À l’Université de Lausanne un projet appelé VolteFace a été lancé associant des chercheurs de toutes les facultés et les citoyens (?!?).
Il est introduit ainsi par sa cheftaine[1] Nelly Niwa, de l’Unité “Durabilité et campus” (sic) de cette université :
La transition énergétique consiste à consommer moins de ressources fossiles, à miser sur le renouvelable et à utiliser moins d’énergie, tout en maintenant une bonne qualité de vie. Cette idée ne se concrétise pourtant pas dans le réel. Pourquoi?
Dans le but de trouver des réponses, l’UNIL et Romande Énergie viennent de lancer «Volteface». «Nous allons nous concentrer sur les aspects sociaux, légaux, économiques et culturels de cette question, encore peu explorés. Contrairement au volet technologique, déjà bien traité».
En prémisse à une grand-messe qui s’est tenue le 2 février elle a présenté ce projet dans un entretien à la radio Suisse romande dans son émission Tribu du 21 janvier 2015.
On peut l’écouter sous : http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/tribu/6436125-tribu-du-21-01-2015.html
Le résultat est édifiant, effrayant aussi.
On est dans une technique de désinformation ou de propagande très bien rodée.
- Pas de mise en cause des prémisses.
La question primordiale du pourquoi n’est plus posée.
Le problème est situé chez les gens qui n’ont pas encore compris et les obstacles à enlever sur le chemin, qui, lui, est de toute manière juste en soi
(comment avancer vers le socialisme ? en faisant un grand bond en avant). - Le journaliste joue bien le faire valoir : il cite des critiques et les offre à son interlocutrice comme piste non de réfutation mais de renforcement de ses explications.
- Les bons points sont accordés, les comportements déviants relèvent de l’incompréhension (Japon redémarrant le nucléaire)
- Les anecdotes (associations, spontanéité) sont utilisées pour démontrer qu’il y a un mouvement de fond.
- On en est encore à se désoler pour celui qui n’a pas compris, on n’en est pas encore à le désigner comme un criminel (ça viendra).
- Les concepts techniques sont déclarés trop abstraits pour être abordables, il faut donc agir dans le socio-psycho.
- Long terme – court terme : mettre en avant des problèmes actuels plus concrets (p.ex. particules fines), même s’ils n’ont rien à voir avec le sujet. Ce type d’amalgame donnera du sens à l’action.
- Contradictions inhérentes aux individus : à dépasser (ça c’est vieux comme les révolutions)
- Traiter l’incertitude par la conviction plutôt que par l’humilité.
- Gouvernance (nouveau lexique : autre chose que les institutions actuelles) : à instaurer pour fédérer au plus haut niveau.
- Annoncer un débat ouvert, alors que 300 personnes ne débattront de rien (impossibilité spatio-émotiono-temporelle).
Il est donc vraisemblablement noyauté d’avance (à moins que 500 personnes n’y aillent ayant un avis clair que c’est la question du pourquoi qui doit être traitée, et qu’elle requière des compétences).
Que voici tout un programme d’éducation des masses, pouvant se résumer ainsi :
Le Lotus bleu a été publié en 1938. Admirable prémonition de Hergé.
Mémoire de vieux birne.
En 1968 j’étais, sans savoir pourquoi, le délégué de ma volée en génie chimique à l’EPUL. Une loi sur les EPF était en préparation à Berne (elle allait sceller la fédéralisation de l’école en EPFL). Bien sûr elle n’envisageait pas de participation de représentants étudiants aux Conseil des écoles et autres institutions de contrôle. Avec bonhomie vaudoise personne à Lausanne ne s’en était vraiment soucié, sauf un tout petit peu les gauchistes locaux, peu nombreux. On se réjouissait surtout d’un futur statut fédéral.
Mais à Zurich les mouvements protestataires avaient plus d’ampleur et surtout une organisation exemplaire. Ils vinrent remonter les bretelles des gauchistes lausannois. Il s’ensuit une grande réunion type « Assemblée Générale », pour « débattre » du sujet. Les soixante-huitards avaient instauré cela à la Sorbonne quelques mois avant.
Je m’y rendis avec la naïve impression que l’on allait essayer de comprendre de quoi il retournait et des options qui s’ouvraient.
Ça ne se passa pas ainsi.
Deux escogriffes suisse-allemands, parlant très bien le français malgré un fort accent, dominèrent l’assemblée, décrivant tous les maux qu’allait créer cette loi et exigeant de pouvoir participer à son élaboration. Aucune discussion sur le fond, ni sur les buts, seules les modalités de mise en route étaient présentées. Après un peu plus d’une heure il fallait terminer la réunion, car nous devions, sagement, aller aux cours ou aux labos. Il fut alors proposé une déclaration solennelle au nom des étudiants qui devait être adoptée à l’unanimité. Étant naïf et n’ayant honnêtement pas d’opinion sur le sujet je votais l’abstention en levant la main au moment indiqué. Je fus le seul sur une cinquantaine de participants, il n’y eu pas de vote contre, …et la déclaration fut publiée en prétendant avoir été prise à l’unanimité.
Volte Face me donne l’impression d’être du même acabit, professionnalisme et subventions accordées en plus.
On peut espérer que l’apéritif qui a suivi la grand-messe n’ait pas été accompagné de petits fours trop caloriques.
[1] Lorsque j’étais aux Louveteaux, stade gamin des boy-scouts, les responsables étaient des demoiselles appelées cheftaines. À mon avis ça sonne bien mieux que « cheffe » et ça rappelle des souvenirs positifs à propos de l’autorité naturelle féminine.
Auteur et source : Michel de Rougemont, http://blog.mr-int.ch/?p=1687
Bien sûr “Deux escogriffes suisse-allemands”, comme si il n’y en avait passez chez vous! Pour le reste vous, vous avez tout compris.
Ce qui que me rend perplexe c’est l’aspect national du débat! Jusqu’où va la nation? Est puis en plus il va falloir parler le suisse-allemand, déjà là un vrai défi pour de futurs académiciens!
Excellent!