Les connaissances factuelles améliorent notre mémoire

Le cognitiviste Daniel Willingham nous interpelle sur l'importance de la culture générale:

Plus on a de connaissances, plus on en acquiert facilement. De nombreuses expériences pour confirmer l'importance de la culture générale utilisent la même méthode de base: les chercheurs font venir dans leur laboratoire des personnes spécialisées dans un domaine et des personnes qui ne le sont pas. On fait lire à chacun une histoire ou un article court. Le texte est suffisamment simple pour que même les non-spécialistes en comprennent le contenu et le sens de chaque phrase. Mais le lendemain, les experts se souviennent beaucoup mieux de l'article que les autres. Vous pensez peut-être qu'il s'agit là d'un problème d'attention: les fans de foot étant plus intéressés que les autres par un sujet sur le foot, consacreraient toute leur attention à l'article, alors que les autres ne le liraient que distraitement, par manque de motivation.

Les chercheurs ont fait une autre expérience qui dément cette idée. Ils ont demandé à des personnes d'apprendre soit beaucoup, soit peu d'informations sur un sujet qui leur était jusqu'alors inconnu - un sujet qui leur était donc à priori indifférent. Puis ils leur ont fait lire d'autres informations, nouvelles également, sur le même sujet, et se sont rendus compte que les "experts" (ceux qui avaient appris beaucoup de choses sur le sujet) apprenaient de nouvelles informations plus rapidement et plus facilement que les "novices" (qui avaient appris seulement quelques informations sur le sujet). Et ce, donc, indépendamment de leur intérêt personnel.

(...) si vous vous y connaissez bien sur un sujet donné, vous comprendrez mieux les nouvelles informations sur ce même sujet (...) Cela signifie que la quantité d'informations que vous retenez dépend de la quantité d'informations que vous détenez déjà (...)

Daniel Willingham "Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école", La Librairie des Ecoles, Paris, 2010, p.42 à 45

Voilà pour ceux qui mettent en doute régulièrement l'utilité de la culture générale. Il faut arrêter avec cette mode selon laquelle étant donné que tout est sur internet, qu'il n'est plus utile de l'apprendre. La culture générale est bien plus importante qu'on ne veut le croire et remplacer l'apprentissage des diverses branches scolaires par des démarches de recherche ou je ne sais quoi d'autre est clairement néfaste au développement des élèves. Si on veut travailler la recherche, celle-ci doit s'additionner à la culture générale et pas la remplacer.

Stevan Miljevic, le 24 octobre 2014, pour les Observateurs et sur le net

Qu’est-ce qu’un bon enseignant?

Je ne vous recommande surtout pas d'essayer de rendre le thème du cours attrayant pour les élèves. Je sais que cela peut sembler bizarre, mais laissez-moi développer mes arguments. La méthode qui consiste à adapter le thème du cours aux intérêts des élèves s'avère inefficace. (…) Par exemple, je suis passionné par la psychologie cognitive, donc vous pourriez vous dire: "Pour que Willingham s'intéresse à ce problème de mathématiques, je vais lui trouver un énoncé où la psychologie cognitive est en jeu." Mais je peux tout à fait m'ennuyer même en entendant parler de psychologie cognitive, comme cela s'est déjà produit maintes fois lors de conférences professionnelles auxquelles j'ai assisté. D'autre part, il est très difficile de trouver un sujet qui intéresse les élèves et, de ce fait, cette entreprise peut s'avérer infructueuse. Comment un professeur de mathématiques est-il censé enseigner l'algèbre en trouvant des exemples qui intéressent ma fille de seize ans? En utilisant un exemple de la "vraie vie" avec par exemple le nombre de minutes de forfait pour son téléphone portable? (…) n'y aurait-il pas un risque que ma fille s'intéresse davantage à son téléphone portable qu'au problème lui-même? (…) Donc si le contenu du cours ne suffit pas, peut être que la façon d'enseigner peut faire la différence? (…)

- L'enseignante A est une comédienne. Elle plaisante souvent et ne rate jamais l'occasion de donner un exemple amusant.

- L'enseignante B est cheftaine. Elle est très autoritaire et presque condescendante, mais en même temps tellement chaleureuse qu'on lui pardonne. Les élèves l'appellent "Maman" dans son dos.

- L'enseignant C est un conteur. Il illustre presque tout en racontant une anecdote tirée de sa vie personnelle. Le rythme de ses cours est plutôt lent et lui-même est calme et modeste.

- L'enseignant D est un show man. S'il pouvait tirer des feux d'artifice en plein cours, il le ferait. Le contenu de ses cours ne se prête pas facilement à des démonstrations, mais il investit beaucoup de temps et d'énergie pour élaborer des travaux pratiques intéressants, au cours desquels les élèves doivent souvent utiliser des appareils qu'il a fabriqué lui-même.

Ces quatre individus sont considérés par les élèves comme des professeurs qui savent rendre intéressant quelque chose d'ennuyeux et chacun d'entre eux a la capacité de pousser ses élèves à réfléchir au sens de ses cours. Il ont chacun une méthode d'enseignement bien à eux mais toutes ces méthodes fonctionnent. (…) Même si les élèves du primaire et du secondaire ne remplissent pas de questionnaires sur leurs professeurs, nous savons plus ou moins que ces deux éléments sont aussi très importants. Le lien affectif entre les élèves et leur enseignant influence considérablement l'intérêt qu'ils vont porter au cours, pour le meilleur et le pire. Un professeur a beau être parfaitement organisé, si les élèves ne l'aiment pas, sa méthode sera inefficace. D'autre part, un professeur gentil ou qui raconte des histoires farfelues, mais dont les leçons manquent d'organisation, ne sera pas non plus efficace. Pour être un bon professeur, il faut avoir ces deux qualités: il faut être capable d'avoir une relation personnelle avec les élèves, mais il faut aussi organiser ses cours de façon à les rendre intéressants et faciles à comprendre (ndlr c'est moi qui souligne). C'est ce que j'ai voulu montrer en distinguant ces quatre types d'enseignants (et il peut y en avoir bien d'autres.) Mais il y a selon moi un problème: quand on pense à la définition d'un bon professeur, on a tendance à se concentrer uniquement sur sa personnalité. Mais un enseignant avec une bonne personnalité n'est que la moitié d'un bon professeur. Les plaisanteries, les histoires, l'attitude chaleureuse, le charisme mettent les élèves à l'aise et parviennent à capter leur attention. Mais comment s'assurer qu'ils réfléchissent vraiment à ce qu'on leur enseigne? C'est là que la deuxième condition nécessaire pour être un bon enseignant entre en jeu: il faut savoir organiser les idées d'un cours de façon cohérente pour que les élèves les comprennent et les retiennent. (…)

 Tiré de "Pourquoi les enfants n'aiment pas l'école! la réponse d'un neuroscientifique", La librairie des écoles, Paris, 2010, p.64 à 67 de Daniel T. Willingham, professeur de psychologie à l'Université de Virginie.

Conclusion: de l'amour et de la pédagogie explicite et tout ira pour le mieux….

Stevan Miljevic, 13 février 2014