Une radio russe interroge Uli Windisch sur la démocratie directe. Extraits de l’interview
Qu'est-ce que la démocratie directe ? Yvan Blot, Oskar Freysinger, Dick Marty ne parlent que de cela. Mais les gens comme Uli Windisch l’appliquent au quotidien. Lorsque les révolutions oranges se sont mises en marche dans le monde arabe, les technocrates européens n’ont pas compris une chose : leur monde ne sera jamais plus pareil. On sait très bien ce que valent les Etats-Unis jugés à l’aune de l’histoire. Mais peut être une des rares choses à mettre à l’actif des bourreaux qui se targuent de l’existence de la prison de Guantanamo ou on met les musulmans au supplice ou qui arrosent les gens au napalm et tournent après les films hollywoodiens en dignes suiveurs des nazis… Une des rares choses à mettre à leur actif est le réveil de la conscience populaire. Le peuple choisit les frères musulmans en Egypte… Le Premier ministre turc Erdogan renoue avec la tradition osmanienne… En Russe et Européen cela m’effraie mais en tant que démocrate je ne peux que saluer la manœuvre. Cela répond aux idées des gens qui habitent sous une latitude donnée.
Et qu’en est-il au centre de l’Europe ? La France s’est transformée en une zone homogène rose politiquement correcte ou tout mouvement d’âme est exclu parce que vous serez immédiatement limogé et épinglé.
Mais la Suisse continue de résister. La Suisse lutte pour un meilleur avenir de l’Europe qui mérite mieux que de répéter à tue-tête les idées abracadabrantes maçonniques de l’ancienne élite au pouvoir. Les gens veulent en découdre et secouer le cocotier. Les dieux ont soif et les sages suisses sont là pour vous proposer un remède.
Le professeur Uli Windisch enseignant à l’Université de Genève est l’un des fervents supporteurs de la démocratie directe. Les partisans de ce mouvement tablent à la fois sur la responsabilité de leurs concitoyens qui n’ont pas poiroté pendant cent ans et ont appris tant de choses qu’ils peuvent décider de leur propre chef du bien public. L’autre élément indispensable est représenté par les technologies modernes qui permettent de s’exprimer librement et en temps réel sur tous les problèmes plébiscités.
Voici ce que le professeur nous a raconté sur l’application de la démocratie directe Swiss made.
La Voix de la Russie. Monsieur Windisch, on sait que vous êtes professeur à l’Université de Genève. En plus, vous animez lesobservateurs.ch qui est une source internet, votre création pour la presse libre et indépendante… Si vous pouviez nous parler un peu plus sur ce projet, vraiment on vous en saurait gré. Parce qu’on sait que vous militez beaucoup pour une position néoconservatrice
Uli Windisch. Le site lesobservateurs.ch a plusieurs origines. Vous avez en Suisse, un pays démocratique, pluraliste, bien connu par cette image à l’étranger. Mais le pluralisme médiatique est moins important qu' on pourrait le croire. Il y a ensuite une différence entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. En Suisse alémanique vous avez des journaux beaucoup plus diversifiés qu’en Suisse romande. Vous avez des journaux de gauche, de droite, des journaux libéraux : vous avez la Basel Zeitung et d’autres qui sont plutôt libéraux, plutôt de droite. Tandis qu’en Suisse romande vous avez une homogénéité beaucoup plus grande dans un sens de « politiquement correct ». Mon intention était de travailler à une pluralisation plus marquée du paysage médiatique romand et tant mieux si c’est aussi francophone ! Et quand je vois les échos qu’il y a dans d’autres pays francophones notamment, je suis très content de voir qu’il y aussi un écho de ce côté-là. Mais il est vrai que l’orientation générale est libérale – on peut le dire si l’on veut ! – de droite mais très ouvert, dynamique, créatif, tourné vers des solutions originales et surtout qui bouscule le prêt à penser, qui veut poser les problèmes tels qu’ils sont et même les plus délicats : la violence, l’insécurité, l’immigration ou pendant dix-quinze-vingt ans on a toujours euphémisé les problèmes, on n’a pas voulu les voir, on n’a pas osé parler des certains phénomènes, comme la criminalité étrangère, ainsi de suite… Résultat : les problèmes se sont aggravés jusqu’au jour où maintenant on peut dire que l’on se réveille un petit peu au niveau politique et qu’ on se rend compte qu’on doit absolument agir d’une manière plus efficace si on ne veut pas que des mouvements plus à droite, voire très à droite, se développent ? Des mouvements de révolte citoyenne à Genève ou ailleurs. Donc voilà ! L’idée de base est que l’on doit poser des problèmes, les mettre sur la table pour pouvoir en discuter. En discutant des problèmes, même délicats, on contribue déjà en partie à apporter des éléments de solution. Ce n’est pas une plateforme faite par des journalistes. Il y en a même très peu. J’ai déjà vingt-cinq collaborateurs qui publient régulièrement des papiers. L’idée c’est de créer un véritable courant de pensée et pas seulement un blog. C’est pour cela que j’aimerais atteindre à la fin de l’année 40 à 50 contributeurs. Jamais je n’avais pensé que cela irait si vite ! Cela fait deux ou trois mois que nous fonctionnons ! Ce sont des spécialistes qui connaissent bien le sujet et puis qui osent dire la vérité. Alors que souvent la gauche et le politiquement correct fuient le réel ou ne veulent pas le voir et aggravent les problèmes.
La Voix de la Russie. Et qu’en est-il de la démocratie directe ; professeur ?
Uli Windisch. Nous avons, et vous le savez, une tradition de démocratie directe, participative, de discussion permanente. Nous votons en permanence sur des sujets importants. Ils peuvent être développés par la population, par des initiatives populaires. Et vous avez cité tout à l’heure Yvan Blot. C’est un grand admirateur de la démocratie directe. Et il aimerait beaucoup que des formes de référendum et d’initiative soient développées dans un pays aussi centralisé, autoritaire et autocratique que la France. Nous discutons régulièrement ensemble. Ce site lesobservateurs.ch est un élément qui va entièrement dans le sens de cette discussion ouverte et générale des problèmes qui se posent dans la société.
Chez nous pas question de cacher la réalité. Les citoyens suisses sont très attachés à ce qu’on leur dise la vérité. Il arrive très souvent que lorsque nous votons sur des initiatives populaires il y a un fossé entre le monde politique et médiatique et la population de base. Et la chance que nous avons, c’est que nous avons là un indicateur empirique concret : c’est le résultat de ces votations où parfois vous avez des contradictions complètes entre les deux points de vue. Et le peuple suisse a une certaine maturité politique à force tout le temps de s’intéresser aux problèmes, même si tout le monde ne participe pas.
Il y a eu récemment un exemple qui a stupéfié certains pays au niveau international! Les Suisses ont refusé de passer de quatre à six semaines de vacances se rendant compte de l’importance du travail. C’est donc une façon de voir les problèmes à l’opposé de la position française avec ses 35 heures, quand elles sont tenues, et où je pense on n’aurait jamais refusé un supplément de vacances!
Comme le système politique suisse est un système éminemment démocratique et où on ne gouverne pas par décrets, la population est sensibilisée par tous les problèmes. Elle est concernée. On ne renvoie pas la responsabilité de la résolution des problèmes au seul gouvernement. Chacun qui a des idées, s’en mêle et peut s’exprimer. Tout cela crée un état d’esprit participatif où le citoyen suisse partage les problèmes du pays. Il y a quelques années encore certains politologues critiquaient la démocratie directe en disant qu’elle empêchait de gouverner. Et que se passe-t-il maintenant ? De nombreux pays européens aimeraient connaître des formes de référendum, d’initiative populaire.
Aujourd’hui il y a un phénomène de montée des profanes. Les citoyens sont de plus en plus informés, compétents, contrairement à ce que l’on croit. Ils peuvent parfaitement comprendre les enjeux essentiels de problèmes même parfois très techniques. Ils savent quel type de société ils veulent et quels types de sociétés ils ne veulent pas. La démocratie directe suppose, et ce n’est pas toujours facile pour certains politiques autocrates et autoritaires, que l’on peut faire confiance à des citoyens ordinaires, à la population. C’est un postulat de départ puisque le peuple est souverain dans une démocratie directe ou semi-directe. »
Commentaire de la rédaction de La Voix de la Russie:
Le néo-conservatisme européen privilégie l’accès à la liberté d’expression et du vote qui ne doit pas être stérile. Si le pays veut éviter la nuit des longs couteaux et la révolte populaire on doit tenir compte de l’opinion du peuple. Nous n’avons plus besoin d’un aéropage de têtes couronnées qui décident à notre place. Nous ne déléguons plus le pouvoir de décision…
Et vous, qu'en pensez vous ?