« Si l’on ne replace pas le conflit dans une perspective historique, on a l’impression que ce conflit a surgi de nulle part.»
Entretien avec Gilles-Emmanuel Jacquet (photo),politologue.
Par Guillaume Béguelin.
Comment appréhender la politique internationale faite de conflits d’intérêts, de luttes de pouvoirs, de jeux de puissances, mais aussi d’alliances, et d’amitiés entre états ? Peut-on se fier aux médias ? Comment évaluer correctement l’influence des facteurs géographiques, ethnolinguistiques et économiques dans les conflits ? Pour développer ce thème, j’ai sollicité Gilles-Emmanuel Jacquet, enseignant en Relations Internationales dans différentes universités privées à Genève (Geneva School of Diplomacy, UWG, UMEF), Kaboul (DIHE/UMEF) et reporter pour Pax Press Agency.
Q (Guillaume Béguelin): M. Jacquet, les analystes s’accordent pour distinguer deux grandes approches politiques, l’approche réaliste et l’approche idéaliste. Qu’est ce qui caractérise chacune d’entre elles ?
R (Gilles-Emmanuel Jacquet): L'analyse réaliste admet que les états servent avant tout leurs intérêts et se base principalement sur le caractère conflictuel des relations internationales. L'analyse idéaliste, elle, considère les choses « telles qu’elles devraient être » et compte dès lors d'avantage sur l’obéissance des états à des règles de Droit International.
L’analyse idéaliste a d’une certaine manière émergé durant l’entre deux guerres – bien qu’il y ait eu des penseurs précurseurs au cours de la période des Lumières comme Kant – en réaction au courant réaliste. Son père fondateur est le Président Wilson avec les fameux quatorze points. Après la première guerre mondiale, il apparut la nécessité de crée un sorte de forum international, la Société Des Nations ou Ligue des Nations. Son but, mettre fin à la guerre, à la diplomatie secrète et à certaines logiques d’alliances qui avaient justement mené au conflit. Certains événements comme l’invasion italienne de l’Éthiopie, l’invasion japonaise de la Mandchourie puis du reste de la Chine et d’une bonne partie de l’Asie durant la Seconde Guerre mondiale vont porter un coup à la pensée idéaliste. C’est l’incapacité de la SDN à établir des sanctions efficaces pour stopper l’Italie, le Japon et le réarmement allemand et la remilitarisation de la Rhénanie, qui va nuire à l’idée qu’un tel forum soit capable d’éviter les conflits. Le constat que nous arrivons malgré tout à la guerre et la Seconde Guerre mondiale va porter un coup aux idéalistes. Il faudra attendre 1945 pour voir une forme de retour à l’idéalisme la Conférence de San Francisco (précédée par la Charte de l’Atlantique de 1941) qui va mener à la création de l’ONU. Son objectif est d’éviter les guerres, d’avoir un forum multilatéral pour la diplomatie ouverte, la prévention et la résolution des conflits, cela par des moyens pacifiques et politiques.
Plus tard, la guerre froide va également porter un coup à l’approche idéaliste et va nettement redonner une certaine crédibilité à l’approche réaliste avec l’affrontement entre les grands blocs, la logique de puissance, les logiques d’alliances, d’équilibre des puissances qui sont des notions centrales dans l’approche réaliste.
Après 1991, lors de la chute de l’URSS et à la fin de la guerre froide souvenez-vous que J.Bush senior parlait d’un nouvel ordre mondial. Et certains idéalistes se disaient que nous arrivions peut-être enfin à ce moment de l’histoire où les idées libérales permettront d’établir un ordre international plus juste. C’est d’ailleurs la période de la guerre du Golfe où l’Union Soviétique ne s’était pas mis du côté de Saddam Hussein, mais des USA. Grande impression d’un retour à l’idéalisme. Mais ce n’était qu’un retour fugace. Car de 1991 jusqu’à 1999 on traverse une période plus confuse et dès 1999 avec l’accession de Poutine au pouvoir, la Russie va réaffirmer sa position internationale, et par là même, cela va susciter une réaction des USA, ce qui va générer une sorte de nouvelle guerre froide. Encore une fois, retour au réalisme : la sécurité, la suprématie, ou du moins l’influence, étendre sa sphère d’influence – aussi bien du point de vue américain que du point de vue russe – on a une approche réaliste. Donc on peut dire qu’il y a eu un retour en force du réalisme et qu’en fait l’idéalisme par contraste, lui, a eu des périodes où on a semblé le voir revenir sur le devant de la scène comme analyse pertinente voire même comme une école de pensée qui allaient structurer à nouveau les relations internationales, et pourtant, à chaque fois on a vu que les jeux de puissance classiques étaient toujours présents et sont revenus sur le devant de la scène.
Q : Comment appliqueriez-vous le filtre réaliste dans le cas du conflit Ukrainien ?
R : L’Ukraine a été l’enjeu d’une lutte et d’une rivalité, politique, économique et stratégique entre deux grandes puissances qui étaient celles de la guerre froide. La Fédération de Russie d’un côté et les États-Unis de l’autre. On peut regretter qu’il n’y ai pas eu de mise en perspective de la part des médias de ce conflit dans une approche historique longue. Habituellement, on a montré les militants de Pravy Sektor, avec des portraits de Stepan Bandera et des drapeaux aux bandes horizontales rouges et noires. Ici en Europe de l’ouest, peu de gens savent à quoi cela fait référence. Cela fait référence à la Seconde Guerre mondiale, à une histoire qui n’est pas immédiate mais qui a encore une influence. C’est pour cela qu’il est crucial de replacer le conflit ukrainien dans une perspective longue afin de pouvoir en comprendre les enjeux.
Alors, replaçons ce conflit dans une perspective historique, disons celle du 20e siecle et remontons à la Première Guerre mondiale lorsque l’Ukraine était déjà un enjeu majeur pour les Tsaristes, pour les Bolcheviques, pour les Puissances Centrales, c’est-à-dire les Austro-Hongrois, les Allemands, les Turcs et les Bulgares, ainsi que pour l’Europe de l’ouest et les pays de l’Entente en particulier, qui espéraient que l’Ukraine ne tombe pas sous la coupe des bolcheviques. Il y eu a cette époque un bref gouvernement indépendant. Simon Petlioura était président d’une république ukrainienne indépendante, cela a duré un court laps de temps de 1917 à 1920. Vous avez eu Pavlo Skoropadsky qui lui aussi avait son projet politique et occupa en 1918 la fonction de Hetman d’un jeune Etat ukrainien (le « Hetmanat ») sous protection allemande, vous aviez aussi les Bolcheviques qui avaient leur projet politique et les Polonais qui intervenaient afin de repousser les Bolcheviques qui étaient une menace pour la Pologne et qui en même temps voulaient faire de l’Ukraine une sorte de zone tampon sous influence les séparant de la Russie, que cette dernière soit impériale ou soviétique.
Souvenez-vous il y a eu aussi des relations entre l’Ukraine et la Pologne. Dans l’histoire de la Pologne si on remonte à l’Union Polono-Lituanienne puis à la Rzeczpospolita ou Union de Lublin de 1569 (République des Deux Nations durant jusqu’à 1791/1795), la Pologne allait jusqu’à la Mer Noire et une partie de l’Ukraine était incluse. C’est pour cela qu’aujourd’hui la Pologne est impliquée, d’une manière discrète, dans le conflit en Ukraine. D’une manière moins discrète aussi les médias polonais soutiennent ouvertement le gouvernement de Kiev. De même, durant la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine va être un enjeu pour l’Axe (3ème Reich, Italie, Hongrie, Roumanie) ainsi que pour l’URSS. Il y aura aussi durant cette période une période très trouble en Ukraine avec une sorte du guerre civile avec d’un côté les partisans procommunistes et de l’autre les membres de l’UPA et de l’OUN, respectivement l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne et l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens, avec des personnages comme Stepan Bandera et Roman Choukhevych (connu aussi sous son nom de guerre de Taras Tchouprynka) par exemple, qui ont été à la fois du côté des Allemands, et considéré comme un mouvement collaborateur, et en même temps aussi – ce qui est à la fois intéressant et complexe – contre les Allemands et les Soviétiques. D’ailleurs certains des leaders de l’UPA/OUN comme Bandera ont été déporté à Sachsenhausen en 1942. Au regard de cela on comprend mieux les slogans et les références de Pravy Sektor.
Q : Pensez-vous que la position géographique joue un rôle important ?
R : Parfaitement. Il faut rappeler qu’il n’y a jamais eu d’État Ukrainien jusqu’au 20è siècle. Il y avait au mieux des velléités indépendantistes ou autonomistes à certaines périodes et il y a même eu d’une certaine manière une culture ukrainienne, même si les Russes la nient. Il s’agit d’une certaine culture rurale, ou provinciale si on la regarde du point de vue russe. Concernant sa position géographique, l’Ukraine est aussi une zone de dispute parce que c’est une marche, autrement dit une zone tampon. Le terme « marche » un terme médiéval qui évoque une zones de contacts entre de grands ensembles géopolitiques, une zone tampon jouant le rôle d’une sorte de frontière et les pays qui ont été successeurs de ces marches sont des pays où il y a justement eu des conflits, avec des questions d’identité et d’influence régionale ou internationale.
Remarquons d’ailleurs qu’en ce qui concerne le nom « Ukraine » son étymologie et sa racine sont reliés à la notion de « marche » (kraïna : marche / frontière). L’Ukraine est donc une zone pour laquelle il y a eu des rivalités et pour laquelle les empires se sont battus et c’est ce qui explique en partie le conflit actuel. Il s’y trouve a une sorte d’identité fluctuante, ou identité complexe. En fait, il n’y a pas une identité ukrainienne, mais plutôt des identités ukrainiennes. Habituellement, on schématise de la manière suivante : il y a l’identité de l’Ukraine de l’ouest, celle de la Galicie, une région dont les habitants sont proches de la Pologne et qui a même compté dans le passé une forte population polonaise. La majorité de ces Polonais a été expulsé de cette région par les nationalistes ukrainiens durant la Seconde Guerre mondiale, lors des massacres en Galicie et en Volhynie (1942-1944). Il y a ensuite l’Ukraine centrale, Kiev, qu’on rattache souvent historiquement aux cosaques zaporogues. Et puis vous avez l’Ukraine de l’est, le Donbass notamment, la région historique des cosaques du Don. Il y a eu, il est vrai, des colons russes ou plutôt soviétiques envoyés durant la période de l’industrialisation stalinienne dans les mines du Donbass. Mais dites-vous aussique c’est une zone qui est proche de la Russie et qu’il n’y avait pas que des « colons », il y avait aussi tout simplement des gens sur place, des Ukrainiens ou des Donbassiens de souche – si j’ose m’exprimer ainsi – qui entretenaient des liens avec la Russie tout simplement parce que c’était le pays voisin avec lequel des relations, notamment culturelles, existaient. Les populations de l’Ukraine de l’est qui ont refusé les choix politiques de l’Ukraine de l’ouest, ont pensé qu’il n’était pas normal de couper les liens avec la Russie qui était un voisin et le plus gros partenaire commercial.
La Crimée est un autre cas, assez spécifique : terre des Tatares de Crimée, elle fut incorporée à l’Empire russe en vertu du traité de Iasi / Jassy en janvier 1792. L’Empire Ottoman avait perdu le Khanat vassal de Crimée suite à la guerre russo-turque (1768-1774). Sous le régime bolchévique, en 1921, la Crimée reçut le statut de République Socialiste Soviétique Autonome membre de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie (ou Russie Soviétique, elle-même membre à part entière de l’URSS) mais le perdit en 1944 lorsque les Tatars de la péninsule furent accusés par Staline de collaboration avec le IIIème Reich puis déportés. Ils ne seront réhabilités qu’en 1967 et entre temps, en 1954, la Crimée sera transférée à la République Socialiste Soviétique d’Ukraine par Nikita Khrouchtchev.
Sur une période historique plus courte, depuis les années 2000 vous constaterez qu’il y a eu un jeu constant de balancier entre les candidats pro-russes et les candidats pro-occidentaux au sein de la vie politique ukrainienne. En 2004-2005, lors de la Révolution Orange, l’élection de Viktor Yanukovitch est contestée, Viktor Iouchtchenko gagne, et en 2009, 2010, Iouchtchenko perd les élections, Timosheko aussi, et Yanukovitch revient. Chacun de ces candidats ainsi que de nombreux politiciens ukrainiens représentent un clan politico-économique lié plus ou moins à leur région d’origine. On retrouve aujourd’hui un cas de figure semblable avec des oligarques comme Igor Kolomoisky ou Rinat Akhmetov. La politique ukrainienne a été caractérisée dans les années 1990 et les années 2000 par une lutte entre oligarques, avec d’un côté certains jouant la carte russe quand cela les arrange et d’autres qui jouent la carte occidentale quand cela les arrange. Et n’allez pas vous imaginer que les oligarques pro-occidentaux sont plus honnêtes. La corruption est présente dans tous les camps.
Après 2009, il semble que l’Ukraine fait un revirement vers la Russie avec l’élection de Yanukovitch avant qu’un coup de balancier ne s’effectue en sens opposé en 2013 : les événements de Maïdan (ou Euromaïdan) avec les pro-occidentaux qui font à nouveau leur apparition puis des élections qui ne représentent que les Ukrainiens de l’ouest, ce qui provoquera évidemment des réactions à l’est. En Ukraine de l’est on est un peu plus nostalgique de l’Union Soviétique et voir le gouvernement de Kiev se tourner vers Washington ou Bruxelles est forcément vu comme quelque chose de négatif. On verra donc des émeutes semblables à celles de Kiev mais éclatant pour des motifs politiques opposés, puis Kiev qui envoie l’armée et des milices constituées des membres de certains partis politiques comme Pravi Sektor. La répression est si brutale qu’elle pousse de très nombreux habitants du Donbass à l’insurrection. Dans ce conflit, il est évident que la Russie réaffirme son indépendance face à l’Otan. Elle a équipé en partie les rebelles, notamment mais pas seulement avec du matériel anti-char, et une grande partie des rebelles sont des volontaires locaux désignés comme « pro-russes » dans les principaux médias.
Q : Au niveau des médias, y a-t-il des éléments de compréhension importants qui ne sont habituellement pas évoqués ?
R : Ce qu’on pourrait reprocher aux médias dits « mainstream » c’est de ne pas replacer les conflits dans une perspective historique. Je l’avais constaté en 2008 avec le conflit en Ossétie du sud. Les médias occidentaux ont parlé d’agression russe. Pour avoir eu des contacts sur place et des gens proches des deux côtés, à savoir du côté géorgien et sud-ossète, c’est bel et bien la Géorgie qui a agressé l’Ossétie du sud afin de reprendre le contrôle de ce territoire séparatiste. Les Ossètes se sont alors défendu. Puisque la plupart d’entre eux avaient des passeports russes, la Russie est intervenue. Il y avait un contingent de soldats russes remplissant une mission d’interposition et de maintien de la paix...un certain nombre d’entre eux ont été tués. Or, tous avaient des passeports russes. Et le Kremlin a donc réagit, ce qui est tout à fait logique. Moscou est donc intervenu et les médias ont parlé d’agression. La Russie aurait pu aller bien plus loin mais elle a stoppé ses troupes à la banlieue de Tbilissi. A l’époque, on a parlé d’impérialisme russe. On peut en discuter, il y a parfois, il est vrai, une forme d’impérialisme russe. Toutefois, là où les médias auraient du faire leur travail, c’était de placer le conflit Ossète et Géorgien dans une perspective d’une vingtaine d’années. Il fallait remonter à la chute de l’Union Soviétique. Ce qui s’est passé lorsque l’autonomie que les Géorgiens avaient concédée aux Ossètes fut révoquée par le gouvernement de Zviad Gamsakhurdia, le premier président de la Géorgie indépendante, qui était assez nationaliste.
« Si l’on ne replace pas le conflit dans une perspective historique, on a l’impression que ce conflit a surgi de nulle part. »
De 1991 à 1992 en Ossétie du sud et jusqu’en 1993 en Abkhazie, le déploiement de troupes géorgiennes fut suivi d’une répression, d’une guerre civile et enfin de bombardements massifs des localités d’Ossétie du sud et d’Abkhazie. A l’époque, il y a eu des crimes de guerre commis par les forces géorgiennes ou les éléments pro-géorgiens sur des civils ossètes comme à Kerfi par exemple. Et bien cela a été totalement occulté. Si l’on avait parlé de cela, cela aurait rendu un peu plus compréhensible la posture de l’Ossétie du sud ou en tout cas cela aurait expliqué les raisons de l’intervention russe. Voyez-vous, c’est un peu pareil en Syrie. Si l’on ne replace pas le conflit dans une perspective historique, on a l’impression que ce conflit a surgi de nulle part. Mais si l’on examine le contexte historique, on verra qu’il y a parfois des signes annonciateurs. Les médias occultent ou ignorent parfois également les aspects plus culturels et sociaux qui sont sous-jacents.
Ce que je reprocherais, finalement, est un manque d’analyse en profondeur. Une très bonne chose est de donner la parole à toutes les parties en conflit. Et cela les médias ne le font pas toujours, et c’est regrettable. Même si les réponses données par une partie en conflit sont déplaisantes, il faut tout de même y prêter attention. Bien souvent les médias ne montrent qu’un aspect du conflit, l’aspect qui les arrange, ou qui arrange le gouvernement du pays dans lequel ils se trouvent. Ensuite, les médias ne parlent presque jamais des problématiques religieuses ou ethnolinguistiques, ou quand ils en parlent, ils utilisent des raccourcis qui, au lieu de clarifier le problème, le rend encore plus trouble et plus complexe.
Q : Sur quelles sources fiables peut-on s’appuyer pour l’analyse d’un conflit ?
R : Je dirais premièrement la presse, et j’entends par là toute la presse nationale et internationale ou étrangère aussi bien écrite que télévisuelle. Regarder CNN, BBC, Al-Jazeera...ou lire le New York Times c’est bien mais c’est encore mieux de se pencher également sur ce que Russia Today, Xinhua ou Haaretz ont à dire, comment ils relatent certains événements qui ne sont pas toujours perçus de la même manière aux quatre coins du globe. Les rapports officiels gouvernementaux, de l’ONU ou de ses organes, d’ONG, la littérature universitaire sur un pays ou la littérature plus classique du pays en question sont également de précieuses sources...et là aussi il est toujours utile de garder un esprit critique. C’est en confrontant les points de vue que l’on va s’approcher le plus de la vérité ou du moins des faits. Et il ne faut pas avoir peur d’être critique avec les médias occidentaux. Il est vrai que dans certains pays peu ou non-démocratiques les médias sont sous contrôle mais il ne faut pas s’imaginer que les médias occidentaux sont totalement libres. Certains subissent des pressions politiques alors que d’autres soutiennent des intérêts politiques ou sont soutenus par ces derniers, et aussi, il arrive tout simplement que les médias fassent des erreurs, certaines involontaires et d’autres qui le sont bien moins. L’indépendance politique ou économique de la presse et des médias en général n’est pas une question nouvelle : Maupassant s’interrogeait déjà à ce sujet dans Bel-Ami vers la fin du XIXème siècle et plus récemment Serge Halimi y apportait une réponse très critique dans Les nouveaux chiens de garde. Pierre Carles s’est également penché sur cette question dans plusieurs de ses films documentaires comme « Pas vu pas pris », « La sociologie est un sport de combat », « Enfin pris » ou « Fin de concession ».
Si on le peut, il faut communiquer avec des gens venant du pays en question, et aussi – dans le cas d’un conflit – avec des gens soutenant différentes factions. C’est en recoupant les informations, en confrontant les points de vue qu’on s’approche le plus d’une analyse juste. La désinformation n’est pas que propre aux régimes dictatoriaux, aux opérations de propagande ou d’influence menées en temps de guerre mais elle été aussi mise en œuvre par des régimes démocratiques comme l’ont montré notamment Vladimir Volkoff dans ses ouvrages (Petite histoire de la désinformation ou Désinformation, flagrant délit) ou Noam Chomsky dans La fabrication du consentement.
Certains exemples sont restés célèbres, comme les faux charniers de Timisoara en décembre 1989 qui présentèrent des cadavres de la morgue municipale comme étant des victimes de la répression menée par la Securitate de Nicolae Ceausescu ou l’affaire des couveuses de Koweït City d’octobre 1990, basée sur le faux témoignage d’une fausse infirmière nommée « Nayirah » et qui accusait l’armée irakienne d’atrocités imaginaires commises sur des nourrissons...Cette fausse infirmière était en fait la fille de Saoud bin Nasir al-Sabah, l’ambassadeur koweïtien en poste à l’époque à Washington. Plus récemment on peut penser à la propagande de guerre menée par certains médias américains à l’aube de l’invasion de l’Irak en 2003 et les « preuves » de Colin Powell quant à la présence supposée d’armes de destruction massive en Irak ou à l’existence supposée de relations entre Al-Qaeda et Saddam Hussein.
D’autres sont moins célèbres comme dans le cas de la couverture médiatique du conflit en Ossétie du sud et en Géorgie en août 2008. Au cours d’une interview, le journaliste de Fox News Shepard Smith censura Amanda Kokoeva, une jeune fille de 12 ans, citoyenne américaine d’origine ossète, qui témoignait de ce qu’elle avait vu à Tsinkhvali où elle était venue rendre visite à des proches durant les vacances. Son témoignage accréditant la thèse d’une agression géorgienne fut censuré mais l’affaire ne fut pas étouffée et Russia Today en parla. Plus récemment et en lien avec le conflit touchant l’Ukraine, le sénateur républicain d’Oklahoma James Inhofe ainsi que de nombreux médias occidentaux ont utilisé des photographies datant du conflit de 2008 en Ossétie du sud et en Géorgie afin de tenter de démontrer une supposée invasion massive de l’Ukraine de l’est par les forces armées russes. C’est ce que Michel Collon appelle les « média-mensonges ».
Enfin il n’est pas inutile d’ajouter que la curiosité des citoyens, l’existence de médias alternatifs et de médias citoyens ou de « citoyens reporters » sont des éléments importants à notre époque. Wikileaks puis Edward Snowden ont représenté un réel bouleversement en rendant accessible un nombre considérable d’informations sensibles et en levant le voile sur la véritable conduite de la première superpuissance mondiale. Les personnalités telles que Bradley Manning, Julian Assange ou Edward Snowden et qu’on désigne en anglais sous le terme de « whistleblowers » ou la pratique de l’ « advocacy » jouent un rôle de plus en plus considérable et perçu souvent comme positif mais là aussi des intérêts politiques importants peuvent être présents et instrumentaliser en partie ou complètement certains de ces « lanceurs d’alerte » ou la défense d’une cause.
Q : L’énergie est indispensable pour être économiquement compétitif et faire fonctionner ses industries. Quel rôle joue-t-elle dans la répartition du pouvoir mondial ?
R : Le raccourci habituel consistant à parler de « guerre pour le pétrole » a un fond de vérité bien qu’il soit un peu réducteur et ne constitue pas l’unique enjeu ou prisme d’analyse. En tant que grandes puissances l’Union Européenne, les États-Unis ou la Chine, doivent éviter que leur approvisionnent en énergie soit perturbé sinon votre croissance sera perturbée ainsi que votre production et votre consommation, et cela aura une incidence sur la vie de tous les jours. Cela implique que votre position internationale peut être amoindrie ou réduite. Si on regarde les conflits récents on constate que l’énergie joue souvent un rôle. Si vous voulez assurer votre pré-éminence, ou votre croissance – indispensable selon le vocable libéral habituel – si vous voulez assurer un approvisionnement stable, continu, voire croissant, il faut que vous puissiez maîtriser ou contrôler les conditions de cet approvisionnement, l’extraction / production et le transport. Si vous êtes fourni par un État ami, très bien. Si vous êtes fourni par un gouvernement qui pourrait pour des raisons x ou y chuter et être remplacé par un autre gouvernement ayant une attitude plus inamicale voire hostile à votre égard, il va falloir commencer à agir de différentes manières. Par la diplomatie, par le renseignement, et au delà des outils d’influence classique vous avez le conflit.
« Si vous voulez assurer un approvisionnement en énergie stable, continu, voire croissant, il faut que vous puissiez maîtriser ou contrôler les conditions de cet approvisionnement. »
Dans le cas du conflit en Libye, il a été dit bien souvent par des sources assez crédibles, que le pétrole était un des principaux enjeux du conflit. Ziad Takieddine, marchand d’arme libanais bien connu a évoqué comment, en 2008-2009, lorsqu’il était le dirigeant de la North Global Oil & Gas Company, il participa à la signature d’un accord entre Total et la National Oil Corporation libyenne. Cet accord à 140 millions de dollars permit à Total d’exploiter le gisement pétrolier NC7. Le Qatar était également intéressé mais les autorités libyennes lui avaient opposé un refus net…qu’à cela ne tienne, le petit émirat du Golfe décida de racheter en catimini en 2009 une partie des droits d’exploitation de Total sur NC7, l’objet de leur convoitise. La manœuvre fut éventée et le « Guide » libyen menaça Total de révoquer l’accord de 2008. Crise franco-qataro-libyenne. Le Printemps Arabe se produit peu de temps après et se propage à la Libye, fournissant au Qatar une occasion de faire chuter le régime de Kadhafi et par conséquent de créer notamment les conditions favorables à un nouveau deal pétrolier. L’ensemble de cette affaire a été relatée de manière claire et crédible par le journaliste Patrick-Charles Messance dans son excellent reportage « Gaz et pétrole : guerres secrètes » diffusé en 2012 dans le cadre de l’émission Spécial Investigation. Les lanceurs d’alertes français de French Leaks ont aussi fait un très bon travail de recherche sur ce dossier et mis en ligne certains documents très intéressants.
Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani fit comprendre à ses amis français que s’ils s’impliquaient dans la crise libyenne, Total hériterait par la suite d’un pourcentage accru dans l’extraction pétrolière. Un accord fut passé entre le CNT (conseil national de transition) – le gouvernement provisoire des rebelles libyens – et le gouvernement français de Nicolas Sarkozy, promettant un accroissement de la participation de Total dans l’exploitation pétrolière de la Libye post-Kadhafi. Il y a eu une forte influence du Qatar qui était de plus en plus insatisfait de la politique pétrolière de Kadhafi et qui, ne pouvant intervenir lui-même, s’est rendu compte que d’autres pays ayant des intérêts énergétiques sur place comme la France, par exemple, pouvaient le faire à sa place. Dans ce cas on peut dire que la France a joué le rôle de fer de lance dans le conflit libyen du Qatar ainsi que des USA dont l’Africom a influencé l’OTAN dans la conduite des opérations.
Un des protagonistes de cette affaire trouble, Choukri Ghanem, l’ancien ministre du pétrole de Kadhafi et dirigeant de la National Oil Corporation, sera retrouvé assassiné à Vienne en avril 2012. A ce tableau déjà sombre s’ajoute aussi l’affaire du financement par Kadhafi de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007 à hauteur d’une vingtaine de millions de dollars dont un des témoins fut Moftah Missouri, un diplomate libyen. Il ne s’agit pas d’une quelconque théorie du complot dans la mesure où l’ensemble des médias…l’Express, le Monde, Mediapart ou France 2 dans un reportage diffusé en juin 2013 dans le cadre de l’émissionComplément d’Enquête…ont étayé solidement ces accusations.
Il y a eu le conflit en Irak en 2003 aussi, où le pétrole a joué une part importante. Il a été un des facteurs d’intervention du gouvernement américain. Le complexe militaro-industriel américain et les grandes compagnies américaines, notamment pétrolières étaient également de plus en plus insatisfaits de la politique énergétique du gouvernement irakien. Le gouvernement irakien était depuis plusieurs décennies une menace pour Israël, et pour d’autres États arabes de la région qui étaient proches des États-Unis comme l’Arabie Saoudite. On a su que les États-Unis ne sont pas intervenus pour trouver de prétendues armes de destruction massives mais, pour éliminer un dirigeant qui leur posait problème et aussi pour mettre la main sur les ressources du pays. Le fait d’intervenir dans un pays, mais aussi de rester sur place, cela a un coût financier énorme. Cela se chiffre en millions voire en milliards de dollars. Cela peut donc représenter un fardeau économique assez conséquent. A partir de là, vous allez quand même essayer de réfléchir à ce que vous pouvez faire pour que votre intervention soit économiquement viable, pour que vous y trouviez votre compte, un intérêt économique et financier. Et c’est ce qui s’est produit en Irak aussi. Les ressources jouent un rôle dans de nombreux conflits.
« Le fait d’intervenir dans un pays et d’y rester a un coût financier énorme. Ce qui représente un fardeau économique conséquent. A partir de là, vous allez réfléchir à ce que vous pouvez faire pour y trouvez un intérêt financier. »
Dans un autre registre il y a le cas de la République Démocratique du Congo, dont la Province Orientale et en particulier la région du Kivu, à l’est, est totalement pillée par des groupes armés dont certains sont soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, pour le coltan, les diamants, l’or, etc.. et cela sans que les États-Unis ne les en empêchent. L’Ouganda et le Rwanda sont des pays qui ont un soutien des États-Unis et qui sont pro-américains. Qui profite de ce coltan et de ces diamants ? L’Ouganda et le Rwanda les vendent, mais les destinataires finaux sont les industries diamantaires européennes et l’industrie « Hi-Tech » européenne, asiatique et américaine.
Lorsqu’on fait une analyse prospective portant sur un engagement militaire dans un pays, on se rend vite compte que cela engendre un coût. Et on ne considère pas uniquement l’aspect sécuritaire mais aussi l’aspect économique et social.
Pour en revenir à l’Afrique, elle est la première victime de la guerre des ressources qui a pris la forme d’une nouvelle « ruée vers l’Afrique » mettant en concurrence la France, les États-Unis et la Chine. Cette dernière a su s’imposer commercialement en Afrique sans avoir recours, contrairement aux Occidentaux, aux habituelles conditions politiques. C’est cette pénétration chinoise du continent africain et le nouveau rôle de puissance internationale de la Chine qui causent des soucis aux États-Unis sur le long terme. Ce facteur ainsi que la prolifération des mouvements djihadistes en Afrique et en particulier au Sahel va pousser Washington à s’impliquer de plus en plus. Les pays de la bande sahélienne, d’Afrique Centrale et de la région des Grands Lacs ne sont pas seulement instables ou chroniquement en conflit mais ils sont aussi riches en ressources énergétiques, minérales et matières premières. C’est aussi dans cette région que Washington a établi un réseau d’alliés (Sud Soudan, Rwanda, Ouganda). Le rapport de Dick Cheney sur la politique énergétique des États-Unis révélait déjà en 2001 le fait que le continent africain pourrait devenir un fournisseur de pétrole de haute qualité supplantant les pétromonarchies du Golfe.
Cette expansion américaine en Afrique a été longtemps freinée par le Colonel Kadhafi dont la politique diplomatique pan-africaine a réussi à convaincre l’écrasante majorité des dirigeants africains à refuser toute implantation de bases militaires américaines sur leur continent ; l’exception étant le Camp Lemonnier à Djibouti. L’Africom, le commandement militaire américain pour l’Afrique, a été ainsi forcé de s’installer à Stuttgart, ce qui rend un peu moins aisée la protection des intérêts américains sur le continent africain. La formation des troupes africaines partenaires de l’Africom et les opérations de lutte anti-terroriste permettent cependant à Washington d’assurer une présence militaire sur le terrain qui s’étend du Sénégal et de la Mauritanie jusqu’au Kenya et à la Tanzanie.
La présence militaire américaine en Afrique et dans la bande sahélienne va prendre un nouveau tournant en 2003 avec la capture de touristes allemands et autrichiens par un groupe armé mené par un certain Amari Saïfi, dit « Abderazak el Para » qui sera vite appelé « le Ben Laden du désert ». Dans la foulée Washington avait lancé en 2002 son Pan-Sahel Initiative, un programme d’assistance militaire qui regroupait le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie avant de devenir la Trans-Saharan Counterterrorism Initiative puis Trans-Saharan Counterterrorism Partnership…et de s’étendre à l’Algérie, au Maroc, à la Tunisie, à la Libye, au Nigéria et au Sénégal. Ce programme initié à l’origine par Donald Rumsfeld a été récupéré par l’Africom en 2008.
La France est une grande rivale locale des États-Unis de par son implantation historique et sa présence militaire consistant à lutter contre les groupes armés fondamentalistes comme le MUJAO, Ansar al-Dine ou AQMI et à protéger certains intérêts stratégiques touchant notamment aux ressources naturelles. L’intervention française au Mali – et dans une autre mesure en République Centrafricaine – a été un moyen pour Paris de réaffirmer sa position, de sécuriser ses intérêts stratégiques locaux et de stopper la poussée des djihadistes et des combattants touaregs vers le sud, car au-delà de la déstabilisation du Mali – une conséquence d’ailleurs du conflit libyen – se profilait celle de la région sahélienne toute entière puis des régions et pays limitrophes. La menace djihadiste fut efficacement repoussée mais non annihilée. Lors de la bataille de Konna en janvier 2013 qui opposa les forces franco-maliennes à Ansar al-Dine leur leader, Iyad Ag Ghali, put fuir avec de très nombreux combattants…ce qui laissa planer l’idée que le gouvernement français souhaitait ménager les rebelles touaregs en échange d’une contrepartie politique. Iyad Ag Ghali réapparaîtra d’ailleurs en octobre 2013 dans la libération des derniers otages français d’Arlit au Niger, des employés d’Areva enlevés en septembre 2010 par AQMI. Entre temps l’Armée française se sera attelée à lutter contre la menace djihadiste et à ménager en même temps les touaregs tout en s’efforçant de les amener à prendre de la distance avec les groupes armés fondamentalistes. Paris pousse Bamako à faire un geste envers les revendications des partisans touaregs de l’Azawad afin de stabiliser le nord du Mali et sécuriser les mines d’uranium d’Arlit et d’Imouraren au Niger. Enfin, il n’est pas inutile d’ajouter que le bassin de Taoudeni qui s’étend de la Mauritanie à l’Algérie en passant par le nord du Mali regorgent de pétrole, ce qui pourrait générer de nombreuses rivalités entre la Chine, les États-Unis et la France ainsi qu’entre les pays de la région…et les divers groupes armés djihadistes.
Q : Quel types d’alliance existent entre États et quels rôles jouent-elles ?
R : Il y a tout d’abord des alliances stratégiques à but militaire. Par exemple les alliances constituées dans le cadre de la Guerre Froide. Par exemple le Pacte de Varsovie. Il y avait aussi le Mouvement des Non-Alignés, qui était une alliance plus politique entre pays qui refusaient de choisir leur camp et qui trouvaient par là-même leur intérêt à rester dans une attitude relativement neutre. Des alliances peuvent se constituer parfois pour des motifs religieux (soutien des pétromonarchies du Golfe à l’Irak dans sa guerre contre l’Iran de 1980 à 1988), politiques, géopolitiques / géostratégiques ou idéologiques. Souvenez-vous par exemple des alliances de la Première Guerre Mondiale, qui furent constituées pour des raisons économiques, stratégiques et coloniales. Il y a les alliances plus récentes, à caractère religieux. Dans notre monde occidental ce n’est pas très fréquent à notre époque. Mais dans le monde musulman vous pouvez trouver des alliances qui s’effectuent en partie sur un critère confessionnel (soutien des pétromonarchies du Golfe et de la Turquie aux factions rebelles syriennes, soutien de l’Iran au gouvernement syrien).
Les alliances de la Première Guerre Mondiale ont été constituées pour des raisons économiques, stratégiques et coloniales. Dans le monde musulman, vous trouvez des alliances qui s’effectuent en partie sur un critère confessionnel.
Par exemple dans le conflit en Syrie et en Irak. On a du côté du soutien au régime syrien, l’Iran, le Hezbollah libanais, pour des raisons confessionnelles mais aussi stratégiques puisque le Hezbollah a besoin de son parrain syrien mais encore plus de son parrain iranien. L’Iran ne peut pas se permettre de perdre la Syrie qui est un allié ayant une position au Moyen Orient lui donnant une certaine profondeur stratégique…sur la méditerranée, au nord d’Israël et au sud de la Turquie. Vous avez ensuite l’autre bloc constitué de l’Arabie Saoudite et du Qatar dans lequel, bien qu’il soit un bloc sunnite, il y a des rivalités et de fortes divergences. D’une part, ils se disputent le leadership dans le Golfe, au Moyen Orient, dans le monde arabe et islamique. Le Qatar défend les Frères Musulmans qui ne sont plus en odeur de sainteté en Arabie Saoudite bien que les dernières déclarations de Saoud bin Faisal, Ministre des Affaires Etrangères du Royaume, aient affirmé le contraire. Souvent les alliances comportent plusieurs dimensions avec une dimension plus prééminente que les autres. Et ces alliances se créent par rapport à des facteurs culturels, économiques, stratégiques, religieux. Ce sont en général différents intérêts additionnés.
Q : On évoque parfois l’amitié entre deux pays. Qu’entend-t-on par là?
R : Pour prendre le cas de la Suisse et de la Russie il y a tout d’abord des intérêts économiques. Ensuite si l’on regarde dans une perspective historique on voit qu’il n’y a pas uniquement cela. Il y a des relations culturelles qui sont établies depuis longtemps. Les XIXème et XXème siècles sont des périodes on l’on a vu des liens forts s’établir entre la Russie et la Suisse. De nombreux artistes russes se sont installés ici. Par exemple le compositeur Stravinski est passé en Suisse. Son fils, qui était peintre y est resté jusqu’à la fin de sa vie. Il y a Dostoïevski qui est passé à Genève, sa fille d’ailleurs a été baptisée dans l’église Russe Orthodoxe de la Vielle Ville et enterrée au Cimetière des Rois. Il y a aussi Lénine qui a résidé en Suisse Alémanique et aussi à Genève. Et à l’inverse il y a des Suisses qui se sont expatriés en Russie. L’amiral François Lefort n’était évidemment pas amiral de la marine suisse mais amiral de la Marine Impériale Russe. Il était Genevois d’origine. Il y a également l’un des instituteurs de Lénine, Jacques Alexis Lambert qui était neuchâtelois. Des liens se sont tissés à travers tout cela. Et ces liens culturels dans l’Histoire peuvent parfois servir de facilitateurs. Et souvent lors des rencontres entre chefs d’États, on commémore toujours cette histoire des relations communes.
«…ces liens culturels dans l’Histoire peuvent parfois servir de facilitateurs… Néanmoins, nous sommes dans une époque du tout-économique et les affaires tendent à primer sur la culture. »
Nous sommes dans une époque du tout-économique. D’une économie stratégique et globalisée. Et les affairent tendent à primer sur la culture. Il arrive d’ailleurs que les relations commerciales mettent de côté certains différends. Par exemple : la plupart des États arabes sont relativement hostiles à Israël, à l’exception de l’Égypte et de la Jordanie. Les États du Golfe sont opposés à Israël, alors qu’en vérité il existe de forts intérêts économiques et commerciaux israéliens dans les pays du Golfe. Au Qatar, une partie de l’appareil sécuritaire a bénéficié des conseils de membres des services de sécurité israéliens. De même aux Émirats Arabes Unis. On va donc mettre de côté nos différends si les affaires fonctionnent. Les États-Unis ont vendu des armes durant la guerre Iran-Irak à leur allié irakien alors qu’Israël en a vendu à l’Iran, un ennemi mais en guerre contre l’Irak, qui représentait une plus grande menace pour l’État Hébreu.
Q : Quelles relations diplomatiques existent entre une démocratie et une dictature ?
R : On ne fait pas de grande distinction. Tant que l’on peut faire des affaires avec un régime dictatorial on en fait. Les affaires vont s’arrêter le jour où le pays n’est plus en odeur de sainteté pour une raison x ou y. Soit quand il y a un conflit interne, avec parfois une ingérence des grandes puissances. Par exemple les cas de la Libye et de la Syrie, qui étaient des régimes autoritaires. Après 2001, pendant la « guerre contre le terrorisme », on a mis de côté l’aspect dictatorial de la Libye et de la Syrie pour lutter contre Al-Qaeda mais aussi faire des affaires. Cet aspect là est revenu sur la table quand le conflit a éclaté dans chacun de ces pays et que les États-Unis ont pris fait et cause pour la rébellion. Dans ces deux cas c’est à ce moment que l’on a commencé à qualifier plus fréquemment ces pays de dictatures. Donc pour ce qui est des affaires cela ne pose aucun problème. La France a fait des affaires avec Kadhafi, qui a d’ailleurs été reçu en grandes pompes par le président Sarkozy. La Tunisie de Ben Ali c’était exactement pareil. Donc il y a là clairement de l’hypocrisie. Tant qu’une dictature ne commet pas des crimes massifs et de manière ouverte contre l’humanité, rien n’empêche les pays notamment occidentaux de faire des affaires avec de tels régimes, surtout s’ils possèdent ce dont nous avons besoin, ce que nous voulons acheter, s’ils sont de généreux investisseurs ou fournissent sur leur territoire un environnement d’affaires très favorable aux entreprises occidentales.
Q : Quels sont les moyens de prévenir les tentatives extérieures et intérieures de déstabilisation ? Dans le cas de la Turquie par exemple ?
R : Le renseignement, le contrôle policier de la population, et des moyens d’expression pour la répression menée par un État. Du côté de l’ « opposition » : les campagnes d’influence passant par les médias, des think tanks ou fondations, des ONG, parfois des ambassades ou des centres culturels, parfois des agents de renseignements de pays étrangers, certains mouvements politiques ou syndicaux locaux…la maîtrise de certains moyens de communication comme les médias et les réseaux sociaux…l’action de groupes non-violents inspirés par Gene Sharp et aussi parfois celle de groupes qui le sont nettement moins…assez souvent la focalisation de « l’opinion publique internationale » sur un événement dramatique à l’impact émotionnel fort…les « Révolutions Colorées » en Géorgie (2003), Ukraine (2004) et Kirghizstan (2005)…la Révolution du Cèdre en 2005 au Liban…précédées par la chute de Milosevic en Serbie en octobre 2000…ou le « Printemps Arabe » de 2010-2011 en sont de bons exemples récents.
Dans le cas de la Turquie, prenons les événements du parc Gezi à Istanbul en 2013, vous avez eu la gauche radicale turque, des sympathisants et militants de la cause kurde, mais aussi des nationalistes kémalistes, un ensemble à l’apparence hétéroclite et aux projets politiques parfois opposés mais partageant tous une approche laïque et étant tous opposés au gouvernement AKP. Ces opposants représentaient une bonne partie du spectre politique turc et le rejet d’un nouveau type de régime qui s’est progressivement et subtilement imposé…menant à l’émergence de ce que certains appellent une « démocratie illibérale » ou un « régime hybride », c’est-à-dire une démocratie autoritaire. Le gouvernement AKP ne tient pas que par un miracle économique qui a pu se produire dans le pays ou parce qu’il aurait simplement joué une carte religieuse qui plaît à une partie significative de la population turque. Il y a aussi eu le fait qu’à un moment donné le gouvernement turc de l’AKP s’est débarrassé de l’un de ses plus gros obstacles qui était l’establishment militaire. De nombreux officiers supérieurs de l’armée turque sont en prison, accusés d’avoir participé au pseudo complot « Ergenekon ». Un réseau qui aurait été mis en place dans les plus hauts niveaux de l’armée pour faire chuter le gouvernement AKP.
L’actualité de la Turquie montre qu’il y a une sorte de double visage. L’histoire turque ne commence pas avec la fin du Califat et Atatürk. L’histoire turque c’est avant tout l’Histoire Ottomane. Ce qui se passe à la chute du Califat avec les Kémalistes est une autre composante importante de l’Histoire et de la société turque. Il y a en Turquie deux principaux projets politiques qui se heurtent (si on met de côté la question kurde), et cela depuis des années. Il y a un retour de l’influence de la Turquie au Moyen Orient et la question de l’adhésion de la Turquie à l’Europe est devenue extrêmement secondaire pour le gouvernement AKP, et ceci pour des raisons politiques, stratégiques et religieuses. On a souvent parlé en Turquie de l’UE comme d’un « club chrétien » et j’imagine que pour l’AKP c’est toujours le cas. Depuis l’accession au pouvoir d’Erdogan, et notamment par le bais de son ministre des affaires étrangères puis premier ministre Ahmet Davutoglu, on a vu un retour de l’influence turque au moyen Orient, région où la Turquie n’était plus un acteur pré-imminent depuis la fin de la Première Guerre mondiale et de l’Empire Ottoman. Dans les pays arabes également, la Turquie est revenue en force. Elles est vue comme un modèle politique, religieux et économique alors que dans le passé elle suscitait de l’indifférence voire parfois de l’hostilité de la part des gouvernements arabes proches de l’URSS. La Turquie dispose d’un organisme qui s’appelle le Diyanet et qui sert à organiser et financer le culte musulman en Turquie mais aussi à étendre le modèle islamique turc à d’autres pays, notamment en présentant ce modèle comme un modèle plus modéré que ceux existant dans les pays du Golfe.
« Il y a en Turquie comme deux principaux projets politiques qui se heurtent, et cela depuis des années. Il y a l’influence de l’histoire Ottomane et les Kémalistes qui sont une autre composante importante de la société turque. Vous ne pouvez pas mettre de côté 500 ans d’histoire Ottomane »
L’un des paradoxes d’Atatürk est d’avoir voulu d’un côté éradiquer le passé Ottoman et d’un autre coté l’utiliser pour servir son projet de grandeur nationale turque. Et pendant longtemps on discernait d’un côté comme une vitrine – le coté pro-européen, atlantiste, moderniste, laïc – mais ce côté là est celui de la Turquie des villes, d’Istanbul, d’Ankara, la Turquie de certaines élites intellectuelles, voire même d’anciennes élites de l’époque ottomane qui n’étaient pas toujours de pure souche anatolienne ou turque si je puis m’exprimer ainsi. Il y avait des Juifs, des Arméniens, les Grecs Phanariotes, des Albanais, des Aroumains, etc. Les membres de ces communautés ont souvent joué le rôle de moteurs de la modernisation en Turquie. Et ce sont eux qui ont porté en partie le projet kémaliste et laïc ou l’ont du moins accueilli positivement. En même temps vous ne pouvez pas mettre de côté 500 ans d’histoire ottomane…ainsi que la Turquie rurale où la foi islamique est bien plus présente. Cette Turquie des campagnes a permis la victoire de l’AKP. Et bien que la Turquie vive sur ce paradoxe historico-politique, Kémalisme / Neo-Ottomanisme, force est de constater qu’Erdogan a réussi à faire de cela un instrument de puissance pour la Turquie et non de paralysie. La Turquie regarde nettement moins vers l’UE et ceci pour des raisons d’influence stratégique. Par le bais de la religion notamment, la Turquie a regagné un certain respect dans les pays arabes et plus généralement musulmans qui pouvaient être plus conservateurs. Et puis dites-vous bien que cette politique néo-ottomane ne revient pas seulement en force dans le monde arabe mais aussi dans toutes les anciennes régions de l’Empire Ottoman, en partie en Europe. Par exemple l’Albanie, la Bosnie, la Bulgarie, mais aussi l’Asie centrale et soviétique ainsi que l’Afghanistan, où la Turquie redéploie son influence.
Q : Peut-on dire que le monde vit toujours dans une guerre froide latente ?
R : On pensait, un peu comme Fukuyama, qu’après la Guerre Froide il y aurait une sorte de « new deal » stratégique et diplomatique mondial entre les États-Unis et la Russie. D’ailleurs il y a eu une forme d’accord stratégique. Avec le gouvernement Eltsine la Russie se rapprochait des canons libéraux tels que le souhaitaient les États-Unis. Puis Poutine vint au pourvoir, il réaffirma la grandeur de la Russie, ce qui pouvait forcément inquiéter les États-Unis. Mais en 2001, après le 11 septembre, la Russie a rejoint clairement et temporairement le camp américain dans la lutte contre le terrorisme. La Russie avait déjà été confrontée à ce problème en Tchétchénie dans le passé et encore maintenant dans une partie du Caucase. Il y a eu pendant un moment une sorte d’état de grâce dans les relations russo-américaines à partir de 2001. D’ailleurs Washington et les médias américains mirent de côté tout ce qui touchait à la problématique des Droits de l’Homme en Russie, de la situation dans le Caucase, etc…les griefs qui leur sont habituellement reprochés. Cet état de grâce a duré tant que certains intérêts géopolitiques de court terme ou immédiats convergeaient. Mais il y avait d’autres intérêts en rapport à des dynamiques plus profondes liées à l’évolution des rapports de force et aux orientations mondiales ou stratégiques choisies par les États-Unis et la Russie.
« Il y a eu pendant un moment après le 11 septembre 2001, une sorte d’état de grâce dans les relations russo-américaines. Cet état de grâce a duré tant que certains intérêts géopolitiques de court terme ou immédiats convergeaient. Mais il y avait d’autres intérêts en rapport à des dynamiques plus profondes et cet état de grâce a pris en partie fin avec l’invasion de l’Irak en 2003 »
Cet état de grâce a pris en partie fin avec l’invasion de l’Irak en 2003, lorsque la Russie s’est rendue compte que les États-Unis revenaient en quelque sorte à leur fondamentaux en menant une politique agressive. La Russie, aidée par une certaine popularité qu’elle avait dans certains pays arabes, ne pouvait pas cautionner cette invasion de l’Irak. A partir de là, les animosités ont repris. Puis on se rend compte qu’en 2004 avec la Révolution Orange en Ukraine, l’ancienne logique de guerre froide, de rivalité, de compétition entre les deux principales grandes puissances revint à la surface. Se produisirent ensuite les autres révolutions colorées. Il y a la révolution des Tulipes au Kirghizistan qui est un cas un peu particulier puisque là, les États-Unis et la Russie ont été pragmatiques et fait cause commune en s’entendant sur la chute d’Askar Akaïev et son remplacement par Kourmanbek Bakiev et Feliks Koulov. Il y a eu la Révolution des Roses en Géorgie avec Mikhaïl Saakachvili, clairement pro-américain. Et à partir de là on est revenu sur l’ancienne logique de confrontation dont la guerre en Ossétie du Sud et Géorgie en août 2008 fut un des moments forts.
Q : Selon vous, une Union Eurasienne pouvant remettre en cause le leadership américain pourrait-elle voir le jour ?
R : Il y a déjà une Union Eurasienne ou Union Économique Eurasiatique mais elle est limitée à la Russie et à ses alliés les plus proches, l’Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan et potentiellement le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
Dans l’état actuel il serait extrêmement difficile d’envisager une union eurasienne qui s’étendrait sur l’ensemble du territoire eurasien. Notamment si l’on considère le tropisme atlantiste de certains gouvernements en Europe de l’Ouest. Cependant, vous avez des mouvements et partis politiques, pas forcément radicaux, des souverainistes et nationalistes à la gauche anti-impérialiste, qui pensent qu’il serait bon de se rapprocher de la Russie. Pas pour accepter une domination russe, mais parce que nous sommes voisins de la Russie et afin d’établir une sorte de nouvelle Union Européenne Continentale. Souvenez-vous du projet de De Gaulle : « L’Europe, du Portugal à l’Oural ». Ou l’axe Paris-Berlin-Moscou comme l’appellent certains. Je pense que ce n’est pas par sentiment pro-Russe qu’il faut réfléchir à cela ou de manière émotionnelle. Mais simplement en pensant à l’idée d’indépendance politique, stratégique, économique, énergétique de l’Europe… ne plus dépendre des États-Unis et de leurs alliés du Golfe. Bien sûr, cela pourrait générer une certaine forme de dépendance envers la Russie, mais c’est un État voisin. On est toujours obligé de s’entendre avec son voisin. Par ailleurs, si l’on s’interroge au sujet d’une prise de distance envers les États-Unis, qui sont formellement nos alliés, premièrement on peut considérer leur attitude extrêmement inamicale à notre égard, lorsqu’ils nous espionnent avec le système Échelon. Ils espionnent également l’Allemagne.
« Si l’on s’interroge au sujet d’une prise de distance envers les États-Unis, qui sont formellement nos alliés, premièrement on peut considérer leur attitude extrêmement inamicale à notre égard, lorsqu’ils nous espionnent avec le système Échelon. Il serait difficile d’envisager une union eurasienne si l’on considère le tropisme atlantiste de certains gouvernements en Europe de l’Ouest. »
Lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo, il y avait un principe de collégialité qui devait être respecté lors de la conception et de la mise en œuvre des actions militaires. Tout le monde devait être prévenu de toute action militaire engagée par une des parties, que ce soit les États-Unis, la France ou un autre pays. Il se trouve que les États-Unis ont engagé des cibles sans en avertir leurs alliés alors que la France a toujours averti les Américains. Dans le cas de l’Ukraine, il est bien triste que l’Europe, au lieu de jouer les va-t-en guerre comme elle le fait face à la Russie, n’adopte pas une attitude plus neutre en disant que l’Union Européenne a pour priorité d’assurer la paix sur son continent. Assurer premièrement l’entente entre tous les peuples européens. Je rappelle qu’il n’y a pas que la problématique de l’Ukraine. Il y a d’autres conflits qui ne sont pas forcément armés ou qui n’aboutiront pas tous en conflit armé, mais qui posent de nombreux problèmes ou défis. Vous avez par ailleurs toujours une hostilité profonde entre la Russie et la Pologne, entre l’Ukraine et la Pologne également sur certaines questions. Il y a aussi des relations extrêmement tendues entre l’Albanie et l’ensemble de ses voisins, à l’exception du Kosovo. Il ne s’agit pas seulement de tension entre états, mais également de tensions entre minorités. Il y a aussi la question ethnique. C’est quelque chose d’insidieux à notre époque. Notre approche a parfois tendance à passer à la trappe ce genre de problématiques. L’Europe n’est pas une zone qui est entièrement pacifiée. Un rapprochement avec la Russie pourrait aider à la pacification de nombreux conflits ou tensions dont les enjeux relèvent autant de logiques locales que de logiques transnationales, internationales et géostratégiques. Et la première tâche de l’UE devrait être de résoudre les problèmes qui demeurent sur ses territoires sans pour autant abandonner la résolution de conflits hors de son territoire. Les conflits, qu’ils soient identitaires, ethnolinguistiques, confessionnels… affaiblissent l’Europe, ce qui n’est pas perçu négativement par certaines puissances concurrentes comme les États-Unis ou la Chine qui peuvent en tirer profit.
Q : Merci M. Jacquet pour cet entretien
R : Merci à vous M. Béguelin
Reproduction autorisée avec mention : Guillaume Béguelin
Analyses intéressantes mais teintées par un certain antilibéralisme qui nuit à la crédibilité de l’auteur – il est vrai que la passion pour la politique, donc la contrainte, s’accorde mal avec le souci de la liberté.
“ou votre croissance – indispensable selon le vocable libéral habituel “: Non, ce n’est pas un vocable libéral.
Le libéralisme n’a rien contre les indicateurs macro-économiques, PIB ou autres, mais récuse comme charlatanisme les politiques visant à piloter ces agrégats. Le libéralisme étudie l’action humaine (Von Mises) et pas les grands agrégats. Surtout quand, comme le PIB, il additionne la valeur ajoutée dans le scteur marchand à la dépense publique, ce qui est absolument grotesque et ne peut tromper que des benêts ou des individus qui se mettent un soin scrupuleux à se tenir loin de toute pensée économique.
La croissance relève donc du vocabulaire keynésien, c’est-à-dire du socialisme, de l’économie planifiée, du contraire du libéralisme. L’auteur, comme la plupart des étatistes, adresse à tort aux libéraux un reproche qui s’adresse à lui et à sa famille de pensée.
Merci tout de même !