Mali: Veillée d’armes au nord des lignes. Interview exclusive

Alors que le monde s’horrifie devant les ruines de Tombouctou, Bamako jure de reprendre les territoires du nord.
Sur le terrain, les islamistes d’Ansar Dine et du MUJAO se sont unis pour chasser les indépendantistes du MNLA de leur quartier général de Gao, à l’est du pays. La ville aurait été minée par ses nouveaux occupants, et le commandement du MNLA n’a dû son salut qu’à la proximité des frontières du Burkina Faso. Le dernier recours semble résider dans une intervention armée de la CEDEAO. Celle-ci ne saurait tarder.

Bruits de bottes à Bamako

Impuissant jusqu'à ce jour, le gouvernement de Bamako semble enfin résolu à faire appel à l'aide internationale. En déplacement ces jours derniers, le ministre des Affaires étrangères malien, Sadio Lamine Sow, a déclaré depuis Alger l'intention de son gouvernement de tout faire pour récupérer son territoire, ajoutant de manière sibylline: « Je ne peux pas tout vous dire mais je peux vous dire que l'Algérie est prête à aider le Mali et à s'engager aux côtés du gouvernement ». De fait, Alger a convoqué les ambassadeurs américains, russes et chinois en vue de l'envoi d'un contingent de 3'300 hommes de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO, à laquelle l'Algérie n'appartient cependant pas).

Johnnie Carson, de la Chambre des représentants US, a déclaré que les Etats-Unis avaient l'intention de contrer les menées d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Les drones américains survolent déjà le nord du Mali. En mai, un drone Predator a été abattu à la frontière algéro-malienne par un un missile sol-air de fabrication russe.

Concernant une éventuelle intervention de la CEDEAO, le président guinéen, Alpha Condé, a affirmé mardi qu'il n'était pas question pour les Africains de faire la guerre aux rebelles touaregs indépendantistes du Mouvement National de Liberation de l'Azawad (MNLA), alliés potentiels contre le terrorisme.

Les combattants de l'Azawad

Contacté par lesobservateurs.ch, le secrétaire d'Etat chargé de la communication du MNLA, Mossa Ag Assarid - sorte de figure romantique de poète-soldat de 35 ans, qui décida d'apprendre à lire après avoir trouvé un exemplaire du Petit Prince dans le désert - a bien voulu répondre à nos questions.

Le MNLA, composé, par la force des choses, essentiellement de musulmans, a pour but principal d'instaurer un régime démocratique et laïc dans l'Azawad, territoire presque entièrement désertique et sorte de mère-patrie des touaregs du sud qui comprend toute la moitié nord du Mali actuel.

Victimes du découpage au cordeau des frontières post coloniales, les nationalistes de l'Azawad ont su profiter d'une énième convulsion de la politique malienne pour conquérir le nord et déclarer leur indépendance, le 6 avril dernier. Déclaration immédiatement rejetée par l'Union africaine et la CEDEAO.

« Nous avons pris les armes en janvier », explique Mossa Ag Assarid, « quand nous sommes arrivés, nous avons découverts nombre de ces groupuscules islamistes infiltrés par AQMI, avec la complicité du gouvernement malien ». Une bonne part de ces islamistes sont débarqués de Lybie avec armes et bagages, refusant de continuer à combattre avec les derniers fidèles de Kadhafi. Les autres se sont équipés dans les casernes maliennes laissées à l'abandon. L'essentiel de leur financement provient des demandes de rançon, des trafics de drogue et d'êtres humains, « il y a aussi des Etats, nous semble-t-il, qui soutiennent ces groupes terroristes, et nous sommes vraiment très surpris et étonnés de cela ».

Le 26 mai, le MNLA a pourtant tenté l'union politique avec Ansar Dine dans un « Conseil transitoire de l'Etat islamique de l'Azawad ». Le 27 mai, cependant, l'alliance éclate en morceaux, Ansar Dine ayant voulu ajouter la stricte application de la charia à la Constitution du futur Etat. Le 1er juin, le MNLA dénonce le traité au nom de sa « ligne résolument laïque »; depuis la guerre fait rage entre les deux factions.

« La rupture est complète et totale...  Nous avons des terroristes qui veulent nous exterminer. Nous voulons nous associer à tous ceux qui combattent le terrorisme pour venir à bout de ces barbares qui sont en train de détruire notre beau peuple, notre beau désert », assure Mossa Ag Assarid,

Sur le terrain

La perte de Gao ne serait que conséquence de la volonté du MNLA d'éviter un bain de sang à la population civile. Les forces nationalistes restent à l'orée de la ville, ce qui expliquerait le minage du périmètre par les islamistes; minage cependant contesté par certaines sources.

Le MNLA serait toujours pleinement apte au combat dans l'ensemble de la région, nonobstant les images de triomphe insolent d'Ansar Dine à Tombouctou dont se repaissent les chaînes de télévision occidentales depuis près de deux jours.

Avant la tempête

Le Mali est dans l'oeil du cyclone. Mossa Ag Assarid - qui nous apprend au passage l'intervention « depuis le début » de la Suisse dans un processus de « dialogue » de paix impliquant le MNLA - redit encore toute sa confiance dans la qualité des prestations humanitaires de notre pays et lance un vibrant appel à la communauté internationale, qu'elle daigne voler au secours d'une population en grand danger. « Y a pas que du sable dans le désert ! », c'est le titre du dernier ouvrage, publié en 2011, de l'écrivain soldat.

Le gouvernement malien semble avoir perçu le message, qui, les Américains dans une main, les Algériens dans l'autre, semble vouloir sous-traiter à ses voisins de la CEDEAO la reconquête du pays sur le compte de la lutte anti-terroriste. Gageons que les images de la destruction des mausolées de Tombouctou les y aideront grandement.

Reste à savoir si, en cas d'intervention, l'Algérie n'obtiendra pas, en contrepartie de ses services, de pouvoir s'installer quelques temps au nord du pays, histoire de sécuriser la zone.

S'en sera fait alors de la lutte des touaregs de l'Azawad. AQMI et ses satellites pourront être redirigés sur d'autres regions, Mauritanie, Nigeria, pour de semblables opérations de « reprise en main », qui, comme tant de fois auparavant, à l'heure où les libérateurs seront fatigués de libérer, laisseront la place aux plus vivaces, aux plus féroces aussi.

Interview exclusive de Mossa Ag Assarid, secrétaire d'Etat chargé de la communication du MNLA.

« La Suisse, merci de la part du peuple de l'Azawad qui souffre et qui est aujourd'hui otage entre les mains des terroristes barbares ».

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