Les naturalisations: faciliter ou durcir?

Uli Windisch
Rédacteur en chef
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Rester exigeant et ferme, sans gêne aucune et sans se laisser intimider, mais ouvert comme personne avec ceux qui…

Les conditions de la naturalisation constituent un problème  récurrent dans le débat politique suisse, ainsi que dans nombre d’autres pays.Il oppose depuis toujours, de manière  constante et manichéenne,  gauche et droite. La droite voulant durcir son obtention et la gauche voulant la faciliter. C’est une mécanique qui s’autoalimente et  qui permet à la gauche  d’essayer de se montrer  plus tolérante et ouverte, et de reprocher, simultanément, à la droite d’être recroquevillée sur une attitude passéiste, défensive, méfiante, voire hostile aux étrangers, pour ne pas dire xénophobe. Il s’agit bien sûr aussi de tenter de culpabiliser la droite au moyen de cette accusation, droite qui, à la longue, finit effectivement par se laisser intimider par cette mise à l’agenda avantageuse pour la gauche et la grande partie des médias, comme il se doit. Donc, on s’attribue comme souvent le beau rôle sans endosser la responsabilité qui peut en découler  lorsque le climat politique change, ce qui est précisément le cas actuellement.

Depuis le film Les Faiseurs de Suisses beaucoup d’eau a coulé sous les ponts

Le film Die Schweizermacher, Les faiseurs de Suisses, même s’il pointait quelque excès de zèle à l’époque où il a été diffusé, a été à la base d’une autre tradition: se moquer du Suisse trop suisse et en donner à rire pour longtemps. Aujourd’hui encore ce film est cité par qui veut disqualifier tout questionnement en fonction des conditions nouvelles dues à une évolution politique inimaginable  dans les années 1970-1980. Rappelons  que sous l’effet de cette  culpabilisation on est tombé dans l’excès inverse en naturalisant parfois de manière inconsidérée et beaucoup trop facilement. Avec pour résultat ce que certains, encore partisans de certaines exigences minimales, ont appelé les Papierschweizer.

Les conditions d’acquisitions ont  été progressivement facilitées: suppression d’un coût qui pouvait être parfois très élevé et dissuasif. Même dans cette situation, des personnes peu fortunées ont fait des efforts considérables et des économies coûteuses pour obtenir ce qui était considéré comme un sésame, mais aussi par volonté réelle et profonde de devenir suisse. Il faut tout de même le rappeler.

La fin de l’approbation des naturalisations par votation populaire

Ensuite il y a eu la suppression des votations  populaires que certaines communes appliquaient en la matière, suppression qui n’a pas été sans de vifs débats politiques et de fortes oppositions. On a aussi rendu possible le recours contre des refus d’octroi de la naturalisation considérés par les juges comme arbitraires (autre exemple de la judiciarisation des problèmes sociaux et politiques). A gauche, on insistait pour dire que la nationalité suisse avait perdu de son attrait et que bientôt plus personne ne la demanderait si on restait trop exigeant. Plusieurs votations populaires ont eu lieu, qui visaient à faciliter la naturalisation, voire à la rendre automatique pour les jeunes immigrés  de la deuxième  ou troisième génération.Toujours avec de très vifs débats, revenant à accuser le camp adverse de tous les maux possibles.

Le refus de «brader» le passeport

Au final, de nombreuses propositions de facilitation ont été refusées, car la résistance a été très vive  de la part de ceux qui pensaient que la nationalité suisse se méritait et qui ne voulaient en aucun cas la «brader».

Et aujourd’hui qu’en est-il? Après une longue phase de perception politique générale en termes d’internationalisation et de mondialisation, on assiste à un retour aux nations, à une tendance à la «démondialisation», à une réaffirmation des réalités nationales; en bref, à des politiques générales davantage nationales en matière économique et industrielle, suite à la très forte concurrence internationale de la part de pays qui sortent du sous-développement et qui s’affirment  avec des économies très dynamiques et par rapport auxquelles nos propres économies ne sont plus concurrentielles et ne peuvent plus lutter, situation qui était,elle aussi, totalement imprévisible il y a quelques décennies encore(17 millions de chômeurs en Europe, jusqu’à 40-50 % de chômeurs chez les jeunes dans certaines régions, etc,).

Mais le changement  le plus profond est ailleurs. L’immigration a totalement changé de nature. Très schématiquement, dans les années 1960-1980, les immigrés étaient prêts à faire des efforts très considérables d’adaptation, voire d’assimilation, et cela malgré des conditions souvent difficiles. Le but visé était de se fondre dans la population et de «ne pas créer de problèmes», les enfants étaient surveillés dans le même sens. Chaque immigré souhaitait mieux vivre que dans son pays d’origine et espérait en un avenir meilleur pour ses enfants. Tel était le but essentiel.

De l’assimilation à l’intégration

Actuellement, même si de tels objectifs existent encore chez certains immigrés, peut-être même chez la  majorité, des changements profonds sont intervenus dans les attitudes. On a d’abord passé de l’assimilation à l’intégration: l’immigré ne doit plus renoncer à sa culture pour en adopter une autre; il devient biculturel, il s’adapte tout en gardant ce qu’il souhaite de sa culture d’origine. Des politiques d’intégration, le mot d’intégration n’existait même pas dans les années 1960-1980, ont été mises en place et les Etats des pays d’immigration soutiennent activement et financièrement  cette intégration.

Ces dernières années, d’autres phénomènes nouveaux, même s’ils sont minoritaires, ont entraîné de profonds changements dans la  réalité migratoire et sa représentation chez une  partie non négligeable de la population.

La recommandation de pas s’intégrer!

Si le processus d’intégration plurielle (en fait la fameuse Unité dans la Diversité suisse étendue aux populations issues de l’immigration) continue  à faire très majoritairement son chemin, des tendances diamétralement opposées se font jour et sont totalement inacceptables pour une grande partie de la population, non seulement suisse, et c’est là un phénomène très important, mais pour nombre de communautés immigrées traditionnelles qui ont fait des efforts considérables d’adaptation. Il s’agit notamment de la partie de l’immigration musulmane, plus minoritaire qu'on ne peut le penser, qui refuse explicitement l’intégration (on ne parle même plus d’assimilation) et qui a des revendications sans cesse nouvelles.

Cette fois ce serait à la Suisse de s’adapter en répondant toujours positivement à ces revendications. Certains leaders musulmans vont jusqu’à demander à leurs jeunes de ne pas s’intégrer! Il ne peut être question d’accuser les Suisses d’«islamophobie» dès qu’il n’y pas acceptation inconditionnelle, immédiate et totale de ces multiples revendications, pour la plupart contraires à nos valeurs les plus fondamentales.

L’irruption du fanatisme islamiste

L’intolérance fanatique envers les critiques de l’islam dont peuvent faire preuve certains musulmans a aussi marqué les esprits et à juste titre. Même s’ils sont statistiquement minoritaires, on pense aux assassinats, ou aux tentatives d’assassinats, d’hommes politiques, d’intellectuels, de journalistes, d’artistes, qui ont émis des critiques,  tout à fait  justifiées suivant notre conception de la liberté d’expression. Même s’ils se sont produits dans d’autres pays, ces actes des plus odieux, ont  marqué bien au-delà de leur lieu d’exécution  et cela pour longtemps.

La Suisse doit-elle se renier?

Les critiques systématiquement négatives de la Suisse, de la part de certains nouveaux immigrés, finissent également par révulser une grande partie de la population. Un jeune Suisse issu de l’immigration, se présentant au Parlement fédéral, demande d’en finir  avec la croix suisse qui ne reflèterait plus la diversité culturelle, et parce que la croix représenterait un symbole chrétien. Personne ne prétend que la Suisse est parfaite, mais ce genre de critique  ne tient pas compte du fort attachement affectif d’une grande majorité de Suisses à leur pays(il en va de même dans les autres pays!) et de ce qu’entraîne une telle attitude, surtout lorsqu’elle devient un automatisme de personnes qui ont pourtant pu construire leur vie grâce à ce pays. Communiquer sans tenir  compte des effets contraires que peuvent produire certaines  paroles sur les récepteurs…

Le plus grave: on revient en arrière partout

Plus généralement, avec ce changement de climat politique, présent partout, on observe d’autres phénomènes qui changent complètement l’image de l’immigration en général. Dans bien des pays on revient en arrière sur nombre de phénomènes: le droit du sol est remis  en question dans plusieurs pays, la naturalisation est rendue plus difficile, on expulse des imams radicaux; des individus recherchent la nationalité à des fins criminelles. Des phénomènes inimaginables il y a quelques années encore. Ces phénomènes doivent être et seront analysés plus longuement dans d’autres contributions.

La fin de la naïveté et de l’angélisme

Mais pour l’instant la question est la suivante: quelle pratique de la naturalisation dans notre pays face à ce nouveau contexte international? Réponse: rester exigeant sur les délais et les critères  de la naturalisation et dans l’examen approfondi des demandes, tout en facilitant la naturalisation des jeunes immigrés, toujours après examen sérieux des dossiers. Pourquoi pas une naturalisation à l’essai en cas de doute?

La naïveté et l’angélisme ne sont plus de mise lorsque la perversité dans la tromperie franchit sans cesse de nouvelles limites et que les «cellules dormantes» de toutes sortes ne relèvent plus d’une imagination débridée. Dire ces réalités est tellement insupportable aux oreilles de certains aveuglés que les critiques et les accusations  totalement infondées à notre encontre seront inévitables.Mais si nous voulons éviter ce qui se passe, par exemple, en France en ce moment (arrestations en série de terroristes islamistes potentiels) un réveil brutal est nécessaire et surtout des réponses urgentes, énergiques et adéquates.

A la fois fermeté déterminée et ouverture audacieuse

En contrepartie des exigences susmentionnées, j'ai des propositions à la tonalité nettement plus encourageantes: utiliser les capacités de notre système politique largement enviées au niveau international pour mieux intégrer les immigrés. Je pense à l’octroi de certains droits politiques aux immigrés assez rapidement après leur arrivée et bien avant la naturalisation. Notre système politique de la démocratie directe, avec des votations populaires qui permettent de discuter de tous les problèmes quotidiens importants et  qui concernent  aussi bien les Suisse que les étrangers, est si participatif  qu’il permet de renverser la thèse classique et largement admise qui veut qu’il faut être largement intégré socialement et culturellement  pour participer à la vie politique. En Suisse la discussion politique est permanente autour des fréquentes votations populaires et référendums et ces discussions politiques ont une grande fonction intégratrice. Le système est tellement participatif qu’en y associant  les étrangers, dans une mesure à déterminer et variable selon les particularismes du fédéralisme, très vite après leur arrivée, ont les intègrerait aussi socialement et culturellement, et plus largement encore. Une spécificité suisse et un atout qu’il faut mettre à profit et dont profitera l’ensemble du pays. Au lieu d’opposer on travaille à l’intégration. De même dans les écoles, avec la pratique des votations blanches auxquelles participeraient évidemment aussi les élèves étrangers, ces derniers s’intègreraient sans s’en rendre compte. Un coup double à ne pas manquer  et qu’on nous enviera aussi.

Je défends cette thèse depuis plus de 20 ans et la maintiens, même si elle suscite encore beaucoup d’opposition, à mon avis par manque de confiance dans l’exceptionnelle richesse de notre système politique, de plus en plus envié et exigé partout ailleurs(alors que certains, chez nous, veulent constamment limiter les droits populaires).

Rester exigeant et ferme, sans gêne aucune et sans se laisser intimider, mais ouvert comme personne avec ceux qui adoptent et respectent inconditionnellement NOS valeurs les plus fondamentales. En matière de naturalisation, et dans bien d’autres domaines…

 

Uli Windisch, 5 avril 2012

 

 

 

 

 

5 commentaires

  1. Posté par Julien Bernasconi le

    Le terme d’islamophobie est très problématique. En effet, pour les Juifs, on a l’antisémitisme, donc la haine d’une personne parce qu’elle appartient à la communauté juive, ce qui est du racisme, et la judéophobie, qui est saine, et qui consiste à critiquer certains aspects de la religion juive. Pour les chrétiens, on pourrait dire qu’il y a l’anticléricalisme et la christianophobie. Mais pour les musulmans, il n’existe que l’islamophobie. Dès lors, toute critique fondée sur des revendications religieuses est nécessairement islamophobe, et donc nécessairement raciste, ce qui est faux.

  2. Posté par François Etienne le

    … Il faut donc durcir, même devenir très pointilleux pour le vrai droit asile au sens de la Constitution. Pour les naturalisations, il convient également de respecter les lois existantes et d’EXIGER une vraie intégration des demandeurs, au terme de douze ans de vie permanente sur le territoire suisse. Cela passe par une connaissance de nos institutions, de la géographie du pays (eh oui !), et bien entendu la capacité de s’exprimer couramment dans l’une des trois langues nationales principales. Les délinquants récidivistes doivent être systématiquement écartés.

    Un migrant de bonne foi s’intègre automatiquement car il a des objectifs. Le migrant économique est un fardeau inacceptable, car il n’entend pas participer au progrès de la nation-hôte.

    Les 99.5 % des requérants d’asile n’entrent pas dans le contexte de l’intégration. Il convient de les refouler. Leur soutien passe par l’aide au développement, dans la mesure où cette aide est dispensée directement aux concerné(e)s et non pas aux gouvernements complètement corrompus.
    Inutile de censurer le thème de l’immigration et du multiculturalisme si cher aux âmes bien-pensantes mais non agissantes. Coûte que coûte ce thème resurgit avec une violence redoublée (et malsaine), car l’Europe ne peut plus être le continent de cocagne. Le durcissement en matière de naturalisation est urgent; il protège la nation contre une déliquescence sournoise. Restons maîtres de notre passé historique, de nos traditions, de notre culture. Et ainsi le monde ira mieux.

  3. Posté par François Etienne le

    L’acquisition réussie de la nationalité suisse se gagne prioritairement par un état d’esprit, part une fidélité accordée au pays hôte, par un souci d’intégration visant à apporter une plus-value sans renier son ancienne nationalité.
    Je connais un exemple personnel,vivant, positif, et qui dure depuis près de 40 ans. Ce fût d’abord un mariage libre, consenti, avec une étrangère. Cette étrangère devint Suissesse par ce mariage et elle comprit magistralement que sa nouvelle patrie méritait fidélité, apport personnel et respect. Quitter sa nationalité précédente n’est pas un acte forcément aisé, mais il ne s’agit pas de renier son passé, mais bel et bien de construire son avenir. En ce sens, le binationalisme est une aberration qui nuit à la qualité intellectuelle de l’individu. C’est un double-jeu avec haut degré d’ambiguïté.
    L’intégration – faut-il le répéter – est un état d’esprit visant l’honnêteté envers le pays-hôte. Les flux actuels à base strictement économique faussent la qualité de l’intégration.

  4. Posté par Jean-Paul Costantini le

    La naturalisation doit être facilitée pour tous ceux qui démontrent leur attachement à la Suisse et qui maîtrisent correctement une de nos langues nationales. En plus, ils devraient accepter d’être formés à l’apprentissage du fonctionnement de notre démocratie directe et de nos institutions. Ce n’est pas un raisonnement UDC, mais celui d’un citoyen fier de son pays.
    Je suis absolument convaincu que les islamistes ou les autres personnes en -iste- n’ont rien à faire chez nous, simplement parce que, s’ils le pouvaient, ils essaieraient d’imposer la charia ou leurs propres règles de vie, auxquelles nous n’avons pas à nous soumettre: ” Tu viens, tu te conformes aux règles de notre société, sinon, tu pars!” Tous les extémismes religieux doivent être bannis et il faudrait pouvoir renvoyer certains personnages douteux séance tenante. Mes propos n’ont rien à voir avec la pratique religieuses des citoyens helvétiques, aussi les musulmans, que nous devrions mieux apprendre à connaître et vice versa.
    Donc choisissons à qui nous souhaitons accorder la nationalité. Je suis contre une votation populaire dans ce domaine au cas par cas, pour éviter certaines idées préconçues. Il s’agit d’établir de règles très précises et ainsi on pourrait peut-être accélérer la procédure.

  5. Posté par Cain Marchenoir le

    Franchement je ne sais pas s’il faut rire ou pleurer de votre proposition. Tout d’abord le fait de substituer intégration à assimilation comme c’est le cas actuellement est en train de contribuer à la désagrégation de la société. Pas après pas, on s’approche du communautarisme. Il y a certaines personnes qui vivent en totale immersion dans leur communauté, sans avoir (ou presque) le moindre contact avec le reste de la société.
    Ensuite, votre proposition d’accorder le droit de vote rapidement aux migrants ne peut que contribuer à renforcer cette désagrégation. On va voir surgir des forces politiques réclamant toujours plus de droits pour leur communauté et ces forces seront de plus en plus fortes si le flux migratoire insensé se poursuit.
    J’ajouterai à cela qu’à mon sens, il n’y a strictement rien dans cette mesure qui puisse favoriser une meilleure intégration pour la simple et bonne raison que ne s’investira comme vous le souhaitez que celui qui fait déjà aujourd’hui l’effort de s’intégrer. Quand on voit le taux d’absentéisme qu’on se tape lors des votations ou élections, il n’y a guère raison de penser que les migrants feront mieux.
    J’ajoute encore que de croire que le simple fait d’avoir un droit de participation politique puisse rayonner aussi grandement sur les champs culturels et sociaux me parait surréaliste.
    J’irai même jusqu’à dire que la fonction intègratrice que vous voyez dans les votations populaires est un leurre magistral: combien de personnes sont stigmatisées, traitées de tous les noms pour leur opinion politique? Dans certains cas, on a même droit à des rejets professionnels pour avoir eu le culot de dire ce que l’on pense! Ne voyez vous pas qu’actuellement la dictature du politiquement correct imposée par certains milieux est en train de scinder la société en deux? Alors si c’est le cas parmi les Suisses, je doute sincèrement qu’on arrive à d’autres résultats parmi les migrants….
    Enfin, une petite question: depuis le temps que j’entends ou lis de grandes déclarations sur NOS valeurs, j’aimerai bien que pour une fois on les définisse. Il est facile de brandir de grands slogans, beaucoup moins de leur donner de la substance…

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