A près d'un siècle de la naissance de l'impôt moderne en Suisse - d'abord passager, extraordinaire(1), puis fixé ad aeternam par la grâce d'un parti socialiste qui, non content d'en avoir fait un devoir légal, veut en faire aujourd'hui un devoir moral -, il convient de se poser la question interdite du bien-fondé, pour ne pas dire de la moralité, de l'imposition sur les personnes physiques, leurs revenus, leur fortune.
Héritée, pour l'ère contemporaine, de la Révolution et de l'occupant français - forcément -, l'idée d'un impôt direct pérenne(2) renaîtra des cendres de l'acte de Médiation dans la Constitution de 1878. Passée l'épaule du XXe siècle, le radicalisme nationalo-centriste trouvera son légitime héritier dans la démocratie socialiste, tous deux nourrissant la même vision d'une hégémonie nécessaire de l'Etat; vision qui germe, aujourd'hui encore, sur la même terre, à l'ombre du même pommier.
Ces deux branches du même arbre se sont données la réplique pendant plus d'un siècle pour parvenir au même résultat. C'est le concept d'opposition perpétuelle simulée développé par George Orwell dans son 1984. Le radicalisme, érigé en défenseur du capitalisme, s'est octroyé le monopole étatique des activités économiques, prétextant en défendre le principe devant un socialisme qui, en grande livrée de sauveur des masses opprimées par l'ogre capitaliste, s'est arrogé ce même monopole au nom d'un principe dévoyé de solidarité. Nous ne nions pas que l'un et l'autre camp aient pu compter des membres qui croyaient sincèrement en leurs revendications respectives, reste que chacun travaillait ardemment à la même cause de l'accroissement de la recette fiscale et, ce faisant, satisfaisait, l'un à son besoin de libéralisme, l'autre à celui d'étatisme providentiel. Cette orchestration d'une opposition fondamentale, cette mise en scène de la menace d'un camp sur l'autre, n'a jamais eu d'autre but que de ratisser au plus large et d'embrigader tout un chacun dans une lutte n'ayant d'autre résultat que d'ériger l'Etat au rang d'entité souveraine supérieure à l'individu. C'est ce principe qui explique l'universalité du pseudo clivage gauche-droite dans toutes les démocraties de modèle occidental, c'est ce principe aussi qui explique la surprenante alliance PLR-PS et, plus largement, de tout l'éventail parlementariste gauche-droite, contre la seule UDC.
Système
Ce système est presque parfait, la permissivité, et la marge, garantie par les radicaux, permettent aux acteurs économiques d'espérer encore pouvoir s'enrichir ("travailler plus pour gagner plus"). Un regain d'activité crée forcément plus de masse imposable et vient remplir les caisses de l'Etat. Ce regain ne peut se comprendre sans entorses aux entraves légales posées par les socialistes, lesquels auront beau jeu de réclamer plus de contraintes, soit plus de compensations par voie de taxes. C'est le sens de ce discours de plus en plus moralisé, scandé par ceux qui ont fait leur carrière aux cris de "il est interdit d'interdire", accompagné de manifestations d'indignations commandées au gré des derniers slogans à la mode. A cet égard, l'écologie aura été d'un grand renfort, qui aura grandement participé à la moralisation de l'horizon économique, créant un délit de péché contre la nature du fait d'activités commerciales polluantes; le tout débouchant inévitablement sur de nouvelles taxes et, par conséquent, de nouvelles rentrées. Et d'autres idéologies sont sur le rang pour atteindre au même effet. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces deux systèmes encouragent l'excès en ce qu'ils s'en nourrissent: le radicalisme a besoin des excès du socialisme pour justifier sa position et le socialisme, tout en croyant contenir ses exagérations, favorise en fait la course en avant de ceux qui souhaitent se "refaire" de ce que l'Etat leur prend. En fait, l'hyper-capitalisme, c'est la faute du socialisme, et vice-versa.
Le cercle est sans fin et, vous l'avez deviné, éminemment vicieux, qui, en ponctionnant la moindre des activités de l'homme, tient les individus dans une angoisse et un étau qui les forcent à courir sans cesse autour du globe pour se garantir l'assurance d'une subsistance. Cette érection de l'Etat en centre du pouvoir numéraire s'est faite au détriment de la liberté des hommes. Radicalisme et socialisme ont encore ceci en commun que l'indépendance de l'homme, gravée au fronton de tous leurs monuments, n'est pas strictement nécessaire, ni même souhaitable, dans la réalité. Ce qui explique l'usage croissant de lois d'exception, pressantes, de même nature que celles qui ont justifié, il y a près de cent ans, la création de l'impôt fédéral direct.
C'est pourquoi celui qui réfugie le fruit de son travail à l'étranger ne commet pas de faute, mais, au contraire, peut-être le dernier acte libre que permet le reliquat de souverainetés nationales que notre époque connaît encore. Car radicalisme et socialisme partagent encore le même désir de terminer la liberté des nations pour l'absorber dans la forme ultime d'un Etat qui dépasserait tous les hommes, sur toute la terre. Le même mondialisme pour deux courants qui se reprochent pourtant mutuellement l'un son internationalisme, l'autre sa soif de mondialisation. Celui qui s'évade, vote "avec ses pieds", comme l'on disait des ressortissants emmurés d'Europe de l'est, dit simplement son impuissance devant le verrouillage démocratique par voie de monopoles économique et médiatique de l'Etat, il dit encore sa volonté de ne pas financer la moindre lubie politicienne devant servir au maintien de cette guerre qu'il sait ne pouvoir que perdre. Le mur est tombé, oui mais dans quel sens ? Radicaux et socialistes ont déjà la solution, étendre le barbelé aux frontières de la terre. Ils feront une campagne, ils auront des affiches et ils appelleront ça "ouverture sur le monde", et vous serez enfermés.
(1) "Impôt de guerre" en 1916-1917, puis "nouvel impôt de guerre extraordinaire" de 1921 à 1932, puis "taxe de crise" de 1934 à 1940) et, enfin, "impôt de défense nationale", au "titre de sacrifice pour la défense nationale," à partir de 1941. Dernier prolongement en 2004, pour... 2020. Fiscalement, la Suisse est en guerre depuis 100 ans.
(2) Un impôt sur la fortune subsistera néanmoins partiellement dans certains cantons.
On pourrait donc, au nom de la moral, demander aux mafieux de payer des impôts?
@ la rédaction: merci pour votre proposition, mais mon action a lieu “sur le terrain” et non sur un site web. Mais n’ayez crainte, je vous rejoins sur le titre de votre article.
Intéressant article, à charge des partis “non-UDC”. Que pensez-vous d’un article sur le soutien inconditionnel de l’UDC aux subventions agricoles qui coûtent des milliards par an aux contribuables?
[La Rédaction: Et encore, s’il n’y avait que ça ! Mais on se réjouit de vous lire, la cause manque de bras, peut-être même qu’on publiera qui sait.]
Bravo pour ce texte rare, qui rappelle la nature cleptocrate de l’État, dont nous sommes devenus les esclaves, alors qu’il était censé être à notre service !