Comme si l’intelligence et les exigences de la logique devaient le céder au dogmatisme et à la bêtise. Comme si la gestion d’une caisse de pension ne devait pas prendre en compte les réalités politiques, économiques, sociales et démographiques changeantes.
Au cours de la dernière décennie, les organes dirigeants des deux caisses de pension publiques du canton, la CIA et la CEH, ainsi que les syndicats « défenseurs » de leurs affiliés ont, dans un aveuglement aussi volontaire que stupide, systématiquement rejetés les avertissements relatifs au déséquilibre inhérent et intenable existant dans le fonctionnement de ces institutions.
La loi, ont-ils toujours prétendu, sanctifiait à hauteur de 50 % la sous-couverture de ces dernières. Comme si l’intelligence et les exigences de la logique devaient le céder au dogmatisme et à la bêtise. Comme si la gestion d’une caisse de pension ne devait pas prendre en compte les réalités politiques, économiques, sociales et démographiques changeantes. Comme si le législateur n’était jamais appelé à les rectifier, précisément en fonction des exigences liées aux réalités nouvelles.
Depuis une bonne dizaine d’années on savait qu’une saine gestion commandait que trois mesures correctives au moins soient prises. La première consistait à ne plus faire dépendre le montant des retraites des derniers salaires mais du volume des cotisations versées par chaque assuré (primauté de cotisations).
Afin d’éviter une chute massive des rentes, les deux autres mesures conduisaient à porter l’âge de la retraite à 65 ans et à accroître le montant de cotisations à charge de l’assuré. Il est bon de rappeler que c’est précisément l’exercice auquel se sont livrées la plus large partie des caisses de pension privées, forcées par la loi à tenir un taux de couverture de 100 %.
Des promesses de rentes jamais financées
Les prestations promises par la CIA et la CEH ont toujours été excessives et hors de proportion avec le volume des recettes disponibles pour leur financement, à savoir les cotisations versées par les assurés et l’employeur. Cela étant, même un béotien en la matière comprenait que la dégradation année après année du taux de couverture de la CIA et de la CEH était inéluctable. Seuls des événements conjoncturels influaient, inversaient parfois momentanément, la tendance baissière de la courbe. Face à ces évidences les dirigeants des deux caisses, d’entente avec le monde syndical, ont toujours considéré que, ma foi, le moment venu … que l’Etat paierait.
Le Conseil d’Etat et au Grand Conseil genevois savaient aussi. Mais ils se sont comme d’habitude abstenus d’affronter le problème avant d’y être obligés. Ce moment est venu voici quelques années avec l’adoption au plan fédéral d’une législation imposant aux caisses de pensions publiques du pays d’être couvertes au moins à 80 % a moyen terme.
Une facture de 6,8 milliards
C’est à cet éclairage que doivent s’interpréter les mouvements intervenus dans le secteur au cours des deux dernières années, la fusion de la CEH et de la CIA n’étant qu’un moyen de simplifier et de masquer partiellement les conséquences de la nouvelle loi fédérale pour Genève. Cette opération cosmétique, bien évidemment, ne suffit pas à adoucir le choc colossal attendu. Il s’agit, étalée à raison de 130 millions pour les quarante prochaines années et 800 millions payables immédiatement, d’une facture globale de 6,8 milliards de francs à charge de l’Etat, soit des contribuables du canton !
Cette facture constitue une profonde injustice aux yeux de ces derniers. Pourquoi ? Parce que la plupart travaillent dans le secteur privé et, depuis la fin du siècle dernier, ils ont déjà dû accepter une multitude de sacrifices s’agissant de leurs propres conditions de retraites. Parce que la répartition des efforts entre les parties est totalement inéquitable. Parce que le Conseil d’Etat et le Grand Conseil n’entendent exiger des fonctionnaires que des efforts symboliques, cela au prétexte si souvent et si commodément invoqué dans notre démocratie molle quand les autorités aimeraient faire oublier qu’elles portent une lourde responsabilité dans l’affaire, que « dans la situation actuelle il s’agit de la moins mauvaise des solutions ».
Des efforts injustement répartis
En termes plus clairs cela signifie que la primauté des prestations reste acquise aux 62'600 adhérents de la CEH et de la CIA et que l’âge de leur retraite ne sera relevé qu’à 64 ans. Cela signifie aussi que la cotisation des employés de l’Etat demeurera limitée à la moitié de celle de l’employeur. Ainsi donc, si l’on excepte l’allongement de quelques mois de la durée du travail, le coût du maintien des rentes des futurs retraités à leur niveau élevé sera supporté à hauteur des deux tiers par l’employeur, donc les contribuables.
Par ailleurs, les rentiers actuels conserveront l’intégralité des privilèges qui sont à l’origine du « trou » énorme de la CEH et de la CIA. Enfin le fardeau du comblement de celui-ci retombera intégralement sur ces mêmes contribuables.
Qu’à cela ne tienne, aux dernières nouvelles, les syndicalistes de la fonction publique genevoise entendent entraîner leurs ouailles dans une grève de protestation contre les « sacrifices démesurés que les autorités veulent faire accepter aux fonctionnaires ».
Genève, modèle de la faiblesse politique et paradis de la démagogie.
Et vous, qu'en pensez vous ?