Françoise Thom, mai 2021: Ce n'est pas seulement l'avenir de l'Ukraine qui est en cause, mais l'avenir de toute l'Europe"
Tous les pays de l'Europe du Nord, de l'Est et du Sud jusqu'au Bosphore sont en alerte depuis la mobilisation aux frontières de l'Ukraine d'une force russe de 500.000 soldats, offciellement en manœuvre. A cela s'ajoute la mise en place d'un nouveau dispositif de 150.000 hommes, puissamment armés, avec pour objectif évident de replacer dans le giron russe l'Ukraine qui pensait pouvoir s'émanciper de la tutelle post-soviétique en rejoignant l'Europe et l'OTAN. Un gouvernement ukrainien fantoche est déjà prêt à être installé par le Kremlin qui a déjà rédigé une nouvelle constitution. Celle-ci prévoit le rétablissement de la peine de mort, la mise au pas du pays et l'élimination des éléments hostiles, autrement dit, de l'élite ukrainienne. Vladimir Poutine dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit. On devrait un jour - avant qu'il ne soit trop tard - finir par s'en rendre compte. Les Européens font semblant de croire qu'il s'agit d'un bluff. Cette menace n'est donc pas prise au sérieux et la seule réaction de Paris et de Berlin est de chercher un compromis en menaçant Moscou de vagues sanctions, comme ce fut le cas pour Alexexeï Navaltny. Le président Ukrainien, Volodymyr Zelensky, est venu à Paris le 17 avril pour y rechercher l'appui de la France et de l'Allemagne, cosignataires des accords de Minsk. Son pays a renoncé à son potentiel nucléaire en signant à la demande des Européens le protocole de Budapest, rendant à Moscou l’armement nucléaire dont il disposait. Il est reparti de Paris les mains vides. Une attitude commentée, on peut s’en douter dans tous les pays qui se sentent directement menacés et qui ne croient déjà plus en cette Europe qui les abandonne pour s'en remettre désormais aux États-Unis et à l'OTAN. Le président Trump, de par son attitude pour le moins désinvolte et une absence de vision en politique étrangère, n'a rien fait pendant sa présidence pour consolider le lien Atlantique. On sait ce qui est arrivé à ceux de ses conseillers qui l'ont mis en garde... Son successeur, Joe Biden, a pour lui d'avoir déjà vécu comme vice-président de telles situations, et, surtout, d'être entouré d'hommes d'expérience. C'est le cas d'Anthony Blinken, le nouveau Secrétaire d'État qui avait déjà été l'un des conseillers à la sécurité nationale du président Bill Clinton. Comme le rappelle Françoise Thom le 19 avril au cours de cette émission sur la Voix du Béarn, Vladimir Poutine devrait s'exprimer le 21 et a convoqué pour le 23 le Conseil de la fédération de Russie. Les seuls pays - pour le moment - qui sont montés au créneau sont la République Tchèque, après les Pays Baltes, la Pologne, la Slovaquie et la Turquie d'Erdogan qui a même été encore beaucoup plus loin... Au-delà du sort funeste qui menace l'Ukraine et ses habitants, une fois de plus, l'Europe se montre incapable de réagir et de faire front alors qu'elle est très directement menacée. A force d'être pétrie dans ses contradictions, elle est toujours installée dans cette pusillanimité que regrettait déjà Françoise Thom dans une tribune publiée en 2008 (https://www.lemonde.fr/idees/article/...) par le journal le Monde lors de l'invasion de la Géorgie. Cela rappelle Munich à une différence près, au moins, à l'époque chacun comprenait les risques à venir d'une grande guerre avec l'Allemagne. Ayant le choix entre la honte et le désespoir, ils auront finalement les deux... Françoise Thom, agrégé de Russe, est historienne de formation, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris-IV-Sorbonne. Elle est également l'auteur de plusieurs livres de référence sur l'URSS et la Russie de Gorbatchev à Poutine.