Comment a-t-on pu voter une loi aussi mal formulée, qui ne pourra jamais être appliquée ?
L’initiative du 11 mars sur les résidences secondaires, bien qu’acceptée par le peuple suisse, n’a pas fini de faire couler de l’encre. Ceux qui ont soutenu cette initiative monopolisent les médias pour réclamer du conseil fédéral une ligne dure dans l’application de la désormais «Lex Weber». De leur côté, les politiques multiplient la création de commissions chargées d’étudier les effets de la «Lex Weber» qu’ils pensaient ne jamais être acceptée par le peuple et de proposer des mesures pour rattraper le coup.
Mais comment a-t-on pu voter une loi aussi mal formulée, qui ne pourra jamais être appliquée?
«Stop à la construction envahissante de résidences secondaires» pouvait-on lire sur toutes les affiches du WWF. En quoi une résidence secondaire est-elle plus envahissante qu’une résidence principale ? La notion de résidence secondaire n’a strictement rien à voir avec la question du bétonnage de nos alpes, puisqu’une résidence secondaire peut aussi bien être un appartement dans un immeuble, qu’un chalet individuel.
Mais qu'est-ce qu'un lit froid?
On aurait donc dû dire «Stop à la construction envahissante de chalets», sous entendu construisons à nouveau des tours pour limiter l’utilisation du sol. Pas sûr que l’initiative aurait alors été acceptée.
Mais non, dirons les initiants, vous n’avez rien compris! Ce qu’il faut arrêter, c’est de construire des lits froids.
Ah bon et c’est quoi un lit froid ? Ce n’est en tous cas pas une définition architecturale, ni juridique, mais tout simplement une notion de taux d’occupation. Alors en quoi une résidence secondaire serait-elle à priori et forcément un lit froid ?
Un propriétaire qui vient tous les samedi et dimanche, ainsi que durant toutes les vacances à sa résidence secondaire va générer plus de 60 nuitées durant la saison d’hiver, ce qui équivaut largement au taux d’occupation d’un lit loué. Le propriétaire est donc, tout comme le vacancier de passage, un client qui contribue aux recettes de la destination qu’ils fréquentent et en plus contrairement au vacancier il est un client fidèle.
Certes le peuple a adopté cette initiative. Mais c’est en fait l’addition des voix des jaloux envers ces riches qui ont une résidence secondaire et des égoïstes qui en ont déjà une, qui ont emportés ce 11 mars et pas la raison. Car personne n’a pu ou su expliquer qu’en s’en prenant aux résidences secondaires, on mettait à mal le seul modèle économique existant en Suisse pour le développement du tourisme.
Un pourcentage absurde
Pour générer des recettes suffisantes pour maintenir à niveau ses infrastructures, une destination touristique doit en effet disposer d’une structure d’hébergement suffisante. On comprend vite, que pour une destination touristique qui compte trois installations, il ne faudra pas le même nombre de lits pour financer son domaine de ski qu’une destination qui compte plus de 50 installations de ski.
Un pourcentage absurde
Ainsi fixer un pourcentage de résidences secondaires uniforme sur toute la Suisse, en fonction de la grandeur d’une commune, est déjà d’une totale absurdité.
Mais surtout, historiquement, les destinations suisses, à l’exception de celles qui ont vu le jour avec l’arrivée du train il y a plus de cent ans, sont nées dans les années 50 avec l’introduction des congés payés et la démocratisation du ski.
Elles sont toutes le fruit d’initiatives privées nombreuses et il n’est donc pas étonnant, qu’à de rares exceptions près, nos destinations ne soient pas en main d’un seul opérateur, mais d’une multitude de privés dont les intérêts ne sont pas toujours convergents.
Cet éclatement au niveau de l’offre pénalise automatiquement la rentabilité de nos destinations, y compris au niveau de la capacité à remplir nos lits.
Ainsi, avec en plus des coûts de construction beaucoup plus élevés en Suisse qu’à l’étranger, les banques suisses refusent de financer la construction d’hôtels, de résidences de tourisme ou de lits touristiques, sauf si vous êtes déjà riches.
Avec encore la «Lex Kohler» qui restreint non seulement la vente aux étrangers, mais aussi l’accès au financement étranger, on comprend vite que pour construire des lits à louer, les responsables des destinations touristiques suisses n’ont pas d’autres choix que de construire des résidences secondaires et les vendre à des investisseurs qui les confient à une agence immobilière locale pour les louer, ou construire des résidences secondaires, les vendre et ensuite avec le profit de ces ventes, construire des résidences de tourisme ou des hôtels.
Ainsi, la résidence secondaire appartient à l’ADN de notre tourisme et ce n’est pas avec une loi interdisant la construction de résidences secondaires qu’ont pourra modifier cet ADN.
Un coup fatal au modèle économique
Le vote du 11 mars porte un coup fatal au modèle économique existant sans apporter d’alternative. Il va condamner plusieurs destinations touristiques à ne jamais atteindre leur seuil de rentabilité et très probablement à devoir les renflouer au moyen de subventions étatiques abyssales, à charge de tous les contribuables suisses.
Car la Suisse est bien le seul pays au monde qui veut faire du tourisme en interdisant l’accès à ses destinations aux clients voulant devenir propriétaires ou venant de l’étranger.
Il est donc urgent de cesser de considérer le développement touristique que sous l’angle de l’aménagement du territoire et de la protection des paysages, mais de se concentrer sur l’analyse des mesures appropriées pour modifier à terme, avec intelligence et rationalité, notre modèle économique.
Ce qui m’attriste le plus dans cette histoire, c’est qu’après avoir obtenu la main, les initiants veulent maintenant le bras entier ! Il est écrit noir sur blanc dans le texte que nous avons voté que les permis de construire sont nullifiés à partir du 1er janvier 2013, ça a même été confirmés par leur chef de campagne et maintenant ils disent le contraire et contredisent une dizaine d’avis de droit ( dont des lausannois !).
Bref, c’est un excellent article mais il aurait été plus pertinent de le publier AVANT la votation !
Pourquoi Ph. Lathion ne précise -t-il pas qu’il est administrateur de plusieurs sociétés de promotions immobilières actives dans les régions touristiques et dans des sociétés de remontées mécaniques? Il serait honnête d’afficher la couleur pour relativiser son propos…
M. Lathion,
Votre point de vue est parfaitement juste. Cette initiative est mal fichue au possible. Mais je rejoins tout à fait M. Desfayes. Cette initiative a été acceptée et il faut l’accepter. Refaire le débat ne sert à rien et mettre les pieds contre les murs encore moins, si ce n’est à exacerber les clichés anti-valaisans et à accentuer le confit avec les initiants. La vague d’opposition lancée par Franz Weber n’aurait pas eu lieu si certaines communes auraient fait preuve de prudence et de retenue en mettant en stand-by les demandes d’autorisation de construire de résidence secondaire, au lieu de s’improviser juriste fédéral (cf Hérémence par exemple).
Il faut maintenant trouver de nouvelles solutions et des compromis avec les initiants au lieu de s’agiter comme des épouvantails.
J. Desfayes est un drôle de valaisan. Où habite-t-il ? Dans quelle station y a-t-il 50 agences immobilières ? Dans quelle station a-t-on construit en 5 ans dans des zones dézonées à cet effet ? … Comment développer le tourisme quand la Suisse empêche le développement du tourisme en mettant des bâtons dans les routes aux remontées mécaniques (la LAT et le droit de recours des organisations vertes pour les canons à neige, la construction et l’extension de domaines skiables)
Comment se développer dans un pays qui veut exproprier le territoire ?
Comment accepter l’annonce du vol pur et simple de l’eau.
La Suisse, non merci.
Le commentaire de M. Turatti est un sac de noeuds duquel il est impossible de savoir s’il est pour ou contre la LexWeber. Va t’il éclairer sa lanterne?
Valaisan et habitant un site touristique du Valais, j’ai voté contre une initiative bout de bois et sans nuance. Mais ma foi, elle a été acceptée par le peuple et il faut bien accepter de mettre en oeuvre ce qu’a voulu le souverain. Maintenant, je suis excédé de constater que nombre de mes concitoyens, au lieu de retrousser leurs manches, se contentent de pleurnicher et de dire que tout cela est trop injuste. Pis, ils veulent croire que ces jérémiades peuvent changer la donne et permettre de récupérer le statu quo ante. Fadaises!
Quand, dans une seule station touristique valaisanne, il y a près de 50 agences immobilières, quand, dans cette même région, on a construit en cinq ans la quasi-totalité des terrains dézonés en pensant au départ que ça suffirait pour 25 ans, quand on accepte de désaffecter une zone de détente pour la livrer aux trax et au ciment, c’est bien qu’il y a quelque chose de pourri. C’est le mérite des initiants de l’avoir fait comprendre à une majorité de Suisses. Dès lors, il vaudrait mieux pour tous les Valaisans qu’ils acceptent un verdict qui leur est défavorable. Et à l’instar de leur gouvernement, ils devraient s’associer à la redéfinition du tourisme dans leur canton. Je connais une piste qui tient en trois mots: accueil, accueil, accueil.
La votation a basculé en faveur de M. Weber par des citoyens qui possédaient déjà une résidence secondaire; de peur que leur tranquillité ne soit plus respectée. On appelle cela cracher dans la soupe
La virulence des attaques contre les personnes qui se préoccupent de l’évolution économiste de notre société et de la destruction du tissu social et vital qu’elle entraîne n’est-elle pas une démonstration éclatante de la compétence, de l’éthique et de l’altruisme de ceux que l’on a laissé détruire leur nid et celui de leurs après-venants? Vu que l’aboutissement de cette initiative est dû à leur clairvoyance, ne faudrait-il pas leur donner encore plus de pouvoir pour qu’ils continuent à sauver notre environnement?
Premièrement, ce n’est pas une loi qui a été votée, M. Lathion, mais un article qui a été ajouté à notre Constitution. La loi doit être élaborée par le Parlement. Deuxièmement, je trouve intéressant qu’avec le discours libéral que vous faites, qui met en exergue les initiatives individuelles qui seraient le fondement du tourisme dans notre pays, vous arrivez à vous plaindre que le vote du 11 mars “n’apporte pas d’alternative” au modèle économique actuel. Ne serait-ce justement pas aux exploitants touristiques de proposer une alternative s’ils veulent continuer à encaisser?
Je vous remercie pour votre article enfin clairvoyant. Certaines personnes se sont, durant la campagne, évertués à faire passer ce message. Mais face à des démagos de bas étage et des répondants, pour la plupart valaisans, ayant des œillères visées sur la tête, il a été difficile de faire passer des arguments complexes mais néanmoins de bon sens. En espérant que les politiques puis le peuples apprendront de cet echec de la démocratie et reviendront à un système économique adapté à notre situation touristique suisse, diversifiée. Merci.