Le document de fond de l’UDC prônant pour les maîtres du primaire un apprentissage au lieu d’un diplôme d’une Haute École Pédagogique n’est pas dépourvu de justesse…
. Loin de là ! En fait, devant le constat d’échec de notre école, constat que l’UDC met au compte de la formation des futurs maîtres, devant l’incapacité de leur apprendre à tenir la classe, le parti propose de soustraire cette formation trop lourde et trop théorique à trois dangers bien réels :
• D’abord, il s’agit de renoncer pour la formation des enseignants au système de Bologne qui vise une course quantitative aux crédits et qui permet d’obtenir un diplôme grâce à des points qu’il faut cumuler.
• Ensuite, il faut mettre l’accent sur le côté pratique du métier: la conduite de la classe doit être au cœur du système de formation, et non pas verser dans une formation théorique qui éloigne les maîtres de ce savoir-faire si important. Une formation trop théorique et pas assez pratique est nocive pour toute l’école.
• Enfin, les HEP endoctrinent les candidats au diplôme: socioconstructivisme et autres théories venues du fond des années soixante nuisent à une vision pragmatique du métier.
Il faut dire qu’à Genève, l’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) démultiplie les graves objections soulevées par l’UDC, d’autant que la formation s’y fait en 4 ans au lieu de 3 années dans les HEP, et qu’elle est encore plus théorique
Pour faire pièce à la réelle nocivité de ces idéologies, l’UDC propose une mesure radicale : former les futurs maîtres du primaire par la voie d’un apprentissage et l’obtention d’un CFC, et ainsi les subtiliser à la matrice nocive grâce à laquelle on les formate.
Depuis des années, je dénonce cette dégringolade de l’école vers l’insignifiance et l’idéologie qui l’accompagne, et dans plusieurs livres j’en ai analysé les causes. Il est heureux que les partis politiques qui comptent s’en emparent aujourd’hui. Je me réjouis du constat que l’inacceptable problème de notre école sorte aussi bien des cercles du café du commerce que de ceux des spécialistes. Cependant, je ne suis pas certain que la seule formation des maîtres, comme dit le document de l’UDC, soit la principale cause de l’échec de cette école. L’école est, en république démocratique, la caisse de résonance des grands problèmes de notre société, et sur elle confluent de multiples facteurs qui contribuent à ruiner son principe : recul de l’autorité, repli de la responsabilité parentale, mise de sa majesté l’élève au centre, pression des théories du new management, dévaluation de la chose écrite, obligation de réussite pour les élèves, jeunisme des adultes, soupçon que la culture est élitiste et autres farines de même genre, convergent sur l’école et la sape jusqu’à ses racines.
Quant à la proposition d’apprentissage d’enseignant, elle est une mesure qui va faire capoter ce projet ; la raison en est simple. Devant une certaine complexité de la vie, du monde et des connaissances, il est important de maîtriser un peu l’ampleur de la difficulté pour qui prétend enseigner la jeunesse. D’autre part, il est souvent nécessaire d’avoir soi-même les moyens théoriques de thématiser sa propre pratique, ne serait-ce que pour pouvoir la juger et l’améliorer.
La solution ne viendra pas de ce changement radical de paradigme voulue par l’UDC, mais à mon sens d’une volonté politique. Il faut voter pour des gens qui s’engagent à redonner à l’école sa mission première: transmettre des connaissances de base pas à pas, en faire découvrir l’importance et en mesurer clairement l’acquisition. Quant à la formation des maîtres, il faut impérativement l’alléger et lui redonner la juste proportion d’un outil au service d’une grande institution publique.
Enseignante primaire vaudoise diplômée en 1977, j’ai suivi 2 ans de classes de formation pédagogique, à la suite du gymnase (formation accélérée mi-pratique, mi-théorique pour cause de cruel manque d’enseignants). Entièrement d’accord avec M. Romain : on n’apprend pas à nager sur un tabouret ! Le “bain d’élèves” au quotidien, et pas à dose infinitésimale, est la seule manière d’être dans le juste, avec ensuite, et seulement après le vécu en classe, la théorie qui vous permet de soutenir votre comportement et les matières enseignées. Les formations actuelles que je qualifie de formation pour intellectuels tuent le côté spontané et logique de la relation d’autorité consentie qu’il y a lieu d’avoir avec les élèves. Il est urgent de corriger cela !
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les mesures proposées par l’UDC ne vise qu’une seule chose: diminuer le salaire des enseignants. Oui, ceux qui sont payés par l’Etat, ce machin que combat l’UDC.
Est-ce que vous avez des preuves de l’accusation grave que vous avancez, Monsieur Romain, lorsque vous dites: “Enfin, les HEP endoctrinent les candidats au diplôme: socioconstructivisme et autres théories venues du fond des années soixante nuisent à une vision pragmatique du métier.”
Réponse à M. Marchenoi, à la demande de Jean Romain:
Des études pédagogiques comme elles se faisaient avant l’IUFE ou les HEP
1ère année
– 50% de cours didactiques sur toutes les disciplines que le futur instituteur était appelé à enseigner…français, math, géographie, histoire, gymnastique, dessin, travaux manuels, chant, et même “écriture au tableau noir”(!), etc.
– 50% de remplacements à plein temps, avec prise en charge à 100% de la classe qui lui était confiée. Remplacements (souvent de longue durée) assortis de contrôles inopinés et fréquents effectués par une équipe d’inspecteurs en charge de rendre un jugement, le tout suivi d’un rapport écrit à signer par le candidat.
2ème année
Un important et nécessaire apport théorique qui consistait en une année universitaire en sciences de l’éducation et l’obtention d’une demi-licence.
Le calendrier universitaire de l’époque laissait de nombreuses semaines “libres”. Qu’à cela ne tienne, durant l’absence de cours, les candidats aux études pédagogiques devaient alors se tenir à disposition du “Service des remplacements” qui se chargeait de meubler ce temps libre.
3ème année
50% apprentissage des “techniques d’enseignement”. Sous le contrôle d’instituteurs formateurs chevronnés, les candidats étaient mis en situation réelle, face aux élèves d’une classe, et s’entraînaient à donner des leçons dans toutes les disciplines enseignées au primaire. S’en suivaient critiques et conseils.
50% stages de trois semaines dans une classe sous le contrôle de l’enseignant titulaire. Stages qui consistaient en
– une première semaine d’observation (enseignement du titulaire),
– une deuxième en collaboration avec le maître(50% d’enseignement pour l’un et l’autre) qui, bien sûr, prodiguait tous les conseils utiles.
– Une troisième semaine avec prise en charge totale à 100% de la classe (enseignement, corrections, évaluation, entretiens avec les parents, etc.)
S’en suivait le rapport de stage que le maître titulaire rédigeait alors.
Vous finissez par critiquer les mesures de l’UDC, c’est votre choix. Il n’empêche que j’ai un peu de peine à voir ce que vous vous proposez concrètement: un apprentissage c’est bien là l’allègement de la formation que vous prônez, ensuite, quant aux connaissances théoriques, je vous signale que le papier de l’UDC laisse une place à une ou deux demi journée par semaine pour des cours théoriques. Que proposez-vous donc concrètement? Etant moi-même en train de subir le lavage de cerveau radical d’une HEP, je serai curieux de savoir où sont vos solutions concrètes….Faut-il garder ce système insensé des crédits de Bologne? Système tellement stupide qu’il contribue à faire passer aux étudiants de douloureuses et inutiles heures sur des bancs d’école qu’on remplit avec du vide simplement pour satisfaire aux exigences de temps pour l’obtention des crédits ….