Au cœur de la formation policière

Yanik Sansonnens
Yanik Sansonnens
Journaliste indépendant

Reportage du 23 au 28 septembre, les aspirants de l’académie de Savatan ont suivi un stage au Centre National d’Entraînement des Forces de Gendarmerie française (CNEFG). Il s’agit d’une première pour une école suisse. Récit d’une semaine riche en émotions.

Après les 12 heures de car pour relier Savatan à Saint-Astier en Dordogne, la fatigue se fait ressentir chez les 113 aspirants vaudois et valaisans. Mais le repos attendra, puisqu'ils sont rapidement convoqués sur la place d'armes du CNEFG. Le lieutenant-colonel Alain Bergonzoli donne le ton : « Notre présence ici résulte d'un long processus de négociations et c'est un honneur d'être accueilli dans ce centre d'excellence européen. Les phénomènes sociétaux touchant notre pays sont connus depuis longtemps en France et nous devons maîtriser les différentes manières de réagir face à l'hostilité. Découvrir un autre environnement est très important pour continuer à assurer notre mission auprès de la population ». Durant 5 jours, les policiers en herbe sont mis à rude épreuve, car soumis à des conditions proche de la réalité, lors d'exercices inspirés de cas concrets vécus en Suisse.

Programme chargé

A tour de rôle, les aspirants ont joué les « plastrons » (auteurs d'incivilités) ou les forces de l'ordre, en appliquant les consignes, techniques et autres tactiques apprises durant leur formation initiale. Au menu, bagarres, violences conjugales, délogement de campement illicite, consommation de stupéfiants, jet de projectiles, vandalisme, passage à tabac, mais aussi encadrement de supporters virulents, formation de chaîne pour contenir une foule, intervention lors d'émeutes, protection d'objectif ou encore création de sphères de sécurité... Instruits avant chaque exercice, les aspirants font ensuite le point avec les instructeurs de Savatan et du CNEFG. En résumé, les journées s'avèrent pluvieuses, éprouvantes, mais étoffent la compréhension du terrain, avant la grande manœuvre du dernier soir : en collaboration avec leurs collègues français, les aspirants procèdent à un exercice de grande ampleur, dans un contexte tendu. En fin de soirée, un groupe de « plastrons » pilonnent sans relâche les positions policières, qui doivent se défendre, repousser les manifestants et sécuriser une zone définie. Un exercice qualifié de « réussi » par l'état-major.

Objectifs remplis

A l'heure de tirer les enseignements, le sergent-major Rochat présente une mine réjouie : « Ces modules d'instructions visent à développer la souplesse intellectuelle et à améliorer la faculté d'adaptation des aspirants, mais aussi à nourrir la cohésion et l'esprit de corps. J'ai le sentiment que le but est atteint ».

 

3 questions à Alain Bergonzoli, directeur de l'académie

Comment un tel séjour a-t-il été rendu possible ?

C'est une affaire d'hommes et de réseaux que nous avons réussi à exploiter à bon escient. Fin 2011, nous nous sommes rendus à Paris avec Christian Varone (ndlr. commandant de la police valaisanne), afin de signer un accord de partenariat avec l'état-major de la gendarmerie française. Je précise que cette démarche a été largement appuyée par le conseil de direction, présidé par la conseillère d'Etat Jacqueline de Quattro. Nous possédons d'excellentes infrastructures en Suisse, mais nos voisins bénéficient en outre de nombreux instructeurs permanents, apportant un complément d'expérience très utile à nos aspirants.

Quel bilan tirez-vous de cette semaine ?

Nos objectifs visant à parfaire notre mission de sécurité publique et de maintien de l'ordre ont été remplis. Les conditions dans lesquelles nos aspirants ont baigné ressemblent à la réalité quotidienne et ce qu'ils ont appris durant ces 5 jours, leur servira pour les prochaines années. Les exigences étaient élevées, les journées intenses et longues, mais ils ont su relever le défi. Je suis satisfait.

Ce stage se renouvellera-t-il en 2013 ?

Notre accord prévoit une reconduction pour les prochaines années. Il faut savoir que cette formation s'inscrit dans le budget annuel de l'académie et n'est pas plus onéreuse que si elle avait lieu en Suisse. Le transport ne nous a rien coûté, car il a été assuré par une unité de gendarmes français. En échange de cette prestation, nous offrons un stage de gestion de crise à une quarantaine de leurs cadres, qui se déroulera l'année prochaine à Savatan.

Réactions d'aspirants

Maxime Salvi : « Ce stage complète à merveille notre formation. La discipline militaire des gendarmes français, ainsi que leurs méthodes de commandement m'ont marqué. Je suis très content de cette semaine, même si j'aurais aimé bénéficier d'encore plus d'instructions des Français ».

Déborah Binotto : « Les infrastructures m'ont impressionnée et j'ai particulièrement apprécié les exercices de TTI (ndlr. Techniques et Tactiques d'Intervention). Mais je regrette qu'on n'ait pas pu refaire plusieurs fois certains exercices et que d'autres semblaient trop courts ».

Julien Fumeaux : « Le bilan est plus que positif. On a vécu de belles expériences et notre savoir s'est enrichi. J'ai été notamment frappé par une technique française d'interpellation de personnes en zone dense. En Suisse, on apprend à se mettre en colonne, un par un, alors qu'eux se placent en binômes ».

Aurélie Folly : « J'y vois clairement une plus-value pour la suite de notre carrière. Le cadre diffère de Savatan, il y a eu beaucoup de pratique, pas trop de théorie, ce qui m'a réjoui. Tout était globalement bien structuré, même si on a pas eu assez de temps pour manger le dernier soir ».

Pascal Zimmerli : « On a bien progressé et j'ai trouvé pertinent d'utiliser des thèmes d'actualité, lors de nos exercices d'intervention. Après chaque phase, les instructeurs nous faisaient part de leurs remarques, ce qui permettait de corriger les erreurs. Une semaine parfois stressante, mais concrète et instructive ».

Yanik Sansonnens

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