Le seuil du demi-million de nuitées de touristes chinois (y compris ceux de Hong Kong) pourrait être franchi pour la première fois en 2011. Selon Suisse-Tourisme, la Chine deviendrait le premier marché asiatique devant le Japon. Et ce n’est pas fini… Il existe actuellement plus d’un million de millionnaires (en dollars) dans l’ancien Empire du Milieu,
Selon le calendrier chinois, 2012 est l’Année du Dragon qui succède à l'Année du Lapin, mais ce pourrait être aussi l’Année de la Vache, suisse si possible ! Jamais les Chinois n’ont autant voyagé. Leurs destinations européennes préférées sont Paris, Londres, Francfort, Rome et Milan. Bientôt Zurich et Genève ? Partout où l’on peut faire du shopping, le hobby préféré du Chinois post-Mao : « Passer du temps à se prélasser dans un palace n’est pas leur tasse de thé. Ils veulent voyager utile et rapporter des objets du luxe à la maison.
Ils préféreront acheter Louis Vuitton ou Hermès que voyager en business-class et loger en 5 étoiles. Ils mangent parce qu’ils ont faim et non pour la cuisine gastronomique », résume Mme Wei Ching. Cette consultante originaire de Shanghai, mais établie en Suisse depuis 23 ans, possède la double nationalité suisse et chinoise. Son bureau lausannois H&W travaille notamment pour l’Office du tourisme vaudois (OTV).
Bon nombre de touristes chinois en Suisse sont encore invités par leur entreprise et il y a peu de touristes individuels, assure cette spécialiste du marché chinois en Suisse. Leur envie de voyage est restreinte par le problème des visas délivrés au compte-gouttes par les consulats helvétiques. Et de citer un cas récent : cinq clients de la Bank of China, à Genève désiraient se rendre dans une clinique lémanique pour y suivre des traitements.
Ils ont dû se rendre personnellement dans un consulat suisse éloigné de plusieurs milliers de kilomètre de leur domicile. Pour apprendre qu’ils devaient prendre rendez-vous pour une interview.
On leur demande de produire beaucoup de documents, dont une attestation bancaire certifiant qu’ils détiennent l’équivalent de 50'000 euros sur leur compte. Pour le visa Schengen, le touriste chinois doit rester plus longtemps dans sa destination européenne qu’en Suisse. Et si c’est un groupe de plus de 5 personnes, il doit passer par une agence et engager un guide. Mais les choses pourraient changer : « Il y a tellement de demande aujourd’hui que les agences exigent un mois d’attente. Pour l’instant, 80% des Chinois ne restent qu’une ou deux nuits en Suisse».
Un tiers du budget pour le shopping
Devenus les champions incontestés des voyages organisés et du shopping de luxe en Europe, les Chinois consacrent un tiers de leur budget à leurs achats : «J’ai vu l’un de mes clients acheter une montre à 160'000 francs, raconte le directeur d’un cinq étoiles lémanique. Le lendemain il est retourné en acheter une autre à la bijouterie.»
Le Chinois est un client idéal qui n’achète pas seulement pour lui, mais aussi pour ses connaissances. Mais il y a un « hic » pour les vendeurs de Blancpain, Breguet et autre Rolex, les magasins de Hongkong sont hors-taxes (contre 35% de taxes en Chine) et deviennent plus avantageux que ceux de la Bahnhofstrasse ou de St-François. Le yuan ou renminbi (RMB en abrégé ou «monnaie du peuple» avec ses billets qui portent toujours la figure du «Grand Timonier») a évolué à la baisse, parallèlement au dollar et à l’euro.
Pour Mme Wei Ching, le déclic s’est produit il y a trois ans avec l’essor fulgurant de l’économie chinoise: «Sur 1,3 milliards d’habitants, la Chine peut bien compter des dizaines de milliers de ressortissants très fortunés. Et cela ne se voit pas à leur visage ou leur habillement. Beaucoup d’entre eux sont des paysans qui ont fait fortune dans l’immobilier ou l’industrie,» remarque Mme Wei Ching.
Elle cite le cas d’une très grosse fortune chinoise venue récemment en Suisse qui a particulièrement réussi dans la production de poulet et qui emploie aujourd’hui quelque 15'000 personnes : «Il vit dans un petit village mais pourrait tout s’acheter. Cela n’a rien changé à sa manière de vivre, contrairement à sa fille qui est plus évoluée». Les milliardaires ont beau rouler carrosse, il leur arrive de cracher toujours par terre!
L’impressionnante croissance économique de la Chine fait surgir la classe moyenne la plus nombreuse de la planète. Pour la première fois dans l’histoire, 400 millions de Chinois avec un revenu moyen de 15 000 euros par an épargnent dans le but d’aller voir ce qu’il y a derrière la Grande muraille. Pour leur premier voyage, sept Chinois sur dix choisissent d’aller jeter un œil sur d’autres pays d’Asie. Mais 30 à 40% optent pour le Vieux-Continent. La politique d’ouverture de Pékin facilite les conditions de voyage à ses cols blancs en échange de leur soutien politique implicite. Ce sont des Chinois entre 30 et 45 ans, riches, urbains et diplômés, habitués à des conditions de vie élevées.
Montres et montagnes
Dix jours, c’est la durée moyenne annuelle des vacances du Chinois. Pas question de rester des semaines en Suisse, juste une incursion rapide pour faire une razzia sur les montres et photographier la cime du Titlis. Avec la Jungfrau - une montagne que l’on peut aisément traduire en mandarin -, le sommet des Alpes uranaises est leur cime de prédilection pour des raisons historiques : «Cela fait 20 ans que les offices de tourisme travaillent à la promotion de ces régions en Chine. Ils en récoltent les fruits, ce n’est pas encore le cas de Zermatt ou de la Suisse romande», commente Mme Wei Ching qui pense que les nouvelles générations vont être plus curieuses. Le calme et la propreté sont parmi les principaux atouts de la Suisse, même si les touristes chinois vont trouver le temps long au bout de quelques jours : «Il faut sans cesse leur proposer quelque chose: une promenade, la visite d’un musée ou une excursion en téléphérique ou en bateau...»
L'amour du thé
Concernant les goûts et les dégoûts des Chinois, la phobie du chiffre 4 – la prononciation correspond au mot «mort» - n’est plus à l’ordre du jour, assure la consultante. Mais si l’hôtelier peut donner une chambre avec le chiffre 8 – signe de prospérité – il lui fera plaisir : «Les Chinois ont une nette prédilection pour les grands halls d’hôtel, l’espace dans les chambres et le style baroque. Le style épuré des nouveaux hôtels-boutiques ne leur plaît pas trop. Il ne faut pas oublier la bouilloire pour chauffer de l’eau dans la chambre. Ils aiment bien les petits-déjeuners américains avec du salé et du chaud, ainsi que le service attentif et rapide. Contrairement aux palaces chinois où il y a un personnel abondant, le service en Suisse est plus lent. Mais si le sourire est là, ils seront ravis.» L’atout d’un palace comme le Beau-Rivage à Lausanne est d’avoir accueilli le président chinois Hu Jintao lors du G20 d’Evian en 2003. Les Chinois le savent et c'est pour eux une très bonne recommandation.
La Chine est sur le point de devenir le deuxième marché mondial pour les agences de voyages et supplantera les États-Unis dans quelques années. La hausse des revenus et l'envie de voyager sont telles que très bientôt 25 millions de Chinois partiront faire du tourisme pour la première fois de leur existence et ce la dans les dix prochaines années. Et 100 millions de touristes chinois sont attendus à travers le monde en 2020 contre 5,5 millions actuellement, assure une récente enquête du Figaro. Le tourisme chinois en Europe et en Suisse n’est certainement pas une flambée éphémère…
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