L’ancien Conseiller national du Canton du Jura, Dominique Baettig (UDC), affiche son opposition totale à l’intervention programmée des USA et de la France en Syrie. Dans un entretien qu’il m’a accordé ce mercredi il s’explique en détail sur les raisons de son combat contre « l’Impérialisme » américain.
Alimuddin Usmani : Dominique Baettig, les Etats-Unis et la France s'apprêtent à lancer une intervention militaire en Syrie. Quel est votre avis sur la crise syrienne?
Dominique Baettig : Comme citoyen d’un Etat-Nation (multiconfessionnel et parlant 4 langues nationales) souverain, pratiquant la démocratie directe de proximité et neutre, je ne puis que m’alarmer de l’avancée, sur un schéma d’ailleurs répétitif, de l’Empire culturel et financier américain. Celui-ci, sous le masque du « Bien » et du « Progrès » veut imposer par le « haut » (par exemple le groupe du Bilderberg d’influence supranationale et de réseau non démocratique) le modèle mondialisé de société multiculturelle, de nomadisme de grand remplacement des populations, de pseudo-démocratie par la Loi du Marché et la domination massive de grandes sociétés transnationales qui accaparent les ressources que l’Etat-Nation souverain rechigne à mettre à disposition.
Après l’Afghanistan, réduit au chaos et à la domination de chefs de guerre locaux et mafieux par la sainte alliance entre les islamistes et les compagnies multinationales, après le démantèlement de l’Etat yougoslave qui a créé de nombreux Etats faillis et sous tutelle, la guerre civile chronique, terroriste déclenchée en Irak en recourant à des mensonges grossiers ( c’est pour le triomphe du « Bien », on ne va quand même pas chipoter sur la vérité), l’anarchie imposée à l’Etat libyen avec l’aide d’authentiques démocraties comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, voici venir l’agression, planifiée de longue date, de l’Etat Nation souverain syrien. Ce type de conflit est à observer avec soin, comme matrice de toutes les futures agressions contre les entités (Etats, Nations) encore souveraines, non endettées, qui constituent un contrepoids multipolaire à l’Empire du « Bien » et ses Alliés.
L’usage de media-mensonges, le monopole de la propagande par l’image (hollywoodisme), le recours aux guerres civiles dynamisées par des groupes islamistes importés de toute la région et même d’au-delà, l’envoi de « contras » et de forces spéciales de pays limitrophes pour semer peur et chaos sont effrayants. Hors, l’Etat Nation syrien a plutôt bien résisté aux vagues d’assaut de ses ennemis et ce dernier veut punir le régime qui bénéficie du soutien passif ou actif de 70% de la population. Minorités chrétiennes, alaouites, laïcs, nationalistes panarabes, chiites, kurdes craignent la fin de la coexistence au sein de l’Etat-Nation et son remplacement par des zones communautaristes, des règlements de compte, l’imposition rigide de lois religieuses. Si la Syrie s’effondre, c’est le reste du monde multipolaire qui va suivre (Iran, Russie, Chine, Venezuela, etc…). Il est tragique que ce soit la gauche américaine avec son « Messie » Obama et la gauche française de posture moraliste, qui donnent le ton dans cette escalade guerrière en restant sourdes au bons sens populaire qui n’en veut pas.
- Que pensez-vous des "preuves" de l'utilisation de l'arme chimique par le gouvernement syrien avancées par les gouvernements américains et français pour justifier une intervention militaire?
Les « preuves » restent à démontrer de manière indépendante. Les précédents (Irak, Srebrenica, Libye) permettent de douter de la véracité des faits. L’ONU a pour mandat de vérifier l’utilisation de gaz de combat en Syrie mais ne doit pas répondre aux questions comme qui en a fait usage, avec quelle rationalité. Je ne vois pas l’Etat syrien, en pleine reconquête, se suicider en donnant à l’OTAN le prétexte à le punir. On est ici dans une guerre émotionnelle d’images et de sentiments indignés qui empêchent d’avoir le temps d’analyser les faits, les motivations, le mode opératoire. L’Urgence humanitaire justifie la guerre de renversement d’un Etat souverain qui résiste et dont l’économie ne s’est pas assez vite ouverte à l’Economie mondialisée et au capitalisme spéculatif.
- En février 2011 vous avez marqué votre opposition à la venue de George Bush en Suisse. Vous avez même appelé à son arrestation pour "crimes de guerre". Pensez-vous que le président américain actuel, Barack Obama, mérite également l'appellation de "criminel de guerre"?
Obama est un Bush « relooké » qui fait plus présentable. Mais sa politique est la même (assassinats par drones, usage d’espionnage massif, même de ses alliés, renversement par la ruse et la force de résistants à l’expansion de l’économie mondialisée et du Grand Marché, colonialisme culturel, pensée unique, pillage spéculatif et économique des pays émergents. Il utilise les rapports de force disproportionnés à l’aide de menaces, pressions intolérables (bancaires, sanctions) sur les petites nations qui résistent ou essaient, comme la Suisse d’ailleurs.
- Que pensez-vous du rôle joué par la diplomatie suisse dans le dossier syrien?
La diplomatie suisse n’est plus dans une ligne de neutralité stricte. Elle subit les pressions des USA, de l’Union européenne et de l’Otan et ne joue plus son rôle de médiateur. Elle applique les sanctions, soutient les rebelles, donne des armes juridiques favorisant la condamnation d’un Etat souverain qui résiste. C’est triste de voir l’alignement rampant sur le camp de la Puissance unique.
- Le député européen et membre du Front National, Bruno Gollnisch, a comparé la volonté de "punir" Bachar El-Assad à celle de la volonté de l'Empire austro-hongrois de "punir" la Serbie pour l'attentat de Sarajevo en 1914 qui a abouti au déclenchement de la Première Guerre Mondiale. Croyez-vous au risque de Troisième Guerre Mondiale à cause de la crise syrienne?
On veut punir Bachar El-Assad parce qu’il résiste et que ses alliés ne se couchent pas. La troisième guerre mondiale est déjà engagée, depuis des années. Y aura-t-il une escalade brutale ? J’espère comme patriote, démocrate et partisan de la neutralité qu’un contrepoids, un contre-pouvoir politique fort et déterminé empêchera l’Empire de poursuivre son œuvre de destruction et de chaos.
Interview: Alimuddin Usmani
Excellent article. Il y a tout de même encore des gens intelligents, moraux et courageux, également dans notre pays…
Pour moi, trop de rhétorique “l’Etat-Nation souverain”, au 21e siècle on ne parle plus de la souveraineté illimitée, surtôt si on aborde la question de crimes contre l’humanité commis par “l’Etat-Nation souverain” contre sa population.
Très bon article! Mais je suis toujours pour une intervention humanitaire en Syrie avec un mandat de l’ONU. Elle devrait être similaire qui celle qui avait lieu en Lybie, mais cette fois elle doit être mené vraiment d’une manière neutre et ne pas soutenir les rebelles unilatéralement, ce qui a mécontenté surtout les russes qui ont bloqué toute résolution au sein d l’ONU pour aider au(x) peuple(s) Syriens. Ains le recours à la force ne doit être permis seulement pour protéger la population civile et ne pas pour atteindre des objectifs politiques favorables.
Enfin un homme politique qui dénonce les dessous de la politique avec à son apogée le groupe bilderberg. Merci
Oui entièrement d’accord! Le Conseil Fédéral devrait être attaqué en justice pour ne pas respecter une neutralité intégrale sans faille… il n’est plus crédible ! Tous les médias veulent former l’opinion publique au lieu d’informer et laisser l’auditeur/lecteur se faire son opinion.
Article très intéressant. Merci
Tout est dit, ou presque… Car je ne crois pas qu’Obama soit le sommet de la pyramide. Au dessus de lui agit une oligarchie qui se prend pour le messie du monde. En France, nous n’avons pas le droit de la nommer. Si par malheur nous osons une question sur le sujet, l’accusation d’antisémitisme tombe avant même que nous ayons fini notre phrase. C’est l’omerta. La presse ne joue plus depuis longtemps son rôle de contre pouvoir, elle est l’émanation de ce pouvoir. Nous subissons une propagande continuelle, abjecte, qui tente et ose tout pour “formater” nos esprits. Par je ne sais quel miracle, je me rends compte que les gens résistent tout de même à ce lavage de cerveau. Nos pseudo-élites, et leurs pseudo-experts n’ont aucune crédibilité, malgré leur omniprésence dans les médias. Il est clair que cette histoire de “droits de l’homme” ou encore de “démocratie universelle” qu’il faut imposer au monde par la guerre et le chaos généralisé est le cache-sexe des ambitions de domination du monde par cette élite cosmopolite et apatride. Tout le reste en découle. Tartuffe !
Très bon article clair et bien écrit qui m est en évidence la complexité de l affaire syrienne et de toutes les répercutions qui en découlent. Merci
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet excellent article.
De plus en plus de citoyens ouvrent les yeux sur ce qu’il se passe dans le monde et grâce à des élus comme M. Baettig qui osent poser les questions qui fâchent et pointer du doigts les inconsistances et incohérences de la politique américaine et européenne, la voie est ouverte à la prise de conscience des citoyens et à la reprise de contrôle de la politique par le peuple et non l’inverse.
Finalement sur la question de fond, je suis contre une intervention américaine en Syrie pour les raisons articulées au-dessus (i.e. les précédents). Tout comme pour les russes, il me semble que les Etats-Unis et l’UE ont perdu une majeur partie de leur crédibilité en tant que garant du respect des droits de l’Homme après l’intervention en Libye. Cette dernière n’a fait que confirmer que l’éthique et le droit humanitaire n’avaient aucune place face à l’enjeu qui est en court à l’heure ou l’Occident est en perte de vitesse. D’autant plus que les risques d’embrasement dans la régions sont accrus et que les conséquences pourraient être catastrophiques.
J’aurais jamais cru dire ça un jour, mais je suis assez d’accord avec M. Dominique Baettig. C’est la 1ere fois que je suis en accord avec un politicien de l’UDC. Il faut dire que d’habitude avec nos amis de l’UDC le débât ne vole pas très haut.
En tout cas, bonne analyse de M. Baettig
Bonjour,
J’ai appris plein de choses en lisant cet entretien et je trouve dommage que la Suisse se plie aux pressions des USA, de L’UE et de l’Otan.
Merci pour ce partage et bravo pour les questions posées.
Astrid
Bonjour,
A nouveau de bonnes questions posées à M. Baettig. Je ne savais pas que la diplomatie suisse n’est plus dans une ligne de neutralité stricte et qu’elle subit les pressions des USA, de l’Union européenne et de l’Otan et ne joue plus son rôle de médiateur.
Un très bel article avec un avis clair de M. Baettig
Tiens, un élu de droite qui a compris une partie des enjeux et problèmes du système économique mondialiste actuel… comme quoi on peut toujours être surpris en bien.
Effectivement la 3ème guerre mondiale a déjà bien commencé et elle est économique. Tenter de résister avec les règles du jeu de ceux qui l’ont initié est évidemment suicidaire et plus on s’y pliera, plus on perdra. Il faut changer de règles, sortir un peu de ce système par des mesures démocratiques fortes, telles que la réappropriation de la création monétaire par la démocratie, l’instauration d’un revenu de base inconditionnel ou d’autres mesures qui permettent de court-circuiter les problèmes que génère une économie mondialiste orientée sur le seul profit des actionnaires.
M. Baettig a raison de dire que la Suisse ferait bien de ne pas s’aligner sur ces décisions tragiques et plutôt oeuvrer pour maintenir un équilibre démocratique entre toutes les nations.
Face au Nobel de la Paix Obama, mieux vaut en effet tout faire pour maintenir les Etats-Unis à distance des affaires internes des autres pays.
Il est quand même étonnant qu’on n’utilise pas toute la diplomatie possible, une commission d’enquête indépendante de l’ONU mais avec des objectifs pertinents et les sanctions diplomatique et économiques si nécessaires pour rétablir l’ordre plutôt que d’envoyer l’armée et se préparer à une coûteuse guerre. Evidemment il faudrait être naïf dans ces conditions pour croire que la paix est l’objectif du boucher de la maison blanche et de son acolyte Flanby 1er. Dans ces conditions il me semble que cela relève de la responsabilité des citoyennes et citoyens de ces pays de remplacer leurs élus. On a bien applaudi les égyptiens pour ça, non?