La presse de boulevard en a fait ses choux les plus gras. Le festival du Belluard a présenté jeudi dernier un spectacle impliquant des excréments humains. Analyse.
« Cunni, pipi et vomi sur scène », Le Matin s'en donnait à coeur joie dans son édition du 6 juillet dernier pour relater la prestation des “Performers” austro-néerlandais, Florentina Holzinger et Vincent Riebeek, 26 et 24 ans, délicieusement intitulé « KEIN APPLAUS FÜR SCHEISSE », soit, littéralement, « pas d’applaudissement pour de la merde », au festival du Belluard à Fribourg.
Le Matin ne s'est pas trompé, il en coûtait effectivement entre 15 et 20 francs, jeudi dernier, 5 juillet, pour voir ces deux jeunes artistes, entre autres politesses, se vomir et s'uriner dessus.
Ce genre de spectacle pose un problème à peine évoqué par le quotidien romand, celui de la légalité. Le fait de représenter des actes d'ordre sexuel avec des excréments humains est effectivement passible de poursuites d'office, contrairement à ce que pense Le Matin, et d'une peine d'emprisonnement de trois ans au plus si l'on en croit l'art. 197 al. 3 du code pénal; le même article et le même alinéa qui condamnent la pornographie pédophile.Or, s'il ne viendrait à personne l'idée de violer un enfant sur scène, il semble devenu tout à fait normal de célébrer la régression au stade scatologique et de tancer ensuite vertement quiconque ne voudrait pas "comprendre ».
Précisions
Avant de poursuivre et afin de couper court à un argument certainement vide de sens mais systématiquement opposé pour faire taire toute critique de la part des quelques béotiens qui n'auraient pas eu l'heur de voir leur conscience transcendée par les lumières de l'art, il convient de préciser ceci: Lesobservateurs.ch n'ont pas vu le spectacle et s'en félicitent. Une assistance à la représentation de jeudi dernier eût constitué une complicité d'acte délictuel qu'une rédaction digne de ce nom ne peut se permettre dans un état de droit. Rédaction qui, d'ailleurs, n'a d'autre vocation que de s'attacher aux faits, or ceux-ci ne sont pas contestés; le reste n'est qu'interprétation.
A titre d'exemple, un média artistique électronique, partenaire du festival du Belluard, se fendra d'une charge en règle, au lendemain de l'article du Matin, contre la manipulation des masses plébéiennes inéclairées avec des arguments symptomatiques du genre: « Il fallait voir le spectacle de jeudi soir pour pouvoir apprécier le décalage patent et délibéré existant entre le titre du spectacle et son contenu... Il cingle les clichés, détourne les attentes que son nom génère nécessairement. De l’art de la performance, il édulcore l’aspect transgressif en s’inscrivant dans le ludique. L’onirisme plane sur scène, emportant le public vers un ailleurs peuplé de ballades langoureuses et baigné dans un esthétisme eighties à souhait ». Ce même site tente d'atténuer le choc en prétendant voir un fluide « d’une texture blanche et laiteuse » en lieu et place d'urine; version qui ne résiste guère à l'exposé des faits ni aux images du spectacle diffusées par les artistes eux-mêmes.Une précision qui surprend, d'ailleurs, plutôt qu'elle ne rassure dans un contexte qui tend à démontrer qu'il n'y a rien de choquant dans le fait de s'adonner publiquement aux joies de l'ondinisme.
Une courte recherche sur internet fait encore état de prestations acrobatiques de piètre qualité sur fond de musique assourdissante, de chansons en anglais martelées avec un accent de fond de taverne bavaroise par une meneuse en costume de bain panthère, auxquelles viennent s'ajouter une nudité de circonstance et les quelques scènes dont les médias se sont déjà faits l'écho; ou comment ne pas se retrouver au chômage quand on a été recalé de l'école du cirque. En Belgique, le spectacle a été déconseillé aux moins de 18 ans, ce qui eût pu être, soit dit en passant, une idée pour le Belluard (1).
Financement
Derrière les discours creux et les attitudes compassées se cache une redoutable machine financière et un budget total dépassant les 900'000 francs (prestations gratuites non comprises) dont plus de 50% de fonds publics, pour une assistance de quelques 10'087 “visiteurs” sur neuf jours. Le terme de visiteurs est fort à propos ici puisque le festival incrémente le nombre de personnes ayant fréquenté le bar (2'946) et le restaurant (2'114) dans sa comptabilité. Or la forteresse du Belluard n'aura vu passer, spécifiquement, que 1'889 personnes pour 2'641 billets vendus. Ce qui fait un budget net de plus 340 francs par visiteurs ayant acquis un billet, dont plus de la moitié à charge de l'Etat.
Sur son site internet, le festival du Belluard classe ses différents sponsors en quatre catégories: 1. Partenaires principaux, 2. partenaires et sponsors, 3. partenaires média et 4. soutiens. Nous nous sommes intéressés exclusivement aux deux premières.
Partenaires principaux
Le premier des partenaires principaux, la Loterie romande, a déboursé la coquette somme de 220'000 francs, contre 150'000 pour le canton de Fribourg et 140'000 pour l'agglomération. La commune de Fribourg se défend de subventionner les artistes professionnels mais a mis l'ensemble des locaux à disposition gratuitement et offert, vraisemblablement, des prestations logistiques par l'intermédiaire de son édilité. Particulièrement sur la défensive depuis l'article du Matin, la section culturelle de l'Etat de Fribourg a tenu à préciser que sa subvention ne concernait que les créations et non les spectacles en tournée. A ce type d'argument l'on peut facilement rétorquer que, par un simple effet comptable, ce qui compense à un endroit, libère des fonds à un autre. Enfin, la maison Ilford a offert pour 2'000 francs de prestations photo, Migros pour-cent culturel et la fondation Ernst Göhner ont refusé de communiquer. Quant à Pro Helvetia, elle ne publie ses chiffres qu'en fin d'année, mais les 15'000 francs de subvention de l'année 2011 peuvent faire office d'indication.
A titre de comparaison, le festival de Musique sacrée de Fribourg, qui compte dépasser la barre des 5'000 billets vendus cette année (4'300 en 2010, il s'agit d'un festival bisannuel, pour des billets allant de 25 à 60 francs), a reçu 100'000 francs par an de la Loterie romande (soit 200'000 francs par festival), 19'000 du canton de Fribourg (soit 38'000 par festival) et 85'000 de l'agglomération (soit 170'000) et 4'000 francs de Pro Helvetia.
Partenaires et sponsors
Le Fonds culturel Sud a mis 7'000 francs, la fondation Stanley Thomas Johnson 5'000 francs et la fondation Edith Maryon 3'000 francs pour le projet de l'artiste Martin Schick. La maison Forme+Confort, à Fribourg, la fondation Nicati-de Luze, à Lausanne, l'ambassade de France à Berne, le Forum de la culture autrichien (österreichisches Kulturforum) et l'Université de Fribourg ont refusé de communiquer. L'Université de Fribourg a tenu à préciser que sa subvention ne provenait pas de fonds publics sans parvenir à nous faire comprendre par quel miracle un institut d'intérêt public pouvait disposer de semblables ressources. Le Forum de la culture autrichien a précisé réserver ses subventions aux jeunes artistes autrichiens, dont Florentina Holzinger fait partie en cette occurrence. La fondation Nestlé pour l'art, dont le logo figure pourtant sur le site du Belluard, a certifié ne pas avoir subventionné le festival cette année.
Frais de fonctionnement
Il va de soi que les artistes les plus provocants se font soudain d'une discrétion des plus sibyllines dès qu'il s'agit du montant de leurs émoluments, lesquels sont appelés à varier en fonction du potentiel financier du commanditaire, du nombre de spectateurs etc. Les artistes approchés par lesobservateurs.ch n'ont pas souhaité s'exprimer, nous n'avons pas insisté en ce que la chose n'est d'ailleurs pas particulièrement relevante.
De fait, il ne nous apparaît pas que la somme des 24 spectacles proposés par le festival du Belluard puisse requérir un investissement d'un million de francs suisses. Sans que la chose puisse être démontrée en aucune façon, la question d'une éventuelle balance excédentaire se fait jour et mérite d'être posée.
Au registre de l'organisation du festival proprement dit, le Belluard a pour habitude de fonctionner avec des bénévoles, 80 pour l'édition de cette année. Nous avons eu vent d'étudiants engagés, les mois précédents la manifestation, dont un se plaignant de la faiblesse de son salaire mais sans qu'aucun n'accepte de s'en ouvrir publiquement.
Le contact avec Mme Sally De Kunst (photo), directrice du festival du Belluard, fut une expérience assez éloignée de ce que l'on peut être en droit d'attendre de la part de personnes reprochant avec autant de régularité leur manque d'ouverture à certains de leurs interlocuteurs. La seule chose que Mme De Kunst nous ait autorisé à publier à son sujet est, nous citons: « Pas de commentaire ».
Ceci étant dit, nous ne pensons pas faillir à notre devoir de réserve en nous permettant de signaler à Mme de Kunst que des locutions telles que: « Si vous écrivez autre chose que: “Pas de commentaire”, là vous auriez des problèmes » et « c'est comment encore une fois votre nom ? ... Voilà, je vais me rappeler de votre nom », ne paraissent pas appropriées face à un média, aussi modeste soit-il, qui propose, en outre, de donner la parole pour “corriger” les exagérations éventuelles de ses confrères du Matin.
Accuser la presse d'être à l'origine d'un scandale paraît exagéré, surtout dans la mesure où elle s'est bornée, et nous parlons ici du Matin, à relater un fait objectif. Au cours de notre brève enquête nous n'avons pas rencontré de personne concernée au premier chef disposée à assumer jusqu'au bout les conséquences de la prétendue audace de jeudi dernier.
Intouchables
Sur son rapport de fin d'activité, les responsables du festival écrivent: « En parodiant jusqu’à l’extrême les poncifs de la performance, les deux artistes ont réussi le tour de force d’éviter le scandale au profit de la grâce ». On ne pouvait mieux se tromper, mais preuve est faite que le risque de l'éventualité d'un scandale s'est posé. On veut bien le scandale publicitaire mais l'on ne veut pas de ses suites.
Une chose est de réclamer le droit de se « retoxifier » et d'appeler à sortir de sa « zone de confort », une autre est de s'en remettre à de pauvres méthodes, d'une incompréhensible intransigeance et qui vont jusqu'à admettre l'usage de la menace, dès que quelqu'un tâche de faire exactement de même.
Ainsi l'impertinence en art ne serait pas un principe dont chacun peut user, mais l'apanage exclusif d'une minorité d'initiés qu'il serait interdit de critiquer ou de ne pas flatter.
(1) Contrairement à ce qui a pu être avancé dans les médias, aucun avertissement préalable n'a été émis, du moins à ce qu'il apparaît à la lecture du site ou du programme.
Félicitations pour votre chronique.
A quelque part, le contribuable fribourgeois que je suis, dénonce l’utilisation de fonds public pour soutenir un art découlant de pseudo-artistes dépravés, lesquels après la merde culturelle qu’ils offrent, n’ont plus que pour ultime ressource la vraie merde, le vomi, le pipi, toutes matières intrinsèquement plus nobles, car naturelles et biologiquement recyclables.
Les sponsors de cet art nauséabond, indigne, va droit dans le sens de l’underground général d’une culture en phase de perdition, résultat de cette sous-culture américaine concernant aussi bien la “musique”, l’habillement, les moeurs.
La ville de Fribourg, son université, la Loterie romande et autres soutiens. Et honte aux responsables du Festival du Belluard qui ne sont que des merdeux au sens littéral, méritant une interdiction de spectacle pour les cinq ans à venir. D’ailleurs, cette direction doit avoir le courage de s’expliquer, tout du moins de se désolidariser de cette orgie scato-ondiniste.
Fribourg mérite mieux. C’est un appel ferme à l’Autorité communale qui, sauf désapprobation totale envers ce genre de représentation, ferait honte à ses concitoyens.
BRAVO pour votre article! Je partage vos opinions et trouve scandaleux que de tels spectacles existent et soient financés par nos impôts.
Merci d’ouvrir les yeux à la population 🙂