Les Romands devraient faire davantage d’efforts dans le sens susmentionné, comme le font les autres minoritaires de Suisse, à savoir les Tessinois et les Romanches. Ces derniers interviennent sans problème en allemand au Parlement lorsqu’ils veulent vraiment être entendus.
Dans cette question des rapports entre les différentes communautés linguistiques de Suisse, il y a un thème qui revient constamment dans le débat public et politique: l’apprentissage des autres langues nationales. Ces derniers jours c’est la protestation de certains acteurs de Suisse romande qui était à l’agenda parce que plusieurs cantons de Suisse allemande veulent repousser l’apprentissage du français de la 5ème à la 7ème année scolaire. Nombre de responsables politiques romands sont montés au créneau pour protester contre ce manque de considération du français et bien sûr pour rappeler qu’il y va d’un aspect majeur de la cohésion nationale et donc d’une irresponsabilité politique nationale. Ce qui est étrange et qui revient constamment dans un tel cas, c’est qu’aucun intervenant n’a rappelé par la même occasion la nécessité pour les Romands de faire parallèlement des efforts dans l’apprentissage de l’allemand.
Nous sommes intervenus à de très nombreuse reprises pour rappeler qu’étant donné la baisse de prestige du français ( à chaque fois nous avons aussi proposé des mesures pour pallier le déclin du français), les Romands devraient faire davantage d’efforts dans le sens susmentionné, comme le font les autres minoritaires de Suisse, à savoir les Tessinois et les Romanches (ici). Ces derniers interviennent sans problème en allemand au Parlement lorsqu’ils veulent vraiment être entendus. Il ne s’agit pas de s’adapter unilatéralement et inconditionnellement, ni de se soumettre sans combattre au majoritaire! Mais, une fois pour toutes, il faut absolument que les Romands fassent, eux aussi, cet effort, au risque de ne rien changer à la situation.
Le même problème est encore apparu avec la publication des chiffres sur l’inégale répartition des commandes dela Confédérationselon les régions linguistiques, les minoritaires étant une nouvelle fois clairement prétérités. Oui, à Berne de plus en plus de discussions et négociations se passent en allemand. Alors que faire? Parler allemand? Non, pas uniquement mais à la fois allemand et français et surtout, comme également dit maintes fois, changer l’image d’un plaintif éternel en celle d’un acteur plus actif et offensif, comme le sont tous les minoritaires dans tous les domaines de la réalité quotidienne, en Suisse comme à l’étranger. Sinon on donne l’impression d’un simple rituel sans grand effet. L’apprentissage de l’allemand et de l’anglais doit devenir une priorité absolue, réelle et concrète, doublée d’une présence constante là où les décisions se prennent et cela dans la ou les langues qui y ont cours. C’est seulement ainsi que le français prendra enfin sa vraie place. De nos jours chacun doit comprendre et parler plusieurs langues, même les minoritaires romands. On ne peut plus s’attendre à ce que le majoritaire alémanique adopte automatiquement le français en présence des Romands. Cette époque a vécu, même si certains Alémaniques pratiquent encore ainsi avec fierté et admiration. Mais ces derniers sont eux aussi devenus minoritaires!
En bref, il s’agit de faire mentir l’adage: «La Suisseest plurilingue mais pas les Suisses»!
On ne peut s’empêcher de penser à tous les minoritaires qui défendent leur cause en agissant à quelques-uns seulement, mais de manière spectaculaire, symbolique, forte, visible médiatiquement et politiquement et qui réussissent ainsi à obtenir un passage au téléjournal, même bref, grâce à leur imagination et créativité adaptées à l’époque du tout médiatique. Dans ces cas, nous sommes à l’opposé total du rituel plaintif, frustré, du style résigné mécontent.
Ah ! les Welsches, jamais contents! Une représentation en plus souvent intégrée par les Romands eux-mêmes.
Du côté politique et parlementaire maintenant. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les parlementaires ne sont pas restés inactifs sur le sujet des rapports entre les différentes communautés linguistiques du pays. Dès après le refus de l’EEE en 1992 par le peuple suisse, dû essentiellement àla Suissealémanique, la question de la cohésion nationale, et autre Röstigraben, s’est posée avec une acuité renouvelée.
Chaque Chambre du Parlement a mis sur pied une Commission dela Compréhensionet leur rapport commun( du 22 octobre 1993) comprenait en conclusion pas moins de 23 propositions visant à raffermir cette fameuse cohésion nationale, propositions résumées ci-dessous.
Les 23 recommandations et propositions des Commissions de la compréhension du Parlement (Rapport du 22 octobre 1993)
- Ouvrir un grand débat national comme but de la réforme dela Constitutionet réviser totalementla Constitution.
- Fêter les 150 ans de l'Etat fédéral et en faire la fête de tous les Suisses. Organiser une exposition nationale pour l'an 2000.
- Les intérêts des minorités culturelles et linguistiques doivent être particulièrement pris en compte dans le cadre de la reforme du gouvernement et du parlement.
- Les autorités fédérales doivent appliquer le principe de subsidiarité à l'égard des cantons dans tous les domaines de la législation fédérale qui touchent à la langue.
- Le Conseil fédéral est chargé d'engager des discussions susceptibles de promouvoir le rapprochement et la solidarité entre les différentes régions de notre pays et contribuer à l'instauration d'une identité nationale.
- Les médias sont invités à utiliser les sources d'information de toutes les régions linguistiques dela Suisse.
- Création d'émissions politiques nationales faites par les journalistes des différentes régions linguistiques.
- Participation accrue des universités à la formation des journalistes.
- Les émissions d information d intérêt national à la télévision et à la radio en Suisse alémanique doivent être diffusées en allemand.
- Les trois télévisions régionales sont appelées a présenter une section informatives commune ayant le même contenu dans les télés journaux concernant l'actualité suisse.
- Meilleure attribution de fréquences pour la diffusion du programme de la radio Suisse allemande en Suisse latine.
- Les deuxièmes programmes de nos trois émetteurs nationaux doivent diffuser un programme d'enseignement.
- Encourager des expériences pilotes d'enseignement bilingue.
- Encourager l'apprentissage d'une autre langue nationale par immersion.
- La CDIP(Conférence des directeurs de l'Instruction publique) est invitée à impliquer les différentes cultures et les diverses mentalités dela Suissedans l'enseignement interdisciplinaire.
- Cours intensifs dans une autre région linguistique à l'intention des futurs enseignants.
- Moderniser l'enseignement de l'histoire en Suisse pour que les événements fondateurs dela Suissene soient pas ceux de 1291, mais aussi ceux de 1848.
- Ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité : la troisième langue nationale doit être prise en considération.
- Offrir à titre gratuit dans les périodiques une page hebdomadaire destinée à la jeunesse et rédigée dans les trois langues.
- Encourager les échanges pendant les études, encourager la mobilité.
- Le Conseil fédéral est prié de faire en sorte qu'un programme d'échange puisse être réalisé à l'échelon national.
- Les mondes politique et économique doivent se côtoyer davantage.
- Un Comité de l'Assemblée fédérale sera chargé de suivre la réalisation des recommandations des Commissions.
Il n’y a pas lieu ici de discuter chacune de ces propositions, fort pertinentes par ailleurs, mais de souligner qu’une rapide lecture montre déjà que très peu ont été mises en pratique. Retrouve-t-on le fameux phénomène dela Schubladisierung de nombre de rapports souvent bien fait mais qui finissent dans les oubliettes de profonds tiroirs fédéraux? Quand un problème surgit, on crée une commission; elle produit un rapport, ce dernier reste lettre morte.
Ce serait injuste de dire cela, de manière globale et définitive. Mais il est vrai que parmi ces propositions peu ont été traduites dans la réalité.
Ce qui manque le plus dans ce genre d’exercice du Parlement: un suivi et des opérations d’évaluation de l’application de telles mesures ainsi que des effets produits , cela d’autant plus que la proposition 23 prévoyait cela.
Plus généralement, il vaudrait peut-être mieux émettre moins de recommandations et en priorité celles qui ont une chance de pouvoir être traduites dans la pratique, et se concentrer fortement sur celles-là.
Nous attendons toujours les résultats du travail de ce Comité de l’Assemblée fédérale qui était chargé de suivre les réalisations de ces recommandations.
Parmi les propositions qui ont été réalisées, il faut bien sûr rappeler l’Exposition nationale 2001 et qui a finalement eu lieu en 2002. Nous avons dit ailleurs ce que nous en pensions mais il est clair que comme il n’en reste plus rien- c’était une condition, certainement pas voulue par la population- une évaluation n’est pas aisée.
En revanche, plusieurs propositions qui reviennent régulièrement, et depuis longtemps, qui sont intéressantes et pertinentes, n’ont guère été réalisées ni autrefois ni depuis 1993. Quelques exemples :
-création d’émissions politiques nationales faites par des journalistes des différentes régions linguistiques. Très bien, mais pour cela il faudrait que les journalistes pratiquent plusieurs langues nationales. Les cas sont hélas très peu nombreux mais tout devrait mis en œuvre pour en augmenter le nombre.
-participation accrue des universités à la formation des journalistes. Nous avons nous-mêmes créé une formation dans ce sens , mais avec quelles difficultés et oppositions…On a souvent l’impression, en Suisse notamment, que tout ce qui devrait exister reste à faire.
-les liens entre les médias des différentes régions linguistiques sont encore beaucoup trop faibles, chacun cherchant surtout à défendre son pré carré. L’optique nationale est rare. Ce serait pourtant passionnant, à une époque où tout le monde parle d’interculturel, parle…
-l’apprentissage des langues par immersion. Une démarche essentielle pour qui vise l’efficacité. Déterminant pour les nouvelles générations qui ne se contentent plus d’appels rituels et qui sont déjà dans la pratique en la matière. Vital pour eux.La Suisseest particulièrement bien placée ici avec son plurilinguisme. Action!
-des enseignants réellement plurilingues et en nombre auraient un effet d’entraînement incomparable
-la mobilité et les études dans plusieurs régions linguistiques fait son chemin; à quand des autoroutes?
-le Conseil fédéral devait créer un programme d’échanges à l’échelon national? S’il ne l’a pas oublié où en est-il ?
La critique est aisée.
Mais nous sommes aussi prêts à consacrer du temps et à mettre à disposition notre média si les autorités se décident à mettre les bouchées doubles, ce qui ne devrait pas faire de doute puisqu’il en va de l’avenir plurilingue et pluriculturel d’un pays qui se dit tel, en attendant que ses citoyens le soient aussi.
Uli Windisch, 13 août 2012
Intéressant article, il est vrai qu’il faudrait que les romands sachent mieux l’allemand, mais lorsqu’un suisse allemand désire apprendre le français il va simplement à Lausanne quelques temps et c’est fait juste par le principe de l’immersion.. Nous romands quand on arrive à Zürich c’est soit on nous parle français, soit on nous parle suisse allemand qui est une langue ou un dialecte (là n’est pas le sujet) que l’on n’a jamais apprise et ne me dites pas que c’est comme de l’allemand parce que le Hoch Deutsch je le parle, je le comprends mais pour moi c’est une autre langue. En fait pour un romand il ne faudrait pas savoir l’allemand mais le suisse allemand peu importe lequel pour être vraiment “reconnu” alors pourquoi ne pas créer une langue écrite avec le suisse allemand, avec un dictionnaire, une grammaire et les différences régionales (un peu comme les français, les suisses ou les canadiens et leurs expressions différentes)..