De l’art de retourner sa veste

post_thumb_default

Toujours du bon côté.

Le journal Le Matin nous offre, en pleine page, le sémillant Antonio Hodgers, souriant de ses trente-deux dents, un drapeau à croix blanche à la main.

Le Conseiller national Vert genevois sera le prochain orateur du 1er août sur la prairie du Grütli et, dans la presse de boulevard, c'est toujours un frisson que de voir l'une de ces références hiératiques de la gauche internationaliste sacrifier à ce que notre pays compte de plus avancé en terme de culte de la nation, le prône du 1er août.

Qu'a cela ne tienne, la nouvelle est l'occasion d'un grand article et ce genre de chose est toujours bon à prendre. Les grandes orgues jouent de concert et toutes les rédactions d'évoquer, main sur le coeur, le passé émouvant d'ancien « requérant d'asile avant d'obtenir son passeport à croix blanche » du futur orateur. « Un symbole à l'heure où le parlement vient de donner un sérieux tour de visse à l'asile » va-t-on même jusqu'à ajouter.

Amalgame

Vous l'aurez compris, l'heure est grave, le lien est tissé entre la dictature argentine qui opprima injustement le petit Antonio, alors enfant, et les forces de l'ombre qui veulent limiter, ici-même, au beau milieu d'une démocratie populaire, les conséquences désastreuses de la criminalité du fait de requérants d'asile. La valeur nationale 'Suisse', d'ordinaire honnie dans les médias, est ici élevée en ce qu'elle se voit transcendée par la personnalité rédemptrice de l'ancien réfugié. Ce n'est plus la rédemption par la croix, mais la figure hagiographique de l'étranger référent qui vole au secours de la Croix blanche. La seule raison d'être, la seule vocation,  de la nation occidentale semble être encore d'accueillir et de nationaliser tous ces héros de l'extranéité.

Idéologie autorisée de la nation

Ainsi, le bel Antonio, menton carré et regard profond, chargé des plis du drapeau de la noble Helvétie et d'une modestie de circonstance, jette un oeil alangui sur l'avenir incertain de l'idée de nationalité.

Or, et c'est là que ça devient amusant, l'un des premiers gestes politiques de cette nouvelle icône de la patrie, fut de vouloir supprimer le sens originel trinitaire des trois doigts levés lors du serment parlementaire. Ces trois doigts que ces trois hommes levèrent, un soir de 1er août, dit-on, pour jurer de leur liberté et demander à « Dieu » qu'elle puisse « durer à perpétuité »...

Si cette vaste gauche est en somme relativement indifférente à la survivance de l'aspect institutionnel des nations, dont elle diminue peu à peu le sens pour faciliter la dissolution dans de vagues consortium euro-mondialisants, elle est en revanche beaucoup plus remontée contre ce qui a pu forger l'essence de leur liberté.

2 commentaires

  1. Posté par Marie-France Oberson le

    “le sémillant Antonio Hodgers, souriant de ses trente-deux dents, un drapeau à croix blanche à la main” (….)”Le Conseiller national Vert genevois sera le prochain orateur du 1er août sur la prairie du Grütli”
    ……………………………………………………..
    On se souvient de l’époque d”Expo 01 où le drapeau à croix blanche était ” non grata ” …Bouh…c’était l’UDC qui défendait ces “couleurs” Quelle horreur! le drapeau national…c’est du nationalisme et le nationalisme .quel danger !
    La gauche bien pensante et totalitaire a essayé de faire taire cette “montée de nationalisme” (qui risquait de lui prendre des sièges) : la Suisse est en danger;”les heures sombres “sont de retour; plus jamais ça !
    Ca n’a pas marché; les “nationalistes” ont continué à brandir et même à porter, surtout dans le domaine du sport, la croix blanche sur fond rouge…
    Comment alors procéder? Ne pas laisser ce domaine à la droite extrême…
    alors, la gauche ne pouvant arrêter ce courant nationaliste essaie de le récupérer en brandissant elles aussi le drapeau fédéral mais en appelant leur démarche : patriotisme.
    Parce que le patriotisme, à droite c’est pas bien , mais à gauche ..quelleValeur !!
    Bien joué non ?

  2. Posté par Ueli Davel le

    La république et canton de Genève pourrai demander en contre partie à Christophe Blocher de faire un discour devant le mur des réformateurs à Genève, quoi de plus normal et courtois!

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.