Une autre lecture du sondage de L’Hebdo

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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L’Hebdo publie cette semaine un sondage qu’il interprète à sa manière, c’est-à-dire inspiré par l’auto-flagellation, sport élitaire helvétique.

Première question: La Suisse doit-elle accepter l’échange automatique d’informations avec les pays de l’UE concernant les ressortissants ayant de l’argent en Suisse ?

L’Hebdo semble se réjouir que 43% des sondés disent oui au point de ne pas dire mot sur les 49% qui disent non. Il est vrai que les divisions entre banques sur le sujet et sur le secret bancaire sont de nature à créer la confusion chez les sondés. Ce qui expliquerait qu’ils soient plus nombreux qu’il y a deux ans (36%) à se résigner à ce diktat de l’Union européenne.

Deuxième question: Pensez-vous que la Suisse officielle s’engage trop, assez, pas assez pour défendre le secret bancaire?

Le secret bancaire n’est pas seulement une disposition qui a été longtemps favorable aux intérêts des banques, c’est aussi un droit de l’homme à la protection de sa sphère privée, qui n’est pas spécialement bien défendu par la Suisse officielle. Il n’y a donc pas de quoi se réjouir que 47% des leaders trouvent qu’elle en fait assez pour sa défense et que seulement 30% déplorent qu’elle n’en fasse pas assez.

Troisième question: Faut-il rouvrir le dossier de l’adhésion?

L’Hebdo déplore que 16% seulement des Suisses envisagent d’adhérer à l’UE : « Ce maigre pourcentage d’europhiles indique l’ampleur du courant négatif à remonter en cas d’aggiornamento rapide (comme la Suisse a dû l’opérer en 2009 sur la soustraction et l’évasion fiscales). » Il va de soi que c’est la faute aux « campagnes blochériennes » et à « l’apathie du Conseil fédéral » qui ont nourri le sentiment hostile à l’UE. L’hebdomadaire romand évoque à peine le peu de séduction qu’exerce l’UE, « à l’heure de la crise grecque qui fait chanceler l’eurozone ». Pas un mot non plus à ce stade sur le déficit démocratique de cette construction autoritaire et technocratique…

Quatrième question: Que doit faire le Conseil fédéral concernant les négociations avec l’UE?

Horresco referens, 67% des sondés répondent qu’il doit poursuivre la voie bilatérale. L’Hebdo s’en prend à ces ignares de sondés qui ne savent pas que cette poursuite se heurte à « l’obstacle que constitue la question institutionnelle (reprise automatique du droit européen, règlement des différends). »

Cinquième question: Considérez-vous que la question européenne occupe une place exagérée, suffisante ou insuffisante dans le débat politique suisse?

56% des sondés trouvent que oui. L’Hebdo insiste: « Hors la voie bilatérale, les Suisses ne voient absolument pas à quoi d’autre pourraient ressembler nos relations avec l’UE. Déni de réalité, sagesse ou effet de vingt ans de diabolisation de l’option de l’adhésion? » Dit comme ça, il va de soi que L’Hebdo ne pense pas un seul instant qu’il s’agisse de sagesse…
Sixième question: Adhérer à l’UE représenterait-il une chance de pouvoir participer à la construction européenne ou n’y jouerait-on qu’un très faible rôle?

L’Hebdo élitiste souligne que 54% des leaders pensent que ce serait une chance. Sans insister sur les 73,5% de sondés lambda qui pensent que la Suisse n’y jouerait de toute manière qu’un très faible rôle, voire aucun, l’hebdomadaire romand laisse tomber cette phrase de dépit: « La population est deux fois moins optimiste sur le rôle que pourrait jouer la Suisse, comme si elle abdiquait toute ambition. » Ou comme si L’Hebdo déniait la réalité…

Septième question: Comment la Suisse peut-elle défendre sa souveraineté ?

Au grand dam de L’Hebdo, 82% des Suisses pensent que notre souveraineté est mieux défendue en restant en dehors de l’UE : « Dans un monde globalisé, les Suisses gardent de la notion de souveraineté une conception étroite : pas question de partager avec les autres. » Les journalistes de L’Hebdo, visiblement, ne mesurent pas combien ils peuvent être hautains, méprisants et caricaturaux à l’égard de la population suisse. A sa décharge, il faut dire que les journalistes ordinaires aiment les clichés…

Huitième question: Si la Suisse adhérait à l’UE, en sortirait-elle renforcée ou diminuée?

67% des Suisses craignent les effets sur la démocratie directe. N’ont-ils pas raison, messieurs, dame(1) de L’Hebdo? Puisque vous restez muets…Les Suisses sont majoritaires à penser que ses institutions, sa puissance économique, sa cohésion nationale en sortiraient diminués. Ont-ils tort, messieurs, dame de L’Hebdo? Puisque vous restez muets…

Neuvième question: Comment jugez-vous la stratégie du Conseil fédéral par rapport à l’UE?

Les leaders, à 86%, estiment que cette stratégie est trop réactive. Une fois n’est pas coutume, tout le monde est d’accord, même L’Hebdo: « Population et élites convergent dans leur jugement sévère sur la manière dont le Conseil fédéral défend les intérêts suisses: stratégie confuse, trop réactive, plutôt pragmatique et surtout trop conciliante. »

Dixième question: L’actuelle position de la Suisse en dehors de l’Union européenne constitue-t-elle plutôt une bénédiction ou une anomalie à réparer?

Alors que 64% des Suisses estiment qu’il s’agit d’une bénédiction, L’Hebdo insiste sur les 25% qui trouvent que c’est une anomalie à réparer…

Onzième question: Considérez-vous le refus de la Suisse d’entrer dans l’Espace Economique Européen plutôt comme une décision juste ou plutôt comme une erreur?

Cette dernière question est la seule question du sondage à ne pas être posée aux Suisses dans leur ensemble, mais à leurs seuls leaders. L’Hebdo, europhile de tendance technocrate unioniste, voulait sans doute terminer sur une touche réconfortante après toutes ces réponses populaires hostiles à ses conceptions…

Et, en effet, 69% des leaders regrettent le vote négatif du 6 décembre 1992. En leur donnant à eux seuls la parole, L’Hebdo, qui croit angéliquement avec ces chères « élites » que les questions institutionnelles auxquelles se heurterait la voie bilatérale, auraient été réglées avec l’EEE, montre le fossé qui existe entre les dites élites et le peuple suisse, dont celles-là voudraient, par exemple, que celui-ci ne vote pas les traités internationaux importants…

(1) Yves Génier, Michel Guillaume et Chantal Tauxe

7 commentaires

  1. Posté par Antonio Giovanni le

    Qui veut noyer son chien…Les œillères chaussées par la rédaction de “Hebdo” l’empêchent d’admettre qu’il y a encore une presse indépendante à côté, et même devant “Hebdo”; le mimétisme “pensée unique” adopté par cet organe est du même tonneau, mais avec plus de manières, au “Temps” et c’est pourquoi j’en ai délaissé l’abonnement; c’est d’ailleurs venu tout ensemble que la participation du “Monde” au financement du journal et sa collaboration à la rédaction; coïncidence, parallélisme, servilité à l’égard d’un “journal français de référence” ? mystère; de même le “Temps” a commencé sa campagne contre tout ce qui n’était pas, en Suisse, pro-européen; mais on a remarqué que sa sourdine fut adaptée dès les premières anicroches financières de la zone euro; le pensée socialisante de ce monde-là se réservait pour l’après-crise, je dis pour les calendes grecques, de refaire la gloire de l’Europe totale. Laissons à “Hebdo” sa “..liberté de la presse..” d’exprimer son dégoût de ceux qui veulent rester Suisses et rien que Suisses; bientôt la crise aura fait aussi le ménage parmi les chantres attardés du tout-Europe.

  2. Tout à fait d’accord avec ceux fustigeant l’Hebdo qui est bien dans la ligne,malheureusement de la plupart des journalistes et donc des journaux de notre pays.Ce canard m’a relancé trois fois pour que je m’y abonne,un vrai pot de glue.Vouloir enrichir encore ces millionaires que sont les Ringier,aucun intérêt.Attention à l’Illustré qui appartient au même groupe et a les mêmes tendances politiques..J.A.Cramer

  3. Posté par Popof le

    Hebdo se trouverait mieux en France, comme ça il pourrait faire dire aux sondages ce qu’il désire et être du même coup subventionné par la Pensée Unique du Parti Unique.
    D’autre part c’est le Souverain que garde la démocratie dans la Confédération, ne déplaisent aux élites qui autrement il y a longtemps auraient bazardé l’indépendance de la Confédération. Quant à cette manie des journaleux formatés par le totalitarisme socialo et satellites rouge-verts de se penser guides avisés des “gens”, il serait temps de se désintoxiquer de ces désinformateurs. La Confédération n’a pas besoin de l?union Soviétique européenne pour s’inscrire dans le monde et surtout pour garder la démocratie réelle.

  4. Posté par Pierre Mertenat le

    Je me suis abonné trois mois durant à ce “magazine”. J’ai été effaré: est-ce un instrument de propagande du parti socialiste ou un journal d’infomation honnête et partial? Poser la question, c’est y répondre. Mais chacun peut faire un peu et facilement pour essayer de faire plier cet équipe de gauchistes: leur envoyer une annulation d’abonnement en leur expliquant bien qui si nous les payons, c’est pour avoir une information objective et partiale. Le mail que j’ai envoyé à Tauxe et consorts était bien salé….
    Le porte-monnaie, toujours le porte-monnaie…

  5. Posté par conrad hausmann le

    L’hebdo a le droit de se situer à gauche,comme d’ailleurs la majorité des journalistes, mais le plus affligeant c’est leur pub :Bon pour la tête.Cette prétention que seule la gauche est intelligente.(Je connais j’ai passé au psg pendant 25 ans…)

  6. Posté par Jean-Bernard Busset le

    Le sectarisme que vous reprochez à L’Hebdo est également présent dans vos commentaires ! Les leaders interrogés, que vous appelez “ces chères élites”, représentent tout de même ceux qui font ce que la Suisse est aujourd’hui: enviée et prospère ! Je comprends et respecte vos arguments europhobes, mais ne puis m’empêcher de constater qu’ils sont teintés d’un populisme pas très éloigné de la pensée unique de certains milieux… Ayons plutôt une vision certes critique, mais aussi prospective de notre pays, sachant que, sans l’Europe et le monde, nous ne pourrons pas garder ce qui fait aujourd’hui notre force !

  7. Posté par Marie-France Oberson le

    Je ne comprends pas qu’il y ait encore des lecteurs de ce canard ! mais peut-être y a-t-il des Suisses qui ont besoin qu’on leur dise ce qu’il faut penser!
    Personnellement, il y a des années que je ne lis plus, même pas chez le dentiste !
    Il fut un temps ou je le lisais pour dénoncer son sectarisme …; puis j’ai constaté qu’il est inutile de s’user la santé à vouloir parler à des sourds et à faire boire des ânes qui n’ont pas soif..
    J’ai donc abandonné la lecture de ce torchon depuis déjà longtemps et ce, même dans une salle d’attente ! Je me suis aperçu que je me portais beaucoup mieux.
    Je vous suggère de relire certaines éditions qui ont suivies le vote du 6 décembre 92. Tellement insupportable que c’est à ce moment-là que j’ai arrêtée mon abonnement.

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