Le Tribunal fédéral vient de débouter un requérant d’asile. Chronique d’un parcours.
X est né en 1980 en Gambie, micro-état africain enclavé dans le Sénégal sur les rives du fleuve du même nom. La Gambie a bien connu un petit coup d'état en 1994, mais la démocratie est en marche depuis 1996. Une démocratie à l'africaine, forcément, mais pas une dictature non plus.
X débarque en Suisse en 2002 et dépose une demande d'asile au nom de A, ressortissant libérien. C'est malin, le Libéria est en état de guerre constant depuis des décennies, et ça marche. X est ventilé sur le territoire suisse et disparaît dans la lenteur des procédures.
X s'est dégoté un petit boulot, on le retrouve en 2005 devant le Tribunal d'arrondissement de Zurich où il prend 22 mois pour trafic de stups. L'histoire ne dit pas s'il les a fait. Il faudra encore huit mois pour prononcer le rejet de sa demande d'asile, assortie d'une interdiction de territoire valable jusqu'en 2011.
En décembre 2007, alors qu'il est interdit de territoire et qu'il aurait dû être ramené en Gambie depuis plusieurs mois, X tombe subitement amoureux de B, suissesse, mère de deux enfants, et l'épouse. Le cadeau de mariage ne se fait pas attendre, X reçoit une autorisation de séjour au titre de regroupement familial.
La routine reprend ses droits et c'est tout naturellement que Mme X accompagne son mari, en 2008, à l'audience de jugement d'un tribunal genevois pour l'y voir condamné, cette fois-ci, à quatre mois de peine privative de liberté.
Même pour l'ODM, l'Office fédéral des migrations, la chose commence à bien faire. L'ODM suggère alors à l'Office cantonal de la population du canton de Genève de ne pas renouveler l'autorisation de séjour du ressortissant gambien.
X ne se démonte pas pour autant, en 2009, une naissance vient illuminer le bonheur du jeune couple. L'Office cantonal de la population ne se démonte pas non plus et signifie, à la fin de l'année, son refus de renouveler l'autorisation de séjour tout en lui impartissant un délai pour quitter la Suisse. X, qui commence à connaître son droit, fait recours.
Le sort s'acharne, en 2010, X, qui n'est toujours pas parti, prend 20 mois pour infraction à la loi sur les stupéfiants. En 2011, son recours est rejeté. X en appelle à l'instance supérieure, en vain, cette fois-ci X semble avoir enfin réussi à fâcher la justice. Qu'à cela ne tienne, un nouveau recours en matière de droit public lui obtient l'effet suspensif... X s'y plaint d'arbitraire et de ne pas avoir été entendu en 2009. Ne ménageant aucun effort, X avance encore l'état de santé de l'enfant qu'il a eu avec B: un “strabisme accommodatif” et un pied tourné vers l'extérieur, ce dernier point n'ayant jamais pu être confirmé par des médecins. Selon X, son enfant ne pourrait pas être soigné convenablement si sa famille choisissait de le suivre dans son pays.
En août 2012, constatant que X n'a jamais cherché à pratiquer d'autre profession que celle qui l'a si souvent conduit en prison, laquelle prison n'a jamais été du moindre effet sur sa détermination, le Tribunal fédéral, de guerre lasse mais après avoir tout tenté pour sauvegarder les droits fondamentaux de X, rejette son recours.
10 années de lutte, de patience et de frais astronomiques, à charge du contribuable, forcément, tant il n'est pas dans les habitudes de nos trafiquants locaux de dresser des fiches d'impôts en bonne et due forme. A l'heure où le Parlement réduit les peines relatives à la possession de cannabis - au lendemain de la publication d'études en démontrant enfin les effets graves et irréversibles - à de simples amendes au prétexte de l'engorgement des tribunaux, des hordes de faux requérants viennent s'échouer à la barre de nos parquets.
Que l'on se rassure, les options de X sont encore légion, un effet suspensif sur un recours à la Cour européenne des droits de l'homme, où les délais d'attente sont réputés plus que généreux, déposer une demande d'asile dans un autre pays de l'espace Schengen et tout recommencer, cela marche encore, dit-on. Ou bien encore, plus simple, domicilier toute la petite famille sur France, Madame ayant un droit objectif de résidence dans l'espace Schengen, il n'y a pas de raison que le regroupement familial ne marche pas aussi bien qu'en Suisse. Reste à X à ne plus commettre ses infractions que sur le territoire de la Confédération pour ne pas prendre le risque d'irriter son nouveau pays d'accueil et le tour est joué, la Suisse ne pourra plus le renvoyer en Gambie s'il a une adresse et un titre de séjour en France.
Et vous, qu'en pensez vous ?