“Libres !”, La Main Invisible (3/6): « Mes enfants, notre avenir »

Francis Richard
Resp. Ressources humaines
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La troisième partie de Libres ! est consacrée principalement à l’Education nationale française, qui se caractérise par de petits résultats au regard des gros moyens mis en œuvre.

Alexis de Tocqueville, dans La démocratie en Amérique, avait anticipé la mise sous tutelle de la population française par l'Etat, destinée à la « fixer irrévocablement dans l'enfance ». Il pensait que le dernier refuge de la liberté serait le cercle familial.

Tocqueville n'imaginait pas que ce cercle familial lui-même serait investi et que les enfants deviendraient des étrangers pour leurs parents, qu'ils seraient « éduqués par des fonctionnaires et retirés à [leurs] soins au nom du sacro-saint principe de précaution »:

« La famille, déresponsabilisée à outrance par l'institution scolaire, des services sociaux, voire même du planning familial, des psychologues, des magistrats et j'en passe, est niée dans sa fonction institutionnelle de base auprès de l'enfant. Elle ne saurait, en tout cas, imposer des choix contraires à ceux des institutions publiques. Il est même devenu indiqué de faire des enfants les éducateurs de leurs propres parents quitte à les dénoncer au cas où les « droits de l'enfant » ne seraient pas respectés. » (Xavier Collet, Dérives familiales de l'Etat-providence).

Le contributeur est gentil, me semble-t-il, quand il parle de dérives familiales de l'Etat-providence. N'est-ce pas une caractéristique des Etats totalitaires que de vouloir formater les enfants contre le gré de leurs parents? La méthode douce a certes remplacé la manière forte, mais le résultat est le même: il s'agit de fabriquer de bons citoyens, dociles et, dorénavant, assistés... Ce qui, heureusement, commence à susciter quelques résistances:

« De quelque bord qu'ils soient, ceux qui résistent accordent plus de prix à l'amour de leur enfant qu'à la drogue du conditionnement social. Fasse alors que ce soit dans la persécution de la famille que l'Etat-providence ait commis son Pearl Harbor. » (Xavier Collet, Les dérives familiales de l'Etat-providence).

En attendant que les résistances s'organisent, il est nécessaire de dresser un constat:

« Autant la gestion matérielle est relativement décentralisée [« Les communes gèrent les écoles primaires, les départements les collèges et les régions les lycées »], autant le cœur de l'éducation reste fortement centralisé: méthodes, programmes et ressources humaines. L'idéologie égalitariste, influente dans la société française, impose que l'enseignement soit exactement le même d'un bout à l'autre de la France, pour prétendre donner à chacun la même chance de réussir. S'adapter et expérimenter en fonction de chacun? Il faut juste donner l'illusion au peuple qu'il n'y a pas d'inégalité de traitement. » (Thibaud Denolle, Rôle de l'éducation).

Toute concurrence en matière éducative est bannie. Pourtant:

« La concurrence a toujours tiré la qualité vers le haut et les prix vers le bas. Rien ne montre que ce serait différent dans ce secteur. » (Thibaud Denolle, Rôle de l'éducation).

Mais cherche-t-on de la qualité et des prix bas ?

Il est possible que le monopole des savoirs, qui se trouve aujourd'hui entre les mains de l'Etat français, finisse par être ébranlé par les nouvelles technologies:

« Les technologies numériques sont en train de bouleverser notre paysage culturel en même temps que les conditions d'apprentissage. On dit souvent qu'elles le font d'une manière aussi profonde et radicale qu'au XVe siècle l'invention de l'imprimerie. Soulignons que leur impact n'est pas d'une nature très différente, puisqu'ils consistent à permettre un accès plus direct aux savoirs. Les dispositifs d'apprentissage et de formation tout au long de la vie contredisent l'exigence normative de programmes et concours nationaux dont les jours sont comptés. » (Christian Jacomino, La curiosité, l'excellence et le plaisir).

Certes. Mais encore faut-il que les enfants apprennent le discernement et qu'ils reçoivent une éducation aux libertés:

« Se défaire du clan, des préjugés, des œillères idéologiques, passe par une solide initiation aux sciences et à l'économie, à travers la liberté d'entreprendre, mais aussi par une ouverture à l'Histoire, aux littératures et philosophies, aux langues et aux arts, grâce auxquelles la formation d'une personnalité, d'une culture et des compétences pourra atteindre le maximum des potentialités de chacun et contribuer à la création de richesses, du bonheur, dans le cadre d'un nécessaire état de droit libéral partagé. » (Thierry Guinhut, Pour une éducation libérale).

« Cours magistral » ou « éducation mutuelle du maître et de l'élève » ? Le meilleur moyen de les départager (l'un n'est d'ailleurs pas nécessairement incompatible avec l'autre) serait de les mettre en concurrence. Ce que le chèque éducation permettrait.

Le monopole de l'Etat ne s'exerce pas seulement sur l'école française, mais également sur les universités françaises et la recherche française, avec le CNRS et l'INSERM, ces « monstres bureaucratiques en grande partie déconnectés de l'Université »:

« Une réelle libération de notre système de recherche et d'enseignement supérieur devrait englober à la fois la refonte des universités publiques et la suppression des dispositions légales entravant la création d'universités libres. La loi de 2007 relative à l'autonomie des universités n'est qu'un trompe-l’œil: les universités devraient devenir des établissements réellement indépendants, libres de gérer sans pilotage ministériel un capital, un budget, une politique d'enseignement et de recherche. » (Guillaume Varès, Se réapproprier la recherche).

Au lieu de se satisfaire du statu quo, les Français feraient bien de regarder ce qui se fait à l'étranger et qui réussit, tels les fonds de dotations universitaires aux Etats-Unis ou la création ex nihilo d'universités libres au Royaume-Uni, qui y favorisent autrement mieux le développement des sciences et du savoir.

Enfin il est un domaine du savoir où la France est vraiment mal lotie, sans doute parce qu'elle a succombé à l'idéologie qui lui cache la réalité. C'est celui de l'économie:

« La France est probablement le seul pays au monde où l'enseignement de la science économique, du lycée à l'université, fait polémique. La rédaction des manuels d'économie fait l'objet de discussion au sens où ils présentent tous une vision largement orientée de l'économie et de l'entreprise où la lutte des classes est omniprésente. Dans cette vue, l'entreprise est plus un lieu d'exploitation du travail qu'un instrument de création de richesse tandis que patrons et actionnaires sont présentés comme des profiteurs sans scrupule. Comment s'étonner, dès lors, que des jeunes bacheliers deviennent fonctionnaires plutôt qu'entrepreneurs ? L'enseignement officiel cautionne l'inculture économique française. » (Jean-Louis Caccomo, L'inculture économique française).

Le trait commun de ces contributions est de souligner l'enseignement uniforme dispensé par l'Education nationale française, en dehors duquel il n'y aurait point de salut et qui s'oppose à ce qui est inhérent à la nature des hommes et qui fait leur richesse, à savoir leur diversité.

Antoine Houdar de La Motte publiait en 1719 des Fables nouvelles. De celle intitulée Les amis trop d'accord, j'extrais ces vers:

« C’est un grand agrément que la diversité.

Nous sommes bien comme nous sommes.

Donnez le même esprit aux hommes,

Vous ôtez tout le sel de la société.

L’ennui naquit un jour de l’uniformité. »

 

De l'uniformité ne naît pas seulement l'ennui, mais la servitude...

 

Francis Richard

 

Libres !, collectif de la La Main Invisible, 100 auteurs, 100 idées, 282 pages

 

Voir aussi:

“Libres ”, La Main Invisible (1/6) : « Le libéralisme: les principes »

“Libres !”, La Main Invisible (2/6): « Mon travail, mon argent »

Première publication sur francisrichard.net

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