Depuis mardi 17 mars 2020, les déplacements sont strictement réglementés en France. En tout et pour tout, 5 motifs de déplacement sont tolérés. Le décret les instituant écarte toute autre possibilité, ainsi que toute possibilité de regroupement. Si dès le 17 mars, la contravention pour non-respect de ces dispositions était majorée, il en faudra plus pour intimider une partie de la population.
Nous revenons sur le traitement médiatique de la violation délibérée et assumée de ces règles, qui, conjuguée à la persistance d’une délinquance de droit commun, aboutit à mettre en danger de nombreuses personnes, dans un point de situation arrêté le 21 mars.
Les faits divers
Les articles consacrés au non-respect du confinement et à la délinquance pendant la première semaine de restriction de la circulation sont nombreux. Ils démentent les propos angéliques de la porte-parole du gouvernement sur les ondes de RMC le 20 mars. Nous y revenons plus loin. Les articles peuvent être classés en plusieurs catégories : les faits divers, les analyses sur la délinquance, les analyses consacrées à la politique pénale et au fonctionnement de la justice.
Les articles que nous citons vont du plus ponctuel et local à une échelle plus importante, jusqu’à constituer un véritable phénomène de société.
Les faits divers locaux
Parmi les événements ponctuels, on peut citer sur les réseaux sociaux la diffusion le 18 mars une vidéo prise à Grigny où visiblement, « personne ne respecte l’ordre de confinement ». Le site Actu 17, qui recense de nombreux faits divers, publie le 19 mars la photo de dealers à Melun qui défient le confinement pour faire leur publicité, équipés d’un matériel de protection (masques, combinaisons) si souvent absent pour le personnel soignant. « Ils sont mieux équipés que les policiers », déplore l’un d’entre eux.
À Nantes, la vente de drogue va bon train Place du commerce, nous informe Breizh-Info le 19 mars. Les dealers sont bien « à leur poste, bien agglutinés » selon le site d’information breton. Le 19 mars, c’est la Préfecture de police de Paris qui sur son compte Twitter nous informe que « des incendies volontaires nécessitant l’intervention de pompiers et de la police sont déclenchés » à Aulnay sous-bois. « Les auteurs irresponsables empêchent les secours d’intervenir et lancent des projectiles sur les policiers ».
Le journal suisse Le Temps consacre un article à l’impossible confinement dans la ville de Saint-Denis (93). Des policiers interrogés indiquent qu’ils verbalisent avec parcimonie, pour ne pas faire de vagues. Des épiceries servent de points de vente de masques dérobés à des hôpitaux, « la revente illicite de stupéfiants continue aussi ». Business as usual. Alors que sur le site internet du Parisien, une publicité remercie les « héros discrets », on apprend le 19 mars que « des véhicules des agents de l’hôpital de Poissy ont été fracturés pour voler leur macaron » afin de l’utiliser pour déjouer les contrôles de police.
À Trappes, les incidents se multiplient, constate Le Parisien le 19 mars. Des individus lancent des projectiles contre les forces de l’ordre, trois policiers sont blessés lors d’un contrôle d’attestation. Les jeunes contrôlés considèrent selon un policier qu’« ils sont au-dessus de ça ».
À Royan, une personne présentant des symptômes du coronavirus crache sur un policier d’après France 3. Un phénomène qui n’est pas isolé selon un syndicaliste policier qui s’exprime sur le site Boulevard Voltaire.
Les faits divers à l’échelle du département
En Seine-Saint-Denis, des « jeunes encapuchonnés (…) caillassent policiers et pompiers en plein confinement » le 17 mars toujours selon Le Parisien. Les six jeunes interpellés sont relâchés, apprend-on avec effarement. En Seine-et-Marne, la baisse de la délinquance n’est pas visible selon Actu.fr le 18 mars. Des chauffards alcoolisés sont interpellés, tandis que des voitures ont été brûlées à Dammarie-Les-Lys.
Le 18 mars, Le Figaro recense dans un article différents faits divers attestant que « les appels au civisme et à la retenue n’ont pas été entendus ». Vols, escroqueries, agressions, querelles dans des files d’attente : les exemples sont nombreux qui témoignent de cet incivisme qui se manifeste notamment en Ile-de-France, à Lyon et à Grenoble. Dans l’Oise, Le Parisien nous apprend le 19 mars que la délinquance n’est pas entrée en confinement « entre covid 19 et délinquance, les forces de l’ordre sont sur tous les fronts ». En Haute-Garonne, ce sont selon La Dépêche des voitures qui sont incendiées en plein confinement.
Les faits divers à l’échelle nationale
Le Figaro consacre dans l’édition du 21 mars un article à « la tension (qui) monte dans les quartiers sensibles ». La liste des incidents répertoriés 4 jours après le début du confinement est longue :
des policiers pris à partie par une cinquantaine de jeunes à l’occasion d’un barbecue géant à Elbeuf, des insultes contre des policiers par des jeunes en région lyonnaise, des contrôles qui virent à l’échauffourée à Savigny-sur-Orge et Massy. À Chanteloup-Les-Vignes, les contrôles sont « délicats », etc.
L’oisiveté des jeunes est soulignée, tout comme la difficulté de faire appliquer les couvre-feux qui seraient décidés. La chaine TV Libertés dresse le 19 mars le portrait de « l’autre France du confinement ». On y apprend exemples à l’appui que « le confinement est le terrain de jeu idéal pour les petits et grands délinquants ».
Les analyses des professionnels
Un professeur de criminologie, Alain Bauer, est interviewé par CNews le 19 mars. Il s’attend à ce que les vols avec violence sur la voie publique augmentent, tandis que le trafic de drogue baisserait. Une policière syndicaliste est interviewé le 20 mars par Le Figaro : « Dans certains quartiers, les forces de l’ordre sont prises à partie et les guet-apens se poursuivent » affirme-t-elle au journaliste.
La politique pénale
Libération consacre le 16 mars un article au recentrage des activités de la gendarmerie et de la police.
« Nous allons reporter sine die tout ce qui n’est pas urgent, tout ce qui n’est du flagrant délit ». Bien que le quotidien ne le précise pas, les enquêtes en cours risquent d’en faire les frais. L’insuffisance des moyens de protection des forces de l’ordre est également pointée du doigt.
Le fonctionnement de la justice
L’Opinion fait le point le 18 mars sur le fonctionnement de la justice pendant la période de confinement. « Tribunaux fermés, audiences reportées, dossiers en suspens : pendant l’épidémie, magistrats et avocats se concentrent sur l’essentiel » résume le journal libéral.
Les clandestins libérés
La libération des clandestins placés en centre de rétention administrative parait « inévitable » selon Le Figaro le 20 mars. Certains sont d’ores et déjà relâchés, notamment à Bordeaux, Toulouse et Rouen nous apprend Sud Ouest. « En même temps », on apprend que les demandeurs d’asile sont les seuls usagers à pouvoir venir physiquement aux guichets de la Préfecture du Rhône. Ce qui amène le journaliste Yves Mamou à réagir : « Même en situation de guerre sanitaire, la priorité est encore donnée à l’idéologie asilaire. Pas de droit administratif en France pour les personnes âgées, les plus faibles, ceux qui ont besoin de la Nation ».
Au centre France Terre d’asile boulevard Ney à Paris, selon Michel Ney sur Twitter, les clandestins se massent dans un groupe compact le 19 mars. Ce qui inspire ce commentaire à Jean-Yves Le Gallou, président de Polemia : « Rassurez-moi, @Prefpolice, c’est une fake ? Et si ce n’était pas le cas, vous faites quoi pour faire respecter le confinement ? ».
La problématique du confinement
Parmi les nombreux articles et reportages consacrés au non-respect du confinement imposé aux français, France 2 diffuse vendredi 20 mars lors du journal télévisé de 20 heures un reportage à ce sujet. En ce début de weekend, les fraudeurs sont à rechercher parmi ces franciliens qui cherchent à aller en province en train ou en voiture. Le maire de Nice Jean Estrosi est ensuite interviewé. Il évoque la fermeture de la promenade des anglais, l’interdiction des regroupements et le couvre-feu qu’il a mis en place dans la ville. Il mentionne furtivement (14e minute) une « scène de pillage et d’émeutes dans un quartier à l’ouest de Nice ». Il ajoute que « le Préfet reconnait que ce type de dispositions peut l’aider dans l’action à mener ». Ce sera la seule allusion aux règles de confinement qui ne sont pas respectées dans les « cités ».
La porte-parole du gouvernement :
circulez, y’a rien à voir
Guillaume Tabard résume cette vision des choses dans l’édition du Figaro du 21 mars :
« Il serait de bon ton de pointer du doigt ces « bourgeois » partis sur la côte atlantique, mais scandaleux de dire que les consignes sont foulées aux pieds dans certaines banlieues de Seine-Saint-Denis ou d’ailleurs ? ».
Cela n’empêche pas le blogue Œil sur le front (Libération) de consacrer le 21 mars un article sur « Comment l’extrême-droite veut tirer profit du coronavirus » en « rejetant la faute sur l’invasion migratoire et en demandant une fermeture pérenne des frontières ». Le compte Twitter du militant et lanceur d’alertes Damien Rieu et le site de revue de presse Fdesouche sont pointés du doigt.
Dans la continuité, quand Jean-Jacques Bourdin estime sur RMC le 21 mars que le confinement est plus difficile à faire respecter dans les banlieues, la porte-parole du gouvernement coupe court au journaliste :
« Je vois très bien le relent qui va arriver. J’entends les dérapages de certains, je vous bien où ça peut vite mener. Je préfère mettre le holà tout de suite, il n’y a pas de moindre respect dans certains endroits que dans d’autres en fonction de l’origine sociale ou des pays d’origine de nos compatriotes ».
Pourtant, dès le 19 mars, Le Parisien apporte un démenti cinglant à cette vision édulcorée et toute macronienne de la réalité. On apprend en effet de source policière que « 10% des amendes dressées dans le pays l’ont été en Seine-Saint-Denis ». Ceci bien que, selon Sputniknews, « la police reçoit l’ordre d’éviter certains quartiers sensibles » et de privilégier les contrôles sur les grands axes.
Une vision édulcorée de la réalité
Des nombreux articles consacrés au sujet du confinement, il ressort que beaucoup de médias montrent une incapacité à désigner par leur nom des problèmes bien réels. La volonté de ne pas stigmatiser aboutit à ne pas nommer les choses. Seuls certains médias minoritaires ne cachent pas la réalité et engagent une analyse de fond, qui va au-delà du récit ponctuel des événements : la persistance de la délinquance dans certains quartiers qui sont de véritables poudrières, la violence utilisée par des racailles pour déjouer des contrôles, le non-respect délibéré des règles de confinement, les consignes données à la police pour ne pas faire de vagues et subir des rixes.
Au final, peu de médias soulignent que la police aura toutes les difficultés à faire respecter dans de nombreux « quartiers » un nouveau tour de vis au confinement, par des couvre-feux décidés par des maires. Ceci alors que cette nouvelle restriction de la liberté de mouvement pénalisera, si elle était généralisée, l’ensemble de la population.
N’en déplaise au clergé médiatique du camp du bien, l’épisode du confinement n’agit pas comme un buvard sur les taches de la société française. À l’inverse, il agit comme un révélateur des contradictions et de l’aveuglement de ses dirigeants : l’immigration massive imposée notamment par la politique d’asile est une priorité du gouvernement, des centaines de milliers de jeunes sont désœuvrés, le droit est appliqué de façon différenciée en fonction des secteurs géographiques, la partition du territoire ne fait que se confirmer. Après le confinement des personnes — et comme le promet la loi Avia — la parole sera-t-elle aussi confinée ?