Liban – Qui a assassiné le président Bachir Gemayel ?

   
Michel Garroté - La demande d'ouverture du procès de l'assassin du président libanais Bachir Gemayel [photo en début d'article], 34 ans après les faits, cette demande a (enfin) été acceptée, le 25 novembre 2016. Présentée en 2012 devant la Cour de justice, la demande d'ouverture du procès de l'assassin de Bachir Gemayel, le 14 septembre 1982, est donc -- finalement -- satisfaite.

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Pour mémoire, je rappelle que le président chrétien Bachir Gemayel, également chef des Forces (chrétiennes) Libanaises [photo en début d'article], a probablement été assassiné par les services spéciaux syriens de l'époque.
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Certains experts affirment qu'il a été assassiné par l'OLP du palestinien Yasser Arafat qui, à l'époque, se trouvait, avec ses milliers de fedayins lourdement armés, au Liban, avant de quitter ce pays avec sa bande pour la Tunisie. Bachir Gemayel assassiné sur ordre d'Arafat ? C'est ce que ces experts m'ont dit lorsque j'étais à Beyrouth, en mars-avril 1983, soit six mois après l'assassinat.
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Cependant, je penche plutôt pour la piste syrienne. De leur côté, certains gauchistes conspirationnistes allèguent - évidemment - que ce serait l'inévitable Mossad israélien qui aurait, soi-disant, assassiné Bachir Gemayel.
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[Un peu d'humour : Le Mossad dont chacun sait qu'il "contrôle tout", y compris le changement climatique, la mossade météo du jour, les USA, l'UE, l'EI, le Soleil, la face cachée de la Lune, la Planète Mars, la gravitation terrestre, le naufrage du Titanic perpétré par un Juif répondant au nom de Iceberg et les maisons closes de Papouasie-nouvelle-Guinée...].
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Plus sérieusement, revenons au fait que la demande d'ouverture du procès de Habib Chartouni (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page), principal accusé de l'assassinat de Bachir Gemayel,  tué le 14 septembre 1982 -- dans l'explosion d'une charge piégée qui avait détruit la permanence du parti Kataëb, à Achrafieh, dans Beyrouth-Est -- a été examinée, vendredi 25 novembre 2016, par la Cour de justice, un tribunal dont les jugements sont sans appel et devant lequel les dossiers déférés sont considérés comme imprescriptibles.
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Une prochaine séance a été fixée au 3 mars 2017. La Cour de justice a appelé Habib Chartouni à se rendre dans les 24 heures. Pour rappel, Habib Chartouni, un militant du Parti syrien national social (PSNS prosyrien) avait fui la prison de Roumieh, "à la faveur du chaos" qui a régné après l'intervention armée de la Syrie au Liban, le 13 octobre 1990...
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Il sera jugé 'in abstentia'. "Nous continuerons à suivre le dossier de l'assassinat de Bachir Gemayel et nous recouvrerons les droits de tous les martyrs qui sont tombés avec lui", a déclaré Nadim Gemayel, député d'Achrafieh et fils de Bachir Gemayel, à l'issue d'une séance tenue sous la supervision du Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Jean Fahd.
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L'énorme déflagration (ce qui est typiquement la signature syrienne) de d'attentat qui a coûté la vie à Bachir Gemayel, avait fait, en outre, 32 tués et 62 blessés (des années plus tard, le libanais Elie Hobeïka était assassiné, lui aussi, par l'énorme déflagration d'un attentat syrien).
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Exprimant sa confiance envers le nouveau mandat qui s'ouvre, Nadim Gemayel a déclaré "qu'il ne peut y avoir d'Etat ou d'institutions fortes sans justice". "Nous continuerons à suivre ce dossier et nous espérons que la Cour de justice va rattraper ce retard", avait déclaré, avant cette séance, Solange Gemayel, la veuve de Bachir Gemayel (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
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http://www.lorientlejour.com/article/1020346/la-demande-douverture-du-proces-de-lassassin-de-bachir-gemayel-examinee-34-ans-apres.html
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Liban – Il s’appelait Bachir Gemayel

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Michel Garroté - Ami du Liban, t'en souvient-il ? Il y a 34 ans, le 23 août 1982, le Liban avait rendez-vous avec l'espoir. Bachir Gemayel était en effet démocratiquement élu, par les chrétiens et par les musulmans, président de la République et de tous les Libanais, alors que le pays était plongé dans un conflit armé et une crise chronique qui durait depuis la fin des années 1960. Le président élu a toutefois été assassiné -- par les Syriens et/ou les palestiniens de l'époque -- le 14 septembre 1982, soit 21 jours après son élection, dans un attentat terroriste qui avait visé la permanence Kataëb d'Achrafieh.
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Cette année 2016, le 34e anniversaire de cette élection est marqué par le lancement d'un documentaire sur le président assassiné. Une cérémonie a été organisée à l'école des pères lazaristes, à la place Sassine, à Achrafieh (ci-dessous, des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : « C'est un documentaire qui a nécessité plus de trois ans de travail, notamment pour assembler toutes les données. La production est signée Mercury Content, une compagnie filiale du groupe Quantum d'Élie Khoury, et le contenu porte la signature de Georges Ghanem, journaliste, analyste politique, ancien rédacteur en chef des nouvelles de la LBCI et ancien conseiller du président Michel Sleiman », relève dans un entretien avec L'Orient-Le Jour le député maronite de Beyrouth, Nadim Bachir Gemayel. « À plusieurs reprises, j'avais sollicité Georges Ghanem qui a à son actif des documentaires sur Camille Chamoun, Charles Hélou et Kamal Joumblatt, mais je pense que le moment propice d'un documentaire sur Bachir Gemayel n'était pas encore venu. C'était entre 1998 et 2005 », poursuit-il.
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Ce documentaire de 5 heures 20 minutes a été diffusé et sera encore diffusé en cinq épisodes par la chaîne MTV. Le 23 août 2016, une cérémonie officielle de 45 minutes a donc eu lieu dans la cour de l'église de la Médaille miraculeuse des lazaristes à Achrafieh. Elle a été présentée par la journaliste et ancienne conseillère du président Élias Hraoui, May Kahalé. Le député Nadim Gemayel et Georges Ghanem interviendront pour mettre la lumière sur l'importance de ce documentaire et le travail de recherche effectué. « Ce documentaire dépeint des étapes importantes de la guerre du Liban. Rien n'a été passé sous silence. Il relate entre autres les drames d'Ehden et de Safra ainsi que les élections présidentielles après l'offensive israélienne de 1982 », souligne Nadim Gemayel, notant que la fondation qui porte le nom de son père a approuvé le documentaire sans pour autant interférer dans le contenu qui est signé Georges Ghanem.
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Les personnes interviewées dans ce documentaire sont : Johnny Abdo, Amine Abi Salloum, Abdallah Abou Habib, Jacqueline Abou Halka, Joseph Abou Khalil, Fouad Abou Nader, Sakr Aoun, Raymond Arab, Sejaan Azzi, Salim Bassila, Jean Besmarji, Abdo Chakhtoura, Isis Daher, Joe Eddé, l'ancien député Osman Dana, l'ancien ministre Salim Jahel, Fadi Frem, Naoum Farah, Georges Freiha, Samir Geagea, Solange Gemayel, Paul Gemayel, Amine Gemayel, Alexandre Gemayel, Charles Ghostine, John Gunther Dean, Tarek Habchi, Élie Karamé, Abdel Halim Khaddam, Albert Lahham, Alfred Madi, Albert Mansour, Saadallah Mazraani, l'abbé Boulos Naaman, Nazar Najarian, Béchara Nammour, Karim Pakradouni et Joseph Toutounji.
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« Bachir Gemayel représente une étape importante de l'histoire du pays et aussi la gloire et la mémoire des chrétiens du Liban », note le député d'Achrafieh. Il explique d'ailleurs que, pour célébrer cette victoire et ces moments de joie, la Fondation Bachir Gemayel a décidé, à partir de la trentième commémoration de l'assassinat du président élu, de rendre hommage au jeune chef chrétien le jour de son élection et non pas le jour de son assassinat. Depuis 2012 donc la messe commémorant l'assassinat est célébrée dans l'intimité en l'église Saint-Michel à Bickfaya, et la cérémonie officielle marquant cette phase de l'histoire du Liban est célébrée le 23 août. Dans ce cadre, en 2012, une conférence a été organisée à l'Université Saint-Joseph pour parler de l'élection du 23 août 1982, et un concert de chants partisans a été donné sur le parvis de l'église des lazaristes. L'année suivante, la rue Bachir Gemayel a été inaugurée au centre-ville de Beyrouth. La rue relie le secteur de la cathédrale Saint-Paul des arméniens à la place des Martyrs.
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Depuis plus de trois ans et demi, la Fondation Bachir Gemayel s'emploie à constituer conjointement avec la bibliothèque de l'Université Saint-Esprit de Kaslik (Usek) des archives sur le président assassiné. « Nous continuons à rassembler encore ces archives », souligne le député maronite de Beyrouth. Également, à l'occasion du 34e anniversaire de l'élection de Bachir Gemayel, une App pour I-pad a été créée. L'App propose toutes sortes d'informations sur le président assassiné, notamment ses photos, les discours qu'il a prononcés et les batailles qu'il a menées.
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Invité à présenter son père pour des étrangers qui ne connaîtraient pas Bachir Gemayel, le député maronite de Beyrouth souligne que « Bachir Gemayel était le père de la nation libanaise moderne ». « Il avait défini des valeurs, des principes et des idéaux qui constituent le modèle parfait d'un État libanais, souligne Nadim Gemayel. Je le comparerais à John Kennedy, aux États-Unis, non pas sous l'angle de la tragédie, mais plutôt sous l'angle de l'espoir, du changement et du coup de jeune qu'il a donné à son pays » (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
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http://www.lorientlejour.com/article/1003057/le-23-aout-1982-bachir-gemayel-etait-elu-president-de-la-republique.html
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La Chrétienté libanaise est-elle définitivement morte ?

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Lundi 18 janvier 2016, le chef du parti chrétien des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a annoncé son soutien à la candidature aux présidentielles du chrétien-traître Michel Aoun, allié du Hezbollah, qui lui est aligné sur l'Iran, cet Iran des ayatollahs qui finance ce même Hezbollah depuis de nombreuses années. Le soutien de Geagea à Aoun est, selon moi, une épouvatable nouvelle et une terriblee déception. De toute évidence, des tractations secrètes ont récemment été menée avec l'Iran, l'Arabie saoudite, le Liban et la France molle pour aboutir à un tel désastre. La Chrétienté libanaise est-elle définitivement morte ?
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En 2008, j'avais publié une analyse intitulée "LIBAN : le mystère des Forces Libanaises" (extraits ; voir troisième lien vers source en bas de page), analyse dans laquelle j'écrivais notamment : Samir Geagea a croupi en prison de 1994 à 2005, dans les sous-sols du ministère libanais de la Défense, sous contrôle et sous occupation syriennes. Samir Geagea a - évidemment - été torturé. A part cela, qui est Samir Geagea ?
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Si vous compilez les archives du quotidien Le Monde ou toute autre feuille de choux du même acabit, vous lirez, évidemment, que Samir Geagea était - et donc reste potentiellement - un dangereux milicien. C’est la version - ou plutôt la farce - officielle. Cela dit, Samir Geagea a effectivement occupé d’importantes fonctions au sein des Forces Libanaises pendant une partie de la guerre dite civile de 1975-1990. Dans les années 1980, une direction collégiale se met en place à la tête des Forces Libanaises.
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Deux personnalités très distinctes, Samir Geagea, un homme qui prie, médecin de profession, et Elie Hobeïka, un opportuniste sanguinaire, se partagent les responsabilités à la direction des Forces libanaises. En 1985, Elie Hobeïka trahit les siens en se mettant aux ordres du dictateur syrien Hafez el Assad. Samir Geagea, lui, reste fidèle. En 1990, l’ineffable général « chrétien » Michel Aoun, un mythomane qui se prend pour De Gaulle, lance, à la tête de l’armée libanaise, une offensive aussi effroyable que stupide contre les Forces Libanaises de Samir Geagea.
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L’incommensurable idiotie de Michel Aoun - aujourd’hui allié du Hezbollah - divise le camp chrétien et permet aux Syriens d’instaurer un régime libanais à leur solde et permet aux Syriens d’imposer au Liban la « pax syriana » (add. et sourtout aux ayatollahs iraniens d'étrendre leur sphère d'influence). Samir Geagea refuse la capitulation et la collaboration avec un gouvernement libanais aux ordres de la dictature syrienne. Samir Geagea refuse de quitter son pays, il est accusé de soi-disant crimes dont il est innocent, il est arrêté en 1994 et emprisonné par les Syriens jusqu’en 2005 (fin des extraits de mon analyse "LIBAN : le mystère des Forces Libanaises" publiée en 2008 ; voir troisième lien vers source en bas de page).
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Les différents titres de la presse libanaise, souline le quotidien libanais L'Orient-le-Jour, ont diversement réagi mardi (19 janvier 2016) à l'annonce par le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, de son soutien à la candidature à la présidence de la République du chef du bloc parlementaire du Changement et de la réforme, le général Michel Aoun (voir premier lien vers source en bas de page). Les quotidiens proches du 14 Mars notent un bouleversement de la donne présidentielle, édulcoré par l'annonce par le chef des Marada, Sleimane Frangié, du maintien de sa candidature, soutenue par l'ancien Premier ministre Saad Hariri. De leur côté, les titres plus proches du Hezbollah saluent le courage de M. Geagea et estiment que son annonce porte un coup à la coalition du 14 Mars.
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"Geagea modifie les règles du jeu de la présidentielle en évinçant la candidature de Frangié et incommodant ses alliés", écrit Rosanna Bou Mounsef dans les colonnes du quotidien an-Nahar. "Il ne fait pas de doute qu'en annonçant son soutien à la candidature de Michel Aoun, qui préempte le soutien déclaré de Saad Hariri à la candidature de Sleimane Frangié, Samir Geagea a voulu montrer qu'il avait le pouvoir de changer les règles du jeu de l'élection présidentielle, qui semblait devoir s'achever par l'élection de M. Frangié", estime-elle. Décrite par an-Nahar comme un "renversement chrétien", l'annonce de M. Geagea met la balle dans le camp du Futur, affirme le quotidien, estimant que l'élection présidentielle aura lieu "aujourd'hui ou jamais"
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Le quotidien al-Moustaqbal met, lui, en avant le fait que l'annonce tonitruante de M. Geagea a été douchée par les propos de Sleimane Frangié qui a assuré qu'il maintenait sa candidature, à l'issue d'une rencontre avec le patriarche maronite, Béchara Raï. "L'euphorie des aounistes a été douchée par la déclaration franche et brève du candidat consensuel Sleimane Frangié, annonçant qu'il ne retirera pas sa candidature", souligne le quotidien proche du Courant du Futur.
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De son côté, le quotidien as-Safir met en avant le "courage" de Samir Geagea. "Oui, Samir Geagea a vraiment annoncé son soutien à la candidature de Aoun. Ce que d'autres n'ont pas osé faire, les Forces libanaises l'ont fait", écrit l'ancien ministre Élie Ferzli, qui écrit régulièrement dans le quotidien. "Hier, Samir Geagea a porté le bâton de pèlerin des chrétiens. Il s'est élevé au rang de leader chrétien et a lancé Aoun sur la route de Baabda", poursuit-il dithyrambique, estimant que la conférence de presse de la veille ressemblait à un "passage de relais, comme si Aoun achevait le processus de sa propre succession". Un autre article publié mardi dans les colonnes d'as-Safir affirme que Sleimane Frangié ne se retirera pas de la course présidentielle.
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Pour sa part, le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, a titré mardi sans ambages "Le soulèvement de Geagea contre Hariri". Dans un dossier spécial, le quotidien explique que "la fête de Maarab trouble Hariri et Frangié et énerve Berry et Joumblatt". Dans un deuxième article, il assure que le Futur va se contenter de prendre acte de la "réconciliation" entre M. Geagea et M. Aoun, sans pour autant saluer l'annonce du chef des FL. Dans un billet, le journaliste Jean Aziz oriente son propos sur la portée historique de l’événement.
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Sandra Noujeim, dans L'Orient le Jour, écrit (voir deuxième lien vers source en bas de page) Bien qu'attendue depuis une semaine, la scène du chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, faisant son entrée solennelle hier à Meerab, n'a pas été sans produire un effet de stupeur générale. La stupeur face à cet instant de « réconciliation historique » a préludé à la joie affichée par les artisans du rapprochement entre le Courant patriotique libre (CPL) et les Forces libanaises (FL), ayant conduit à l'annonce, hier, par le président des FL, Samir Geagea, de son appui à la candidature de son rival historique à la présidentielle.
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Sandra Noujeim : « Nous tournons la page de vingt années de rivalité et scellons la réconciliation interchrétienne », a-t-il dit, sous les applaudissements de ses partisans, conquis tantôt par la perspective d'unité interchrétienne que cette union ouvre, tantôt par la virtù démontrée par leur leader, et tantôt par la volonté de peser à nouveau dans un processus de décision dans lequel ils se sentent viscéralement marginalisés. Une réconciliation qui se traduit d'ailleurs, en politique, par « une entente chrétienne sur la présidentielle, dans l'espoir de décrocher une entente nationale », ont souligné hier en chœur le député Ibrahim Kanaan et le responsable de la communication au sein des FL, Melhem Riachi, les artisans du rapprochement entre les deux formations.
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Sandra Noujeim : En dehors du cadre restreint et confiné de Meerab, où les rires larges des uns ont caché les rictus forcés de quelques autres, et où les cadres des FL, tous mobilisés et cravatés pour accueillir les cadres du CPL, ont applaudi – parfois avec un sourire un peu gêné, il est vrai, comme Antoine Zahra – les traits d'esprit échangés entre MM. Geagea et Aoun, la réaction des acteurs extérieurs était, en revanche, faite de consternation.
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Sandra Noujeim : Certes, nul ne conteste le principe du rapprochement. Certains, y compris au sein du bloc du Futur, comme le ministre Nabil de Freige, ont d'ailleurs tenu à valoriser hier « toute entente entre chrétiens ». De plus, Samir Geagea a voulu donner hier la preuve, à travers les clauses de la déclaration commune dont il a donné lecture, que c'est Michel Aoun qui a fait un grand pas en direction de son programme électoral et des principes du 14 Mars, et pas le contraire.
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Sandra Noujeim : M. Geagea affirme par ailleurs à l'adresse de ses détracteurs qu'il faut lui laisser le temps de prouver la justesse de sa démarche stratégique, qui cherche notamment à prouver que le Hezbollah ne veut pas de président de la République, in fine, quel qu'il soit, Michel Aoun ou autre. Mais il est des questions que cette entente soulève, à plus d'un niveau.
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Sandra Noujeim : Il y a d'abord la question de l'authenticité du rapprochement. Dans un pays privé de son travail de mémoire, et qui subit jusqu'à aujourd'hui les effets pervers d'une guerre qu'il est interdit de revisiter, de comprendre, voire de surmonter, la réconciliation ne saurait se limiter à une poignée de main, aussi méritoire soit-elle. « Que ces deux parties qui disent avoir effectué leur réconciliation nous exposent en détail les apprentissages qu'ils ont fait de leur passé conflictuel depuis 1989 », souligne ainsi une source du 14 Mars.
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Sandra Noujeim : Purger les haines du passé nécessite un long travail d'histoire, de dialogue, de face-à-face entre les acteurs et témoins d'une guerre fratricide, qui avait ravagé le camp chrétien en 1990. En prétendant sceller leur réconciliation, FL et CPL parient sur la symbolique de leur rapprochement. Aussi louable soit-il (il pourrait constituer d'ailleurs un premier pas vers un travail de mémoire constructif), ce rapprochement n'a pas prêté l'oreille à l'histoire individuelle des Libanais directement concernés par ce conflit. Jusqu'à preuve du contraire, la réconciliation FL-CPL ne sert donc qu'un objectif étroitement politique, et étroitement communautaire.
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Sandra Noujeim : Des sources du Futur et des indépendants du 14 Mars estiment que le rapprochement CPL-FL avait d'entrée des motifs liés à la présidentielle. Selon certains, le soutien par Samir Geagea de la candidature de Michel Aoun aurait même été prévu avant que ne se précise la perspective d'un soutien de Saad Hariri à la candidature de Sleiman Frangié.
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Sandra Noujeim : L'avis prédominant, au sein du 14 Mars, reste que le soutien de Meerab au général Michel Aoun est un « acte réactionnaire », né d'un besoin injustifié de prouver que Meerab est un passage obligé pour la présidentielle. « L'erreur de Saad Hariri ne justifie pas l'erreur de Samir Geagea. Ce dernier aurait dû exprimer, au sein même du 14 Mars, ses réserves à l'égard de la candidature de Sleiman Frangié, et exiger des garanties concrètes liées au compromis dont ce dernier fait l'objet », ajoute cette source.
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Sandra Noujeim : Cet acte qui serait mû par un sentiment de rivalité entre les leaderships sunnite et chrétien, d'une part, et qui attise, de l'autre, le conflit sunnite-chiite, aurait ainsi sonné le glas du 14 Mars. « Samir Geagea a donné le coup final au 14 Mars, ce 14 Mars étant l'instant où chacun a décidé de surmonter son appartenance communautaire », fait remarquer la source indépendante.
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Sandra Noujeim : Or l'événement hier à Meerab a consacré non pas « un dépassement des événements de 1989-1990, mais une réémergence des mêmes acteurs et une réactualisation des mêmes réflexes identitaires caractéristiques de cette époque ». En tout cas, l'absence de personnalités symboliques du 14 Mars, qui n'ont jamais pratiqué la politique de la chaise vide à Meerab depuis que Samir Geagea y a établi sa demeure, était hier particulièrement révélatrice.
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Sandra Noujeim : D'un point de vue pragmatique, la portée stratégique de l'appui de Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun est elle aussi questionnée. En la forme, cette candidature ne s'inscrit pas dans le prolongement d'un compromis régional, qui justifierait la démarche de Meerab, comme il l'avait fait de l'initiative de Saad Hariri en faveur de Sleiman Frangié.
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Sandra Noujeim : Plus encore, au niveau de sa lecture de la conjoncture régionale, Samir Geagea ferait une « erreur politique grave » : celle de soutenir le candidat du Hezbollah, donc de l'aile radicale iranienne, à l'heure d'une transition régionale décisive (l'entrée en vigueur de l'accord sur le nucléaire, les prochaines élections iraniennes, la maturation d'une solution politique en Syrie) et surtout d'une solidarité arabe sans précédent, incluant l'Irak et le sultanat d'Oman, contre la politique radicale de Téhéran dans la région.
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Sandra Noujeim : Autrement dit, toutes les lectures incitent à croire que Samir Geagea risquerait de tout perdre désormais, y compris ses relations privilégiées avec l'Arabie saoudite. En contrepartie, c'est le général Michel Aoun qui aurait marqué hier une victoire symbolique : une « double intronisation » politique à Meerab, et morale à Bkerké. Son passage préalable au siège patriarcal est placé pour l'heure, par les Marada, dans le cadre du soutien du patriarche à toute entente chrétienne et toute initiative de déblocage de la présidentielle.
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Sandra Noujeim : Mais cette visite n'a pas été sans provoquer une réaction immédiate de Sleiman Frangié : ce dernier s'est rendu hier en soirée à Bkerké, où il a annoncé aux médias le maintien de sa candidature. Une source autorisée insiste sur le fait que la visite « était prévue d'avance et n'est pas liée à la visite de Michel Aoun à Bkerké ».
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Sandra Noujeim : La source a qualifié l'entretien de « positif et franc », et révélé que le député de Zghorta prévoit de prendre « une position importante » à l'égard de la démarche de Geagea « au cours des deux prochains jours », confie une source autorisée à L'OLJ. On apprenait en outre que le chef des Marada doit se rendre aujourd'hui au Vatican, où il doit être reçu par le pape. Une information néanmoins démentie par les Marada.
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Sandra Noujeim : L'entente CPL-FL, accueillie par Bkerké, n'est pas sans embarrasser les différents acteurs. Le parti Kataëb a pris hier la décision de s'abstenir de tout commentaire pour l'instant. Des milieux proches de ce parti révèlent toutefois à L'OLJ « ne pas avoir été informé à l'avance de la décision de Samir Geagea, ni par le CPL, ni par les FL ». Un manquement qui aurait conduit le chef des FL à contacter hier le chef des Kataëb, Samy Gemayel.
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Sandra Noujeim : Une réunion s'est tenue hier à Riyad entre Saad Hariri, rentrant de Paris, et une délégation du courant du Futur, formée notamment par Fouad Siniora, Nouhad Machnouk, Achraf Rifi et Ahmad Fatfat. Pour l'instant, ce qui est certain est que « le Futur continue de soutenir la candidature de Sleiman Frangié », comme l'a assuré une source de ce courant à L'OLJ. Le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, a par ailleurs convoqué son bloc à une réunion aujourd'hui.
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Sandra Noujeim : L'éventualité d'une tenue d'une séance électorale le 8 février prochain est écartée presque à l'unanimité, à l'heure où la grande inconnue des pointages reste le Hezbollah. Pour une source autorisée du Futur, la visite du général Michel Aoun a été concertée avec le parti chiite, qui « n'est pas sans se délecter du spectacle », conclut Sandra Noujeim, dans L'Orient le Jour (voir deuxième lien vers source en bas de page) .
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Michel Garroté, 19 janvier 2016
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http://www.lorientlejour.com/article/965664/lalliance-geagea-aoun-vue-par-la-presse-libanaise.html
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http://www.lorientlejour.com/article/965644/lalliance-aoun-geagea-suscite-a-la-fois-exaltation-et-craintes.html
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Lire également mon analyse parue en 2008 :
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http://monde-info.blogspot.ch/2008/09/liban-le-mystre-des-forces-libanaises.html
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