Jean-Jacques de Dardel ou les préjugés des Français sur la Suisse

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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Jean-Jacques de Dardel, 57 ans, est ambassadeur à Paris depuis le mois de septembre 2011 ici. En pleine campagne présidentielle il répond aux questions de Xavier Alonso dans la Tribune de Genève, du lundi 26 mars 2012.

L'ambassadeur de Suisse à Paris constate que les préjugés sur la Suisse des candidats (Hollande, Sarkozy ou Mélenchon) et des Français auxquels ils s'adressent, ont la vie dure : "Ils propagent une image caricaturée et des avis faciles sur la Suisse, alimentés par le caractère premier des Français, mélange d'humour et d'esprit critique. Rien de neuf donc, lorsqu'ils continuent de considérer notre pays comme un havre de paix pour les riches".

Sous-entendu fiscal

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises sur ce blog et encore récemment ici, la Suisse n'est un havre de paix que pour quelques milliers de Français plus ou moins riches, environ 2'000, imposés sur la dépense, qui fuient à bon droit les véritables spoliations fiscales qu'ils subissent de la part de l'Etat français.

Les autres Français, qui habitent en Suisse, entre 150'000 et 200'000 - ils ne sont pas tous enregistrés [voir ici] - sont pour le plus grand nombre, dont je suis, imposés davantage ici qu'ils ne le seraient en France pour les mêmes revenus. Il ne s'agit donc pas d'un paradis fiscal, comme ces candidats le disent à mots découverts, et on n'y vient pas travailler pour des raisons fiscales: "Cette vision d'un pays refuge pour riches, poursuit Jean-Jacques de Dardel, élude le fait que le plus d'un million et demi d'étrangers vivant en Suisse (et les centaines de milliers de frontaliers qui y travaillent) le font pour d'autres raisons. La libre-pensée, la libre entreprise, le respect des individus et des minorités."

Selon les mêmes, l'économie de la Suisse est réduite au secteur bancaire, déplore l'ambassadeur. Or : "La place financière représente 11% de notre PIB. Beaucoup ignorent que notre économie, c'est avant tout un tissu industriel très dense. Des PME à foison. Un secteur où se nichent des trésors d'activité".

Ce diplomate "au verbe affirmé et à la méfiance portée en boutonnière", dixit Xavier Alonso, ajoute: "Architecture, art contemporain, microtechnique et biotechnique, entre autres, la Suisse, excelle dans ces domaines. Seulement il est tellement plus facile de dire et de croire que la Suisse est un pays qui s'en sort mieux que les autres grâce à l'argent placé dans ses banques, que la Suisse n'a donc aucun mérite, qu'elle détourne l'argent des contribuables français en offrant un refuge à ses évadés ou exilés fiscaux et qu'elle vit donc aux frais de la France, qui adore regarder son nombril et donner des leçons de morale aux autres."

Ce faisant les candidats et les Français qui les écoutent feignent d'ignorer que la Suisse est beaucoup moins endettée que leur pays (38,4% du PIB en 2010 contre 83,5%), que son économie y est plus libérale et qu'en conséquence le chômage y est plus bas (3,3% en décembre 2011 contre 9,8%).

Les uns et les autres feignent également d'ignorer que la Suisse intègre mieux ses étrangers (22,4% de la population en 2010), que la durée du travail y est plus longue (1'994 heures par an et par employé temps plein en 2010 contre 1679 heures), bref qu'elle fait tout pour être excellente et que les richesses qu'elle produit sont dues aux efforts de tous.

Enfin ils feignent d'ignorer que la France souffre d'un terrible déficit démocratique par rapport à la Suisse, où existe la démocratie directe - que seule Marine Le Pen loue ... et qui s'exerce dans tous les domaines, y compris fiscal.

Car c'est seulement tous les cinq ans que les Français peuvent se prononcer sur un paquet, baptisé programme, qui leur réserve à chaque fois, à gauche comme à droite, bien des surprises. L'électeur français, c'est ... cocu roi. Ce qui n'est pas étonnant dans une monarchie républicaine...

Article: le blog de Francis Richard, francisrichard.net

 

4 commentaires

  1. Posté par John Does le

    Je teste les commentaires, merci

  2. Posté par Marie-France Oberson le

    Voici ce qu’un internaute rapporte sur le blog de Ivan Rioufol, journaliste au Figaro. Je ne sais pas où il a trouvé cette déclaration, mais c’est assez surprenant! Un journaliste suisse qui défend becs et ongles son pays face à “l’étranger”. c’est tellement surprenant qu’on en est quand même “déçu en bien”!
    Bon, il aurait pu se contenter de signer: journaliste , conseiller national..mais bon, même s’il a pris un peu la grosse tête, ce qui importe c’est sa réponse à Merluchon:
    “Réponse d’un Suisse à J.L. Mélenchon
    Fathi Derder Parlementaire suisse, membre du parti libéral radical, journaliste
    Cher Jean-Luc,
    Je vous ai entendu lundi sur Europe 1: vous plaignez les Suisses
    Vous nous plaignez d’avoir refusé deux semaines de vacances supplémentaires.
    Ainsi, nous aurions été intimidés par nos méchants patrons.
    Vous précisez même: “Je comprends parfaitement que le patronat suisse utilise tous les arguments, dont la peur et l’insulte, contre les travailleurs”.
    Je ne doute pas que vous le compreniez: la peur et l’insulte, c’est votre truc.
    Mais bon. Restons concentré sur le fond de votre propos.
    Vous dites comprendre les patrons.
    En fait, vous ne comprenez rien du tout, une fois de plus.
    Il est vrai que nous avons refusé ce week-end l’initiative “six semaines de vacances pour tous”.
    Pour le reste, une ou deux précisions s’imposent.
    La première: une partie de la gauche était opposée à l’initiative.
    Quant aux patrons, loin de la peur et de l’insulte, ils ont agi avec responsabilité.
    Une responsabilité citoyenne.
    Un concept qui vous échappe peut-être.
    Ce que les Suisses ont compris, eux, c’est que plus de vacances, c’est plus d’heures sup.
    Ce que les Suisses ont compris aussi, mon cher Jean-Luc, c’est que le patron est le partenaire de l’employé.
    Nous appelons cela la paix du travail.
    A la grève systématique, nous privilégions le dialogue, le partenariat social.
    De vraies négociations branche par branche, entre gens bien élevés, sans peurs, ni insultes.
    Sans méthodes de voyous.
    Conséquence: notre marché du travail est souple, flexible et redoutablement efficace.
    Sans chômage, ou presque.
    Le choix du peuple suisse correspond à sa maturité politique.
    La démocratie directe implique un grand sens des responsabilités.
    Il ne suffit pas de balancer des slogans en chantant Ferrat.
    Il faut penser aux conséquences, aussi.
    D’ailleurs, le résultat de ce week-end n’est pas serré: l’initiative pour plus de vacances s’est naufragée dans les urnes,faisant l’unanimité des cantons contre elle.
    En Suisse centrale, l’objet a été littéralement balayé, rejeté par plus de 80% des votants.
    Avouez que ça fait beaucoup de Suisses tétanisés par le patronat !
    Et la Suisse romande ne fait pas exception, bien que proche de vous.
    Certains disent même que la proximité de la France a joué contre l’initiative: pour le patron des patrons suisses, “le modèle français a fait figure de repoussoir”.
    Amusant.
    Comme toute la campagne en cours chez vous.
    J’entendais l’autre jour Philippe Poutou à la radio.
    Il parlait de vous…
    L’homme du Nouveau parti anticapitaliste y dénonçait notamment les professionnels de la politique qui “ne connaissent rien au monde du travail” (comme vous).
    S’en est suivi une apologie du candidat salarié (comme lui).
    L’homme du combat contre le capitalisme n’en finissait plus de valoriser le salarié. Sans se rendre compte, visiblement, que le salarié n’existe pas sans “salariant”.
    En français, son patron. Le capitaliste qu’il aime tant détester.
    D’abord je riais, amusé.
    Puis je me suis rendu compte que j’étais d’accord avec Poutou sur un point: celui qui vous concerne.
    Il y a quelque chose de bizarre à entendre ces pros de la politique qui ne connaissent pas la réalité du monde du travail… mais qui en parlent quand même!
    D’abord ça fait bizarre.
    Et puis, quand ils se mettent à critiquer des citoyens travailleurs responsables, ça devient carrément surréaliste.
    Je ne sais pas ce que vous en pensez, mon cher Jean-Luc, vous n’en avez pas parlé à Europe 1.
    Vous avez préféré poursuivre sur la voie de l’insulte et de la peur, en qualifiant la Suisse de “coffre-fort de tous les voyous de la terre”.
    Nouvelle erreur, mon cher Jean-Luc: la Suisse n’est pas un coffre-fort, la Suisse est un pays de travailleurs dont vous devriez vous inspirer.
    En commençant par vous mettre au travail vous-même, au lieu de gloser sur les vacances des autres, du haut de votre perchoir de rentier de la politique. D’une part peut-être cela vous a t il échappé notre pays renonce actuellement au secret bancaire.
    Mais surtout, l’argent qui va bientôt inonder nos coffres ne sera pas celui de voyous, mais d’honnêtes travailleurs français dont l’Etat souhaite confisquer l’intégralité des revenus, ou presque.
    Pour financer, notamment, une partie de la campagne qui vous permet de nous assommer publiquement de contre-vérités.
    C’est à se demander qui est le voyou: le travailleur, ou le politique qui vit de l’argent du travailleur?
    Dans l’attente impatiente de vous réentendre parler de la Suisse…
    Fathi Derder
    Fathi Derder, né en 1970, journaliste de formation, j’ai travaillé pendant près de 12 ans à la Radio Suisse Romande, présentateur des matinales, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint.
    En 2008, j’ai lancé une télévision privée régionale dont j’étais le rédacteur en chef. Et depuis deux mois, je suis élu au Conseil national (parlement fédéral) dans les rangs PLR.”

  3. Posté par Pierre Michel le

    Depuis des années, je ne peux m’empêcher de penser que l’administration française perpétue une révocation larvée de l’Edit de Nantes. Je tiens par ce message à remercier l’état français qui oeuvre méthodiquement depuis des centaines d’années pour enrichir une Suisse qui n’en peut mais. Je comprends toutefois très bien l’attitude des candidats à la présidence: La Suisse aurait tout de même pu montrer plus de gratitude depuis le temps! Mais les choses s’arrangent: Alors que Napoléon avait envahi la Suisse pour mettre la main sur le trésor bernois afin de financer la campagne Egypte, il ne semble pas que la présidence actuelle envisage le même procéder pour financer son déficit abyssale.Quoique, les manières européennes actuelles laissent entendre que les poches profondes ont du soucis à se faire. L’avenir nous en dira plus…
    Pierre E. Michel
    Genève/ 02.04.12

  4. Posté par Thomas Jomini le

    Excellent article! Imaginons un seul instant Hollande faire l’apologie des fromages suisses, ce serait amusant?

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