Michel Garroté -- Qui s'en souvient ? Pour les uns, "La Machination" est un film américain de Bryan Forbes sorti en 1984. Il s’inspire du roman homonyme de Sidney Sheldon, paru en 1970. Pour d'autres, "La Machination" est un roman français de science-fiction écrit par Christian Grenier et publié en 1973. Pour d'autres encore, il y a "La Machination Voronov", un album de la série de bande dessinée Blake et Mortimer. Bien.
-
La "Machination Macron" :
-
Mais au fait, comment fonctionne la "Machination Macron" ? A vrai dire, je ne suis pas amateur de théories du complot ou de la conspiration. Cependant, je reste persuadé que l'on peut tendre des pièges, piéger les autres, y compris -- pour ne pas dire surtout -- en matière politique. Et dans le cas Macron, je me suis posé la question : qui se cache derrière ce jeune pommadé, lisse, limpide et serein ? Qui est-il vraiment ? De quoi est-il capable ? Est-il capable de quoi que ce soit d'ailleurs ? A quoi riment ses discours ?
-
Et bien figurez-vous que les discours de Macron de la campagne étaient faits à partir d’algorithmes, et qu'une société, Proxem, était payée pour cela (extraits adaptés ; voir les liens vers les trois sources en bas de page) : Comment Emmanuel Macron a t-il réussi à convaincre plus de 10'000 personnes, jeunes et plus jeunes, en se présentant comme « le candidat du travail » ?
-
Ciblage algorithmique :
-
Comment le candidat du mouvement 'En Marche' a t-il réussi la gageure de provoquer une standing ovation en évoquant l’Union Européenne, thème que l’on croyait boudé par les citoyens français ? Grâce à un ciblage algorithmique inédit de ce que les électeurs sont prêts à entendre et qui permet de rendre le discours le plus pertinent possible pour le plus de monde possible.
-
La méthode est inspirée de la stratégie électorale digitale adoptée par Barack Obama en 2012 : en juin dernier, 4'000 volontaires ont lancé "l’appli" de la Grande Marche sur leurs écrans de smartphones et tablettes en allant « à la rencontre des Français ». 6'200 quartiers (au sens de l’Insee) ont été sélectionnés par l’équipe Macron pour constituer une base représentative.
-
L’application ad hoc :
-
Une première application, 50+1, guidait les « marcheurs » dans leur parcours. Une deuxième permettait de recueillir le miel de conversations qui ont duré en moyenne quatorze minutes. 100'000 « conversations » ont été collectées (et 25'000 questionnaires entièrement remplis). Résultat : quelque 25'000 questionnaires remplis sur l’application ad hoc.
-
Ce n’est donc pas un traditionnel sondage, où l’on pose des questions fermées à un échantillon de la population, ni non plus un "focus group", où l’on interroge longuement une poignée de personnes sur un sujet donné. l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, s’est tournée vers Proxem, start-up spécialisée dans l’analyse sémantique de "big data textuelle", en vue de tirer un maximum d’enseignements des propos des personnes interrogée.
-
Objectif : identifier les problèmes concrets que dit rencontrer tel ou tel bassin de population et fournir une cartographique des préoccupations dominantes des Français. "Grâce à un moteur de recherche, on pourra croiser des critères, voir la manifestation d’un signal faible, vérifier des intuitions. Que disent les femmes, cadres supérieurs, des commerces de proximité ?
-
Proxemacron :
-
Si 100 personnes en parlent sur 100'000, c’est du 0,1% mais si elles en parlent c’est que ce point a de l’importance à leurs yeux. On peut se dire qu’il y a quelque chose à creuser", détaille Chaumartin, DG de Proxem.
-
Les data-stratèges d’En Marche peuvent alors dégager des corrélations, identifier les préoccupations de certaines catégories socio-professionnelles, et décider de faire dans la pédagogie s’ils mesurent une différence entre la perception d’un phénomène et sa réalité (par exemple : l’Europe, l’immigration, le chômage).
-
Macron a accumulé un trésor de communication politique avec des discours adaptés aux auditoires. C'est pourquoi ses discours n'avaient aucun sens ni aucun fond. Mais peu importe : à l'heure de la téléréalité, de la méthode globale et de l'échec scolaire, ce que les Français attendent ce ne sont plus des discours élaborés, mais qu'on leur parle.
-
Obamacron :
-
Macron n’a pas de programme mais il est programmé. Son discours est programmé. Il emploie des formules qui sont tout sauf spontanées. Il utilise les méthodes d’analyse et de stratégie politiques encore inédites en France. Grâce au porte-à-porte, il a obtenu des milliers de témoignages sur les grands sujets de notre société et la machine analyse ce corpus, qui fait des dizaines de milliers de pages.
-
Il y avait 4'000 volontaires d'En Marche dans 6'200 quartiers présélectionnés, avec une appli qui recueillait les réponses à des questions simples : Qu’est-ce qui marche en France ?, Qu’est-ce qui ne marche pas ? Ces méthodes ont été testées aux Etats-Unis lors des campagnes d’Obama.
-
Elles arrivent en France et permettent au candidat qui les utilise de dire ce que les gens ont envie d’entendre. Il suffit d’un moteur de recherche qui isole et compte les sujets, la manière (positive ou négative) de les aborder, les formules qui reviennent, etc. Le nombre de témoignages (25'000 environ) est beaucoup plus important que dans un sondage ordinaire et les dépositions sont beaucoup plus précises et plus libres.
-
Avec cela, on a comme une sismographie précise de l’opinion, et quand, comme le candidat Macron, on n’a pas de programme, c’est commode, tout est à disposition dans la machine pour que les électeurs puissent entendre ce qu’ils ont envie d’entendre.
-
Tout le monde a compris et tout le monde est content :
-
Qu’apporte le candidat Macron ? Des solutions ? Jamais. La compréhension de son public : "Les agriculteurs ne demandent pas des aides. Ils disent une chose : on veut pouvoir vivre dignement de notre travail". Merci aux algorithmes et à la start-up prestataire.
-
Voilà une formule empruntée aux électeurs et qu’on sait leur resservir toute chaude. Dans le même registre d’une complicité affichée mais qui n’engage à rien de concret : "C’est un beau mot, 'paysan' : les paysans font notre pays". La vraie question est surtout : Comment peuvent-ils en vivre ? Macron affirmant "C’est un beau mot, 'paysan' : les paysans font notre pays", c'est pas merveilleux ça ? Macron poète et paysan, on aura tout vu.
-
Elle n’est pas posée [la question "comment peuvent-ils en vivre ?"]. Et on se contentera, pour finir, d’une formule ronflante : "On peut être à la fois profondément breton, puissamment français et sincèrement européen". Tout le monde a compris ? Tout le monde est content (fins des extraits adaptés ; voir les liens vers les trois sources en bas de page).
-
Michel Garroté pour Les Observateurs
-
Sources :
-
http://www.integrales-productions.com/2016/12/11/comment-macron-marche-aux-algorithmes/
-
http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-politique/20161116.RUE3756/comment-emmanuel-macron-a-fait-son-diagnostic.html
-
http://www.delitdimages.org/macron-politique-algorithmes-revanche-de-lupper-class/
-