Au travail sur l’image du français doit s’ajouter une attitude de réciprocité plus marquée envers l’allemand et même envers le dialecte
La question de l’enseignement du français en Suisse alémanique revient périodiquement et le ton est toujours plaintif du côté romand devant les propositions de certains cantons alémaniques de retarder le plus possible l’enseignement du français dans les écoles (recommandation récente de six cantons alémaniques). Du côté alémanique, diverses raisons plus ou moins sincères sont avancées: surcharge des enfants, nécessité aussi d’enseigner d’autres branches tout aussi importantes pour les élèves, préférences des élèves pour l’anglais et leurs réticences de plus en plus grandes envers une langue qui semble de moins en moins « utile» et attirante. Il y a bien sûr de notables exceptions de la part de certains cantons, enseignants et élèves alémaniques, mais la tendance générale est bien à la réticence, voire au refus, affirmé, diffus ou gêné.
Un vieux problème mais guère de solutions nouvelles
Malgré toutes les directives des instances officielles concernées qui, elles, rappellent constamment la nécessité, voire l’obligation d’enseigner plusieurs langues nationales dans tout le pays, les résistances subsistent, et, surtout, l’efficacité et les résultats obtenus laissent à désirer .Cela dure non seulement depuis quelques années, mais depuis des décennies, et même des siècles!
Les raisons de ses échecs à répétition, sauf exceptions toujours?
Toute langue est un phénomène social total, un phénomène à la fois linguistique, sociolinguistique, social, culturel, de mentalité et politique. On sait par exemple que l’apprentissage d’une langue est très fortement dépendant de l’image que l’on a de cette langue et bien sûr de celle de la population qui la parle. Cela est même capital. Si l’image d’une langue n’est pas positive on aura beau instituer toutes sortes d’obligations, l’apprentissage se fera avec difficulté, voire avec réticence, et c’est peu dire. Et ce n’est pas en forçant que l’on surmontera l’ obstacle.
Pour ce qui est de l’allemand et du dialecte alémanique, il est évident que leur image chez les Romands n’est pas des plus positives, un euphémisme. Réciproquement, il faut que les Romands prennent acte du fait que notre langue, le français, n’a plus le prestige d’autrefois et que l’époque où le majoritaire alémanique apprenait plus facilement le français que le minoritaire francophone n’apprenait l’allemand (phénomène d’ailleurs assez unique et qui mérite d’être rappelé) est bien révolue.
Une telle situation n’est pas des plus favorables à l’apprentissage.
Les représentations sont parfois aussi réelles, puissantes et agissantes que des réalités matérielles
Alors que faire? Agir en termes de réciprocité et travailler à rendre l’image de nos langues nationales plus positive et attirante. Les Romands, plutôt que d’adopter mécaniquement un ton plaintif, doivent se distinguer par la qualité et la force d’ activités audacieuses, imaginatives, créatives, exemplaires, qui retiennent l’attention et qui finissent par agir sur l’image de la langue elle-même. Il est clair que l’image de la culture et de la langue françaises en France et dela Franceelle-même n’est plus aussi positive qu’au «bon vieux temps», surtout ces derniers temps!
L’Afrique comme avenir du français, une réalité
Mais en même temps, la Franceen fait plus que tous les autres pays francophones pour promouvoir le français dans le monde (en envoyant et en finançant des milliers d’enseignants francophones dans le monde, par exemple). L’Afrique sera certainement à l’avenir celle qui contribuera le plus fortement à la vivacité et au développement du français.
Sur ces derniers points, les Romands etla Suisse pourraient tisser plus de liens et mieux mettre en valeur cette formidable activité et vitalité qui passe à bien des endroits par la langue française. Seront-ce les Africains qui nous redonneront davantage confiance en notre langue?
Du côté de la réciprocité. Au travail sur l’image du français doit s’ajouter une attitude de réciprocité plus marquée envers l’allemand et même envers le dialecte. Une première chose à faire consiste à désarmer les nombreux mécanismes de défense des Romands envers cette exigence de réciprocité. Par exemple, le faux argument, toujours opposé, à savoir: quel dialecte apprendre puisqu’il y en a plusieurs? alors que l’on sait parfaitement que malgré les différences, en fait des nuances, les locuteurs des différents dialectes peuvent parfaitement se comprendre et communiquer entre eux.
Il y a donc un énorme travail à faire pour rendre l’image de l’allemand (et celle des dialectes, oui, d’eux aussi) plus positive et attirante. En s’intéressant à la culture, aux activités quotidiennes, aux particularités et curiosités des différentes communautés linguistiques,etc. on rend plus positive l’image de leurs langues, et l’envie de les apprendre finit par suivre…
Les autres minorités linguistiques suisses sont plus actives
Tout ce qui est dit ici va de soi pour les autres communautés linguistiques minoritaires de Suisse, soit pour les Tessinois et les Romanches, sans même évoquer les différentes communautés étrangères pour qui la question ne se pose même pas, puisque le dialecte devient leur quotidien dès leur arrivée en Suisse alémanique.
Il va de soi qu’un Tessinois ou un Romanche qui veut être écouté et avoir du poids à Berne parlera allemand et s’efforcera même de pratiquer le dialecte dans certaines réunions. Plus généralement, on sait aussi que sans parler parfaitement l’allemand, le simple fait de dire quelques mots, quelques phrases en allemand change immédiatement les rapports. Le ton purement plaintif et revendicatif n’est en revanche plus une attitude très payante, au pire elle laisse poliment indifférent ou suscite la condescendance.
Remède pour sortir de ce cercle vicieux
Il n’y a qu’une seule solution: changer complètement d’état d’esprit, redoubler d’activité, et surtout le montrer, le faire savoir très largement, quotidiennement, politiquement et médiatiquement, plutôt que de pleurer sur le ton du minoritaire négligé.
Donc au travail!
Prochain article: que sont devenues les 23 recommandations des Commissions du Parlement pour une meilleure compréhension entre les différentes communautés linguistiques?
Et vous, qu'en pensez vous ?