Barack Obama vient de renouer avec deux des ennemis historiques de l’Amérique : Cuba et l’Iran. Pour le premier, son inscription sur la liste des Etats soutenant le terrorisme prêtait plutôt à sourire. Assurément, Cuba ne représentait plus une menace stratégique pour les Etats-Unis depuis la fin des années 80. Néanmoins, les administrations américaines successives entretenaient pieusement ce vestige de la Guerre froide en raison du poids électoral - non négligeable - des Cubains de Miami. Et si un accord intermédiaire vient d’être signé avec l’Iran, nous sommes loin d’une normalisation stabilisée. Annoncée pour la fin juin - et même si elle se concrétise -, celle-ci ne traitera pas pour autant l’épicentre de l’arc de crises proche et moyen-oriental, à savoir le conflit israélo-palestinien. Par conséquent, les postures de la Maison blanche suffisent-elles à produire une politique étrangère ?
A tout le moins, peut-on parler d’une doctrine Obama ? « Nous faisons des ouvertures, mais nous préservons toutes nos capacités », répondait dernièrement le président des Etats-Unis. Merci Monsieur de la Palice… on ne saurait mieux dire. Pour l’éditorialiste du Wall Street Journal Daniel Henninger, la doctrine Obama, « c’est parler doucement et porter un grand bâton sans la moindre intention de l’utiliser ». Mais encore ?
Depuis son fameux discours du Caire sur l’Islam[1] - destiné à tourner la page des attentats du 11 septembre 2001 et à améliorer les relations américaines avec les musulmans -, on ne peut pas dire que les résultats soient vraiment au rendez-vous. Benyamin Netanyahou est toujours au pouvoir. Il continue résolument à violer l’ensemble des résolutions des Nations unies sans être sanctionné en raison, notamment de la protection inconditionnelle de Washington. Il persiste à occuper militairement les territoires palestiniens, à construire des colonies illégales, à refuser l’idée même d’un Etat palestinien… en faisant un bras d’honneur à l’ensemble de la « communauté internationale »… Brillant !
Mais c’est au sujet de la crise yéménite que Barack Obama est le plus surprenant. Après avoir renoncé à une nouvelle guerre contre la Syrie, en signifiant, plus ou moins clairement, que les Etats-Unis ne devaient plus engager d’opérations militaires lourdes aux Proche et Moyen-Orient, le voilà cautionnant une armada saoudienne qui bombarde le pays de l’Arabie heureuse au petit bonheur la chance… Cette opération est d’autant plus absurde que ses conséquences - désastreuses pour la population civile -, favorisent in fine Al-Qaïda dans la péninsule arabique et d’autres factions salafo-jihadistes fortement implantées dans le sud du pays…
Dans ce contexte d’initiatives contradictoires et d’absence certaine de leadership au Moyen-Orient, la dernière avancée américaine la plus intéressante concerne, certainement la guerre civile syrienne : après la déclaration salutaire de l’envoyé spécial des Nations unies Staffa de Mistura - estimant que Bachar al-Assad fait partie de la solution ! -, la Maison Blanche s’est ralliée à ce constat réaliste pour enfin reconnaître qu’il faudrait reparler - tôt ou tard -, avec les autorités syriennes légales. Si, en juillet 2011, Barack Obama faisait chorus avec Messieurs Sarkozy et Cameron pour dire « Bachar dégage ! », il admet aujourd’hui que les choses ne sont pas si simples. La contagion régionale de la crise syro-irakienne nécessite une réelle prise en compte de la légitimité du gouvernement de Damas, tant pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays, que pour la protection des minorités alaouites, chrétiennes, kurdes et druzes… parties intégrantes d’un Etat-nation qui, justement, n’a pas envie de connaître le sort désastreux de l’Irak post-intervention anglo-américaine.
Malheureusement, son homologue français - obsédé à l’idée de remplacer l’Oncle Sam en Arabie saoudite -, n’est pas sur la même longueur d’onde. Dans le même temps, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius reconnaît armer la rébellion syrienne qui égorge les Chrétiens alors que son ambassadeur auprès des Nations unies à New York pousse un projet de résolution afin de protéger ces mêmes Chrétiens ! Comprenne qui pourra…
L’écrivain diplomate Jean-Christophe Rufin disait dernièrement : « à partir du moment où l’on a mis des humanitaires au ministère des Affaires étrangères et où l’on a fixé la morale comme critère unique de la diplomatie, on est entré dans une série d’actions profondément déstabilisatrices. C’est une pensée très américaine de chercher ainsi à catégoriser les gens entre gentils et méchants, c’est une vision morale du monde. Nous, dans notre tradition européenne, on analyse les forces, on prend en compte l’histoire, la géographie et les peuples. Kadhafi est un méchant, donc on l’enlève. Mais après, il se passe quoi ? Il est temps que les politiques et les diplomates respectent de nouveaux critères, plus réalistes, et non plus la seule morale humanitaire ». Bravo l’artiste !
Richard Labévière, 24 avril 2015
[1] Prononcé le 4 juin 2009 à l’université du Caire.
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