L’intelligence a-t-elle déserté l’intelligentsia?

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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Bien des intellectuels, des journalistes, des gens de gauche se contentent d’insulter ceux qui ne pensent pas comme eux et de fantasmer sans limites…

Bien des intellectuels, des journalistes, des gens de  gauche se contentent  de dénigrer, voire d’insulter ceux qui ne pensent pas comme eux et de fantasmer sans limites, plutôt que de chercher à comprendre et à analyser les réalités qui ne correspondent pas à leur idéologie politique. On est là en présence d’une longue et solide tradition d’une partie de la gauche.

Il est vrai qu’il est très facile de dénigrer, de haïr, de donner  à haïr, quotidiennement, en s’auto-excitant, s’auto-satisfaisant, et en étant persuadé que ce trip égotiste amuse  la population.

Logique de base  de cette logorrhée: en rajouter constamment dans l’indignation et le dénigrement. On n’est pas loin de la masturbation intellectuelle en comité restreint.

Une des techniques les plus usitées par ces détracteurs  monomaniaques consiste à déformer, à caricaturer et à tenter de faire dire autre chose à ceux qu’ils aimeraient en plus réduire au silence.

Illustration de cette  surenchère dans le discours de la haine de ceux qui pensent autrement, ou qui cherchent tout simplement à penser! Il y a bien sûr dans notre paysage médiatique suisse les milliers d’articles consacrés à dénigrer quotidiennement, par exemple l’UDC, et à en rajouter par rapport à un précédent détracteur. Telle journaliste de l’Hebdo consacre quasiment toutes les semaines un «papier» à dénigrer l’UDC. Est-ce du grand journalisme? Critiquer cette dernière  pratique rend son auteur immédiatement suspect de sympathie  envers ce parti. C’est sans doute un autre indicateur d’un certain niveau d’intelligence journalistique. On pense avoir fait son devoir en intervenant rituellement  et régulièrement, toujours dans le même sens. Mais se pose-t-on la question des effets politiques de ce genre d’attitude, car aujourd’hui les lecteurs sont loin d’être idiots.

Est-ce notre propre marotte que de souligner ce simplisme journalistique? Pour ceux qui le pensent j’aimerais citer un exemple qui illustre le fait que cette attitude est encore plus répandue et grave que ce que je viens de dire. Il n’y pas que l’UDC!

Quelques exemples concrets

En ce moment il y a, par exemple, la manière dont est traitée Marine Le Pen en France. Une nouvelle fois, ce n’est pas par sympathie pour elle mais pour illustrer le processus. La surenchère dans le dénigrement et la détestation haineuse est bel et  bien à l’œuvre, quoi qu’on pense d’elle par ailleurs. Faire un inventaire des termes disqualifiant et haineux  dont elle a été affublée prendrait des dizaines pages. Question: quel en est l’effet? Surtout quand cette politicienne répond que l’insulter revient à insulter les millions de personnes –et non des non –personnes- qui votent pour elle. Cette tentative de la disqualifier la sert-elle ou la dessert-elle? N’est-ce pas terriblement simpliste et signe d’une grande pauvreté intellectuelle, voire politique, que de penser réussir ainsi à faire passer cette politicienne pour »semi-démente », etc? Quelle image les intellectuels  et les politiques donnent-ils d’eux-mêmes en procédant de la sorte?

Il y a pire. Le journal Le Monde avait préparé un supplément le 18 mars 1998 en demandant à une série d’intellectuels et d’écrivains  français de donner leur point de vue face à la montée de Le Pen père. Là aussi la surenchère dans l’invective et la violence verbale a tenu lieu de fil conducteur, en lieu et place de propositions d’analyses. Un ou deux exemples:

Marie Darrieusswecq sur Le Pen: «on allait pendre les avortées, éventrer les avorteuses, égorger les professeurs traîtres, brûler vifs les journalistes vendus, empaler les bougnouls…écarteler les pédés...»

S. Zaganski: Le Pen devient  «le bouffi bouffon borgne«, «un politicien aigrement grotesque, banalement abject, un babouin borgne, un bouffon boursouflé dans sa ridicule fadeur».

Même le prix Goncourt P. de Grainville s’y est mis: « buffle paranoïaque», etc, etc.

Bref, c’est bien l’autosatisfaction dans la surenchère en matière d’abjection.

Tout cela avec quel résultat? En 2002 Le Pen se retrouve au deuxième tour de l’élection présidentielle, et cela sans que nous voulions bien sûr attribuer ce succès à ce type de propos. Néanmoins, ces derniers n’ont pas non plus dû contribuer à empêcher une telle issue politique, issue qui a surpris tout le monde. L’effroi, même! Mais guère d’autocritique.

Dans le traitement de l'actualité

On retrouve un processus semblable à propos du  récent tueur en série de Toulouse  et Montauban (Mohamed Merah, fin mars 2012), avec même un aveu du côté journalistique: «Si c’est un homme, ce tueur, on en vient presque à souhaiter que ce soit  un nazi fanatique, un malade, pour comprendre, avoir une explication…». (Charlie Hebdo, 21 mars 2012, avec comme il se doit, en couverture, un Le Pen, père, horrible physiquement, et le titre: «Tuerie antisémite de Toulouse»). Pour SOS racisme, ces crimes  sont dus à la « libération de la parole raciste». Mais voilà que le racisme était de l’autre côté. Comme lorsque au Nouvel Observateur un journaliste se lâche en off: «putain je suis dégoûté que ça soit pas un nazi». Eva Joly évoquera « les propos discriminants» de Sarkozy et Guéant qui «n’arrangent rien». Une fois le tueur connu, certains reconnaîtront tout de même qu’il y a une difficulté à penser l’islamisme, à le dénoncer. Une nuance parmi des centaines de fausses accusations et de «faux espoirs».

Comment  nommer cette maladie de l’intelligence chez ladite intelligentsia?

Voyons, cela n'existe pas chez nous ? Détrompez-vous!

Une certaine gauche préfère, chez nous aussi, haïr et chercher à  faire détester ceux qui pensent autrement  et bien sûr ceux du bord politique opposé, plutôt que de contribuer  à chercher à comprendre et à analyser les causes des  phénomènes sociaux et politiques qui déplaisent.

Sans aller dans les détails et toute proportion gardée, nous subissons nous aussi un genre traitement semblable, à titre personnel ou avec notre site Lesobservateurs.ch. Un journal  qui se veut pourtant  critique et qui est même édité par des associations professionnelles de journalistes et divers médias déverse médisances, mensonges et propos malveillants sur notre site, cela, par exemple, dans un numéro récent de la revue Edito+Klartexte, No1, 2012. D'autres exemples seront cités ultérieurement!

Il en va de même avec quelque blog, bien qu’insignifiant  et dénué d’intérêt, où l’on passe l’essentiel de son temps  à dénigrer, moquer, vilipender, tout ce qui n’est pas de gauche. Au point où j’ai déjà, par le passé, traîné un responsable de ce genre de blog en justice, pour la seule fois de ma vie. Mais peut-être pas la dernière! Peu courageux, l’auteur de la diffamation ne voulait  même pas avouer être l’auteur de cette diffamation, pour finalement être contraint de l’admettre et de devoir verser la somme d'argent due, à ma demande, «Pour le bien des aveugles»; ces aveugles qui aimeraient tellement voir alors que d’autres, aveuglés par leurs œillères idéologiques, ne voient pas.(Pour une analyse plus développée de cette «intelligentsia»  miséreuse, cf L’affaire UW,l’Age d’homme,2010, 270p).

La critique de cette intelligentsia fera régulièrement l’objet d’articles sur notre site, et même d’une série de longue durée!

Pour information: plus de 16.000 pages (seize mille) de notre site LesObservateurs.ch sont lues hebdomadairement, cela après quelques semaines seulement d'existence.

 

 

6 commentaires

  1. Posté par Jade Durand le

    Mais à qui tous ces journalistes font-ils allégeance ? A leurs ” Maîtres ” respectifs, la nouvelle oligarchie mondiale. Ont-ils enquêté, fait un travail d’investigation lorsque le Groupe Bilderberg s’est réuni en Suisse ? Non !
    Nous rapporte-t-il ce qui se passe dans les coulisses de Bruxelles ? Non plus !
    Nous expliques-t-il le fait que tous les pays de la zone euro sont hyper-endettés parce des accords et des traités iniques ont été mis en place par Bruxelles qui obligent les pays à emprunter aux banques privées et non pas auprès de la BCE? Cette même banque prêtant à 1% d’intérêt aux banques privées, qui elles, prêtent aux Etats à 2-3% voir supérieur. Non, rien dans notre presse helvético de boulevards!
    Explique-t-il à leur lectorat que la libre circulation des personnes sert surtout à faire baisser les salaires dans toute l’Europe, Suisse y compris ? Non, jamais !
    Lorsqu’ils feront vraiment un travail de journalisme, il y a de fortes chances que ces Messieurs perdent leur job. Alors…..chute, silence! Il est plus facile de trouver des bouc-émissaires que de fâcher leurs patrons respectifs!

  2. Posté par Claudia Cotting (pas la politicienne) le

    Merci pour cet article. Votre plume explicite ce que je pense. Encouragement pour le futur.

  3. Posté par Marie-France Oberson le

    Je partage absolument la réponse de M. Décaillet…
    Pourquoi toujours ce besoin de se ménager une sortie? Pourquoi est-il nécessaire d’assurer aux yeux du monde “qu’on ne mange pas de ce pain-là”? La peur de se voir assimilé à une mouvance mise à ban par la bienpensance et d’être soi-même mis à ban ?

  4. Posté par Pierre Décaillet le

    Non, je ne suis pas d’accord. Leur but est atteint puisque vous-même dites: “En ce moment il y a, par exemple, la manière dont est traitée Marine Le Pen en France. Une nouvelle fois, ce n’est pas par sympathie pour elle mais pour illustrer le processus”.
    Vous êtes donc obligé d’affirmer que vous n’éprouvez pas de sympathie pour Marine Le Pen sous peine d’être partial. Normalement vous ne devriez pas avoir à vous démarquer de Marine Le Pen. Votre objectivité devrait être seule le garant de votre discours. Posez vous la question: aurait-il été nécessaire que vous teniez le même langage s’il s’était agit de Bayrou ou Mélenchon? Non, la diabolisation des Le Pen mise en place par Mitterand a marché du feu de Dieu et elle marche encore pour bloquer la droite et l’empêcher de se regrouper. C’est cette stratégie seule qui protège la gauche. La preuve? La preuve c’est que vous pensez que j’ai de la sympathie pour Marine Le Pen, n’est-ce pas?

  5. Posté par Antonio Giovanni le

    Il faut pour s’en convaincre lire aussi “Contre la pensée unique” de C.Hagège, éminent linguiste, mais son irrévocable soumission intellectuelle au marxisme lui fait émettre bien de opinions hasardeuses, quand elles ne sont pas simplement controuvées; en l’occurrence “la pensée unique” est celle que diffuse à longueur d’année l’Amérique ( républicaine ou démocrate) en utilisant l’arme linguistique atomique qu’est l’anglais pour inféoder le monde à son mercantilisme envahissant; l’ennui c’est qu’on peut lire,en creux, que si c’était le cas de la langue française, alors cela prouverait définitivement la supériorité de cette langue sur toutes les autres, et qui serait assise sur le trône du monde ainsi que l’ont rêvé du Bellay et Rivarol. Hagège rêve, lui aussi …

  6. Posté par Monique Héliot le

    Dans la campagne électorale française, en admettant que Marine Le Pen soit victime, elle n’est pas la seule victime! Sachez que les journalistes font entendre les voix des candidats qu’ils veulent bien promouvoir et étouffent la voix des autres. Par exemple, les propos de François Bayrou, depuis cinq ans, ont très peu été reproduits par la presse française. En ce qui concerne les intellectuels, c’est vrai, dans cette campagne, leur silence est total!

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