Syrie: Le Premier ministre a-t-il trahi ?

La presse fait grand cas de la défection du Premier ministre syrien, voyant dans la perte de ce fidèle du parti Baas, un signe de plus de la fin prochaine de Bachar Al-Assad. Farid Hijab était en fait traître à la cause, son porte parole le dit à qui veut l’entendre.

« J'abandonne ce régime terroriste et criminel et je rejoins les rangs de la révolution pour la liberté et la dignité », déclare Farid Hijab, ex-président du Conseil des ministres syriens, traduit par Le Point.

La presse vibre au trémolo de la nouvelle, la Maison Blanche y voit le signe que le président syrien a définitivement perdu la main. Côté syrien en revanche, le gouvernement s'est fendu en tout et pour tout d'un laconique communiqué signifiant le licenciement de l'intéressé.

Déclaration

Le premier ministre, exfiltré d'urgence avec sa famille en direction de la Jordanie, en partance pour le Qatar, s'est exprimé par l'intermédiaire de son porte-parole, Mohammed el-Etri. Celui-ci a lu, le 7 août, sur les ondes d'Al-Jazeera arabic, une déclaration pour le moins éclairante de la situation.

Farid Hijab, sunnite, soit la majorité musulmane farouchement opposée à la domination des Alaouites, et qui n'est pas un de Gaulle syrien, y apparaît en quête de virginité rebelle. A mille lieues de la version du Point, sa déclaration commence tout autrement. Les traductions de l'arabe à l'anglais sont rares, nous n'avons trouvé que celles de la BBC et d'Al-Jazeera, dont les variations sont loin d'être anodines.

Guerre sainte

« Aujourd'hui je déclare que j'ai déserté ce régime terroriste et meurtrier et que je rejoins la sainte révolution. Et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui je suis un soldat de cette révolution sainte », transcrit la BBC, là où Al-Jazeera ne voit que: « J'annonce aujourd'hui ma défection du régime terroriste et meurtrier et vous annonce que j'ai rejoint les rangs de la révolution de la liberté et de la dignité. Je vous annonce qu'à partir d'aujourd'hui je suis un soldat dans cette révolution bénie »; ce qui diffère un peu.

Trahison

Cependant, dans sa volonté de laisser paraître les divisions au sein du gouvernement syrien, la chaîne de télévision qatarie ne touche rien de la longue justification de l'ancien premier ministre, lequel affirme vouloir prendre à l'avenir sa part dans une nouvelle Syrie sans Bachar.

Alors que la BBC s'en tient à un discret: « Cette défection ne s'est pas décidée en quelques jours ou semaines, mais était dans le pipeline depuis deux mois consécutifs et s'est effectuée grâce à une étroite relation de confiance entre le Premier ministre, les rebelles et leurs aides », qui ne fait que traduire les besoins de la situation d'un homme souhaitant se mettre à l'abri, Al-Jazeera lève le voile sur une toute autre réalité. « Cette défection a été prévue depuis plus de deux mois. Il lui a été donné de choisir entre deux options: soit prendre le poste de Premier ministre, soit être tué. Il en avait une troisième en tête, planifier sa propre défection afin de porter, de l'intérieur, un coup dur pour le régime. Et aujourd'hui, il déclare sa défection ». Cette dernière traduction, bien moins adroite, nourrit le sentiment de préméditation et porte bien plus en amont l'intention de trahison du fugitif. Farid Hijab n'est plus un pauvre bougre tentant le tout pour le tout, c'est bien un soldat dans la sacro-sainte révolution.

Cette vision des choses apporte évidemment de l'eau au moulin aux adeptes de la théorie d'une vaste conspiration contre le particularisme syrien. Elle risque d'avoir pour effet de réaliser ce que le régime tente de faire depuis des mois, la fracture définitive de tous les patriotes d'avec les sunnites. En cas de victoire, probable, et de statu quo provisoire semblable à celui de l'Irak après la première guerre du Koweït, la déclaration de Farid Hijab risque bien de constituer la raison fondamentale d'une répression en règle des populations sunnites.

Un commentaire

  1. Posté par Dominique Bianchi le

    Farid Hijab était un apparatchik du Baas originaire de tribus Sunnites situées à la périphérie Irakienne de la Syrie. Il a un temps profité largement des prérogatives que lui offrait Assad au gouvernement, mais lorsque les régions ou vivaient ces tribus qui se sont ralliées à la cause islamistes durant la rebellion ont été bombardées par l’armée régulière Syrienne, il à choisi de rejoindre la “guerre sainte” dont le soulèvement en Syrie n’est qu’un prolongement pour contrôler la région et s’étendre finalement à l’Iran chiite.

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