langage qui consiste à chercher à se montrer ouvert, réformateur, tolérant, etc., tout en voulant nous faire porter la responsabilité des horreurs et crimes commis par certains adeptes de leur religion.

On nous dit aussi que la lapidation fait partie intégrante des textes sacrés même si elle n’est que théorique (pas tant que cela); ou alors on propose un «moratoire» pour cette pratique barbare, à laquelle chacun est invité à participer en jetant son caillou meurtrier sur une personne parfois non coupable et désignée de manière intéressée.

En pleine période de violences islamistesactuelles, L’Illustré( 19 septembre, 4 pleines pages), journal à très fort tirage et populaire, et Le Temps ( 19 septembre, une Opinion), journal qui se veut haut de gamme, donnent très largement la parole aux deux frères, à la fois Frères Musulmans. Ces derniers n’ont pas manqué l’occasion pour réactiver leur mécanique discursive habituelle. L’Illustré nous dit qu’ils sont "incontournables» sur la thématique musulmane, cela qu’on «aime ou déteste».

Il faut lire leurs textes attentivement si l’on veut saisir cette dialectique tout à fait spécifique, bien connue dans les sciences du langage, mais encore prise au premier degré par un nombreux public.

Extraits. La liberté? «c’est bien beau » mais elle peut vite devenir pure «provocation». Il s’agit de savoir «quel usage on fait de cette liberté ». Notre liberté devient «une liberté de nanti».

On ajoutera un petit coup d’analyse marxiste en passant. Les nantis contre ceux «qui se battent pour la survie», etc, Ils sont contre la peine de mort mais demande un moratoire sur la lapidation. Il faut punir les coupables du meurtre de l’ambassadeur des USA en Libye mais il faudrait surtout juger l’ancien président des USA Georges Bush responsable de «tellement de morts», etc.

Comprendre la mécanique du double langage?

La même mécanique discursive se retrouve chez le Frère Hani.

Il n’est pas possible de faire ici une analyse scientifique complète de ce type de discours. Mon but est simplement de suggérer aux lecteurs d’être plus attentifs aux objectifs cachés de certains discours idéologiques et religieux.

Un exemple néanmoins de la rhétorique d’Hani Ramadan.Il nous refait, entre autres, le coup autour de la notion de «liberté»: si «la liberté d’expression est un droit, elle conserve des limites déterminées par un seul terme: la dignité».

Mais voyons! Critiquer vraiment c’est être indigne.

Ce dimanche 23.09.2012 encore, lors d’une manifestation de protestation contre le film L’Innocence des Musulmans, Nicolas Blanchot, président du Conseil central islamique suisse, nous ressert un verset connu: «Les musulmans sont pour la liberté d’expression, mais il ne faut pas en abuser». Toujours la même mécanique.

Il ajoute qu’il faut «doter le pays d’un moyen de prévention contre quiconque veut s’en prendre au sentiment religieux». Le sentiment religieux? Mais voyons, c’est évident, non? Quelle est l’étape suivante, et déjà tentée dans bien des organismes internationaux? réussir à faire associer les critiques de l’islam au racisme, afin de pouvoir faire appel à la justice et intimider encore un peu plus. Toujours au nom du «manque de respect du sentiment religieux».

Toute religion est respectable mais s’il faut aller en justice on pourrait exiger que ce soit d’abord contre les aspects barbares(appel à tuer dans le monde entier, égorgement pour «blasphème», etc) de certaines religions.

Il faut « désamorcer toutes les formes de violence, engager le dialogue au nom des valeurs que nous partageons (tiens, lesquelles à propos? l’égalité entre hommes et femmes, ou la primauté du politique sur le religieux?, etc, ndr) et de respecter nos frères humains». D’accord pour «le respect des frères humains», mais alors pourquoi en appeler à égorger certains, publiquement, mondialement, avec force millions de dollars à l’appui?

Mon message n’a qu’un objectif : apprendre à mieux lire entre les lignes, à mieux décoder des formes inattendues du politiquement correct ( ici, on cherche à faire passer des pratiques totalement inacceptables au moyen d’un discours présenté comme acceptable, voire modèle). C’est tout un art, en fait une forme de discours bien spécifique qu’il faut apprendre à décoder. A nous et aux médias surtout de ne pas nous laisser endormir et aveugler. Sinon, le réveil risque d’être brutal.

Autres recherches sur le double langage, en l’occurrence des deux Frères Musulmans

Bien des auteurs ont cherché à mettre en lumière ce double langage des deux frères. Ces auteurs ont aussi montré que les Frères Ramadan tiennent des discours différemment intéressés selon le type de lieu et d’assemblée devant lesquels ils interviennent.

Comme nos lecteurs nous demande souvent de mentionner quelques livres venant compléter nos articles, dans le cas présent je me conterai d’en citer un, remarquable à mon avis dans ce décodage du discours des deux frères et écrit par deux femmes dont les compétences sont difficiles à mettre en cause: J.-H. Kaltenbach et M. Tribalat, La république et l’islam, Entre crainte et aveuglement, Gallimard, 2002.

Ces auteurs ont aussi le mérite de rappeler certaines réalités mal connues et constamment niées par les deux Frères, par exemple le fait qu’ils ont tous les deux été à certains moments interdits de séjour, en France notamment(en 1995 et 1997), avec à chaque fois l’intervention immédiate de comités de soutien d’intellectuels, d’organismes des droits de l’homme et de religieux.

Ces deux auteurs avaient déjà relevé dans les années 2000 la publicité que leur faisait « la grande presse suisse » et que doivent leur envier «nombre d’intellectuels helvétiques»( op cit.p.272).

Ces soutiens sont comparés aux fameux « idiots utiles » dont parlait Lénine à propos «des compagnons de route ignorants» et que souligne également R. Labévière, Les dollars de la terreur. Les Etats-Unis et les islamistes, en ajoutant: « Les frères Ramadan sont les rois de l’ambiguïté». En France, Le Monde diplomatique et Le Monde relaient eux aussi très volontiers leurs paroles.

On pourrait aussi rappeler les activités des deux frères qui ont inquiété diverses polices nationales.

Mais ici il s’agissait essentiellement pour moi de pointer l’attitude de certains medias romands qui, au milieu de ces déchaînements de violence actuels et des meurtres perpétrés, donnent largement la parole aux deux Frères sans le moindre regard critique sur leurs discours qui instrumentalisent la liberté d’expression à des fins qu’il est urgent d’expliciter et de faire mieux connaître. Au risque de se retrouver parmi les nouveaux idiots utiles.

Uli Windisch, 4 octobre 2012

 

5 commentaires

  1. Posté par Blanc Damien le

    Si la liberté d’expression est pleine et entière on admet que toutes les formes d’expression, même celles qui nous dérangent par exemple celles qui émanent de gauche comme les critiques contre Blocher par voie d’exposition d’art d’un goût douteux.
    Soit, la liberté d’expression est limitée dans un état démocratique aussi et cette limite est finalement donnée par un consensus émanant d’une société. Ainsi, à titre d’exemple également, il est interdit d’exprimer des avis contraires à celui qui est établi sur le sort des juifs pendant la 2ème guerre.
    J’en déduis qu’il ne faut pas se battre sur le fait de savoir si la liberté d’expression est limitée, mais sur le contenu et la portée de ces limites.
    Ainsi, cette fois à titre personnel, je déteste que l’on puisse considérer que des caricatures d’un Dieu soient impossibles. Mais je conçois qu’il est loisible à un croyant de considérer que ces caricatures dépassent les limites de la liberté d’expression.
    Ainsi, à ne point douter, notre tâche est de gagner le combat des valeurs et non pas de dénoncer ceux qui expriment les leurs.
    Mais il est vrai que la gauche semble avoir gagner le combat des valeurs et qu’il ne reste à la droite que la dénonciation de ceux qui usent des droits découlant de ces valeurs.
    Qu’en pensez-vous ?

  2. Posté par labolisbiotifool le

    @ l’ auteur : excellent article, qui reflète bien ce que beaucoup de ” Gaulois”
    ressentent sans parfois oser le dire, et que vous développez remarquablement !

    Merci !

  3. Posté par freemind le

    Que pourrai-je ajouter à vos propos B.Migy? C’est exactement mon opinion, mais vous la dite mieux que moi, alors bravo.

  4. Posté par Patrick Dupont le

    un peu hors sujet, mais ça se passe en Suisse
    La Suisse autorise le port du voile intégral
    “La Suisse ne suivra pas la voie empruntée par la France et la Belgique. Le Parlement suisse a refusé, vendredi 28 septembre, d’interdire le port du voile intégral (niqab) dans les lieux publics.
    Le Conseil National, la chambre basse, a voté contre la proposition d’interdiction par 93 voix contre 87. Le Conseil des États, la chambre haute du parlement avait déjà rejeté le projet en mars dernier.
    « Aujourd’hui en Suisse le port de ce type de vêtements pour des raisons religieuses ne pose pas de réels problèmes au quotidien, cette pratique étant peu courante au sein de la communauté musulmane suisse. Si le port du niqab ou de la burqa venait à être interdit cela aurait des conséquences néfastes sur l’intégration des femmes musulmanes en Suisse », a déclaré Hugues Hipthold, un parlementaire de la majorité, qui juge la mesure « excessive » et susceptible de nuire au tourisme venant des pays musulmans […]”
    Saphirnews

  5. Posté par Migy le

    26 09 2012
    Cher Monsieur Uli Windisch, bonjour.
    Dans ce monde aveugle et aveuglé par ceux qui normalement devraient apporter lueur, les médias sont contraire de toutes ces attentes, pires, elles contribuent à l’ignorance des peuples, avec pour résultat la lâcheté de nos dites élites face au totalitarisme islamiste, destructeur de nos nations. Ce mal, appelé politiquement correct est un cancer mortifère. Il est temps de dire non à ce nouveau fascisme. Pour preuve la déferlante anti occidentale en terre d’islam et chez nous – au prétexte d’un film bon ou mauvais qui ouvrir la voie aux criminels assassinats en réponse à nos libertés si chèrement acquises. Et que font nos médias et politiques ? Ils se couchent et hurlent à la stigmatisation de l’islam, religion de paix. A toutes ces trahisons, nous payerons je crois le prix fort.
    Pour mémoire les accords de Munich – de sinistre mémoire. Les médias : pour preuve, et qu’elle ne fut pas ma surprise de lire dans 24heures du lundi 24 09 2012 en page 2, la libre opinion donnée au grand démocrate Hanni Ramadam, recteur de la mosquée des Eaux-Vives à Genève. Ce grand libéral nous rappel combien nous autres européens avons perdu notre âme en Syrie… Vous avez bien lu, en Syrie le problème est l’occident, pas les pays arabes… Quand à notre âme perdue, M.Ramadan, je vous rassure, nous n’avons rien perdu et pour cause, nous autres occidentaux, nous n’avons pas d’âme… et cela je croyais que vous le saviez. Trève de plaisanterie. Que le journal 24heures donne la parole à x ou y est son droit. A une condition, préciser qui en est l’auteur et son idéologie, en l’occurrence Hanni Ramadan et pour mémoire justifie au nom de la sainte charia, la lapidation… réf. Le journal Le Monde – août 2003.

    A ce sujet, notre chère SSR nous appartient un peu… si,si, je viens de payer mes taxes. Service public au service du dit public. Voir ? Nous pourrions attendre de la presse en général et cette dernière en particulier, des regars libres. En réponse nous avons une pensée unique, broyant toute critique et libre arbitre. Cette idéologie de soumission à l’autre nous sera fatale. Pour preuve, la criminelle attitude de l’ensemble de l’europe face à la barbarie au non de l’islam outragé… Pour ce qui est de la pensée unique, j’ai toujours un malaise, en effet * pensée et unique n’est-ce pas contradictoire ? *.

    Pour terminer, un grand merci à l’ensemble des collaborateurs du journal, j’avoue un faible pour Mireille Vallette. Mais ne le dite à personne…

    Avec mes meilleurs messages. B.Migy

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