Qui avance et qui recule au Proche et au Moyen Orient

EI-20

   
Michel Garroté  --  L’Iran, l’Arabie Saoudite et le Qatar sont aujourd’hui les plus grands financiers du terrorisme islamique mondial, y compris en Irak et En Syrie. A propos de cette dernière, force est de constater que le contrôle (partiel) du territoire syrien par l'Etat Islamique (EI) semblerait diminuer. Mais de nombreux pays étrangers continuent d'agir en Syrie, directement ou indirectement : Etats-Unis, Turquie, Iran, Russie, Qatar, Arabie saoudite et d'autres pays encore.
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Des combattants syriens ont brisé les lignes de défense des jihadistes dans la vieille ville de Raqqa après l'ouverture de brèches dans le mur d'enceinte par des raids américains, une percée majeure dans la bataille pour la conquête de cette ville de Syrie. Dans le même temps, en Irak, les forces gouvernementales appuyées également par les Etats-Unis, livrent des combats acharnés aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI) acculés dans leur dernier carré dans la vieille ville de Mossoul.
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En effet, en Irak, les forces armées avancent lentement dans le dernier carré des jihadistes à Mossoul, l'EI luttant pour sa survie dans son dernier grand bastion urbain d'Irak en multipliant les attentats suicide dont certains perpétrés par des femmes et des adolescentes.
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L'EI est la cible de vastes offensives lancées depuis des mois par les Forces démocratiques syriennes (FDS) en Syrie et les forces gouvernementales en Irak pour le chasser de ses principaux bastions de Raqqa et Mossoul conquis en 2014. Dans le nord de la Syrie ravagée par la guerre, les FDS se sont emparées de plusieurs quartiers de l'est et l'ouest de Raqqa depuis leur entrée dans la ville le 6 juin.
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Ainsi, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS)  --  une force composée de combattants kurdes, arabes et chrétiens syriaques soutenue par les Etats-Unis en Syrie  --  cette force des FDS a pénétré, en profondeur, pour la première fois, dimanche 2 juillet 2017, dans le fief de l'Etat Islamique (EI) de Raqqa (ville syrienne composée à 90% d'Arabes musulmans et chrétiens et à 10% de Kurdes).
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Les Forces Démocratiques Syriennes progressent :
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Pour information, les chrétiens syriaques armés font partie du Conseil militaire syriaque (du commandant Abboud Seriane) qui a lutté contre l'EI dès 2013 et qui a intégré les FDS en 2016. Les jihadistes ont fait exploser les églises de Raqqa et ils ont forcé des chrétiens de la ville à se convertir à l'islam.
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Les médias occidentaux n'évoquent que très rarement le Conseil militaire syriaque (CMS), comme si les chrétiens syriaques ne participaient pas à la résistance armée contre l'Etat Islamique (à Raqqa, le CMS vient de libérer le quartier de al-Roumaniya).
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Sans doute, dans l'esprit de la presse européenne, les chrétiens syriaques sont juste assez bons pour se faire massacrer sans opposer de résistance armée, ce qui expliquerait son quasi-silence sur le CMS.
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Le dimanche 2 juillet 2017, les FDS ont pris le marché d'Al-Hal, à Raqqa, en passant par le sud et en traversant l'Euphrate, après une manoeuvre d'encerclement de la ville syrienne qui a pris des mois.
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Depuis leur première entrée dans Raqqa, le 6 juin 2017, les FDS s'étaient déjà emparées d'une poignée de quartiers dans l'est et l'ouest de la ville. Mais l'EI, encore présent à Raqqa, menace, une fois de plus, de contre-attaquer.
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L'ingérence turque en Syrie :
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De son côté, l'armée turque du dictateur islamiste Erogan a procédé à des tirs d'artillerie contre des positions de miliciens kurdes dans le secteur d'Afrin, en territoire syrien, dans la partie nord-ouest du pays de Bachar al-Asad. Il faut ici bien comprendre qu'Erdogan est en train de bâtir une Turquie islamiste, néo-ottomane, et post-kémaliste, bref, un Califat ottoman qui veut s'étendre au-delà de ses frontières actuelles.
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L'état-major turc a précisé que ce pilonnage à l'arme lourde est intervenu en "représailles" à des tirs d'armes automatiques, en territoire syrien, de la part des Unités de Protection du Peuple Kurde (YPG) contre des membres de l'Armée Syrienne Libre (ASL), une milice composée d'islamistes et qui est soutenue entre autres par la Turquie, notamment dans la région syrienne de Maranaz.
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L'armée turque a ajouté que les cibles visées ont été "détruites et neutralisées". De son côté, l'agence de presse turque Ihlas affirme, elle aussi, que les combattants kurdes des YPG ont procédé à "d'intenses tirs d'armes automatiques" contre l'ASL dans le nord-ouest de la Syrie.
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La Turquie "déplore" la récente décision de l'administration américaine de fournir des armes "sophistiquées" aux miliciens kurdes des YPG qui font partie des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) engagées dans l'offensive contre Raqqa.
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Les Etats-Unis considèrent les YPG comme un allié essentiel dans la guerre, d'une part, contre l'Etat Islamique (EI) en Syrie en général, et d'autre part, pour reprendre à l'Etat Islamique la ville de Raqqa, "capitale de fait" de l'EI en Syrie.
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Mais la Turquie estime que les Unités de Protection du Peuple Kurde (YPG) ne seraient rien d'autre qu'une "émanation" (ce qui est faux) du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation en lutte, en Turquie, contre le régime d'Erdogan.
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En fait, ce que le régime turc redoute le plus, c'est que les YPG transforment leur succès militaire contre l'EI en "conquête territoriale", en Syrie, à la frontière turque. L'allégation de l'impérialiste Erdogan selon laquelle le YPG kurde syrien et le PKK kurde turc ne feraient qu'un est donc totalement fausse. Et, de toute manières, les incursions militaires turques sur sol syrien ne reposent sur aucune légitimité.
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Pendant ce temps le conflit entre Saoudiens et Qataris :
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Mardi 4 juillet 2017 est censé être la date butoir de l’ultimatum de l’Arabie Saoudite eu égard à l’offre en 13 points faite au Qatar pour mettre fin au quasi blocus de ce pays depuis deux semaines. Or, ce délai vient d’être prorogé de 48 heures.
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La liste des 13 demandes élaborée par les saoudiens exigeait en particulier la fermeture d’une base militaire concédée à la Turquie, perçue comme un bastion des Frères musulmans, la fermeture de la chaine Al-Jazeera, appréhendée par les saoudiens comme un outil de propagande au service de ces mêmes Frères musulmans et l’arrêt des relations diplomatiques avec l’Iran.
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Ajoutons à cela la guerre entre l'Arabie saoudite et l'Iran au Yémen, ainsi que le rôle des Pasdarans iraniens et du Hezbollah libanais en Syrie et au Liban, et la boucle sera quasiment bouclée.
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Michel Garroté pour Les Observateurs, 4.7.2017
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Qatar & Syrie – Pourquoi la coalition occidentale frappe l’armée syrienne

    
Michel Garroté  --  Avant d'entrer dans le vif du sujet, rappelons que deux attaques simultanées ont eu lieu à Téhéran, en Iran, le mercredi 7 juin 2017, causant la mort d'au moins trois personnes. Les auteurs de l'attaque étaient des Iraniens, recrutés par l'EI. Une fusillade a éclaté à l'intérieur du Parlement avant qu'un homme s'y fasse exploser, tandis qu'un autre attentat-suicide a eu lieu au mausolée de l'imam Khomeiny, père fondateur de la République islamique d'Iran. Les deux bâtiments sont distants d'une vingtaine de kilomètres. Le groupe État islamique a revendiqué les deux attaques.
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Le Qatar et l'Iran :
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Rappelons que pour les Iraniens, les ennemis du régime chiite de Téhéran, ce sont les Américains, les Israéliens, les pétromonarchies sunnites du Golfe ainsi que les 70 groupes terroristes takfiri d’inspiration wahhabite qui sévissent sur la planète.
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Et toujours avant d'entrer dans le vif du sujet, notons que le Qatar tente de mettre au point une coordination avec l'Iran en Syrie, ce qui explique en partie la crise dans les relations, entre d'une part Doha, et, d'autre part, Riyad et ses alliés sunnites du Golfe. Pour Doha, il s'agit de réduire la tension, en Syrie, entre les groupes armés supervisés par le Qatar, et, les militaires et volontaires iraniens.
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Le Qatar et la Turquie :
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Allié du Qatar, le président-dictateur islamiste turc Erdogan a pris fait et cause pour l’émirat gazier, mis au ban par l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et leurs alliés arabes, qui l’accusent de complaisance envers des groupes islamistes radicaux et envers l’Iran. Le mercredi 7 juin 2017, le Parlement turc a approuvé le déploiement de troupes sur une base au Qatar.
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Signé en 2014, l’accord pour l’établissement d’une base militaire turque et pour l’entraînement et la formation des soldats qataris a ainsi été mis sur les rails plus tôt que prévu. Le nombre de soldats turcs présents sur place est pour l’instant d'environ 600 hommes.
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L'émir qatari Tamim ben Hamad al-Thani :
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Vu sous tous ces aspects, la publication des propos positifs -- de l'émir qatari Tamim ben Hamad al-Thani concernant l'Iran -- pourraient ne pas relever du hasard. L'aspiration du Qatar à établir une coopération avec l'Iran, y compris en Syrie, distingue la monarchie sunnite qatarie des autres monarchies sunnites du Golfe. Et cela ne change rien au fait que le Qatar et l'Arabie saoudite soutiennent effectivement, tous les deux, le terrorisme.
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Le Qatar et la Syrie :
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Pour entrer (enfin) dans le vif du sujet, il faut rappeler que la coalition dite internationale (en réalité pro-islamique), qui officiellement frappe l'Etat Islamique (EI), frappe également les forces pro-régime, alors que celles-ci commencent à l'emporter contre l'EI. Compliqué, pas vrai ? En effet, des combattants soutenus par Washington gagnent du terrain à Raqqa, ville syrienne habitée aujourd'hui à 99% par des Arabes sunnites et à 1% de Kurdes.
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La bataille de Raqqa :
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On peut même lire, dans la presse politiquement correcte, que la bataille fait rage à Raqqa ; que les forces arabo-kurdes syriennes soutenues au sol et dans les airs par les États-Unis tentent de progresser, depuis le jeudi 8 juin 2017, vers le centre de cette ville syrienne, au prix de violents combats dans le principal fief du groupe jihadiste État islamique (EI) en Syrie ; qu'au moins 17 civils ont perdu la vie dans des raids de la coalition ; et que le bilan de les frappes, menées dans la nuit du jeudi 8 juin au vendredi 9 juin 2017, pourrait encore s'alourdir, car des dizaines de personnes ont été blessées. Voilà pour la presse politiquement correcte.
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Sept mois après le début d'une offensive d'envergure qui leur a permis de s'emparer de vastes régions autour de Raqqa (nord), les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les Etats-Unis sont entrées dans le quartier de Mechleb, dans l'est de la ville. L'opération des FDS, baptisée "Bouclier de l'Euphrate", a consisté en la prise du quartier de Mechleb et de la citadelle de Harqal, située à deux kilomètres à l'extérieur des limites de Raqqa, sur une colline dominant la périphérie ouest.
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Les FDS :
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Formées en 2015, les FDS, théoriquement une alliance de combattants kurdes et arabes, opèrent avec l'appui de la coalition internationale qui leur fournit des armes, un appui aérien et les assiste au sol avec des "conseillers militaires". La présence de Kurdes au sein des FDS ne joue en réalité qu'un rôle peu important pour la cause kurde syrienne dans la mesure où Raqqa est actuellement habitée, comme déjà mentionné, à 99% par des Arabes sunnites.
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Les FDS ressemblent à une ramification du Front al-Nosra et autres organisations terroristes. Leur offensive à Raqqa est réalisée en coordination avec les Etats-Unis et l'EI. En revanche, les FDS ne coordonnent jamais leurs actions avec l'armée syrienne. Selon les Etats-Unis, les FDS aideraient à créer des zones de sécurité et des zones tampon. Mais en réalité les FDS coupent la Syrie de ses voisins.
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Raqqa et Al-Tanaf :
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Et la coalition internationale pro-islamique a également frappé des forces pro-régime près d'Al-Tanaf, non loin des frontières irakienne et jordanienne. Pourquoi ? Parce que les forces de Bachar al-Assad progressent désormais dans cette direction, après avoir remporté une série de victoires sur les islamistes à l'ouest.
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Et les forces pro-régimes étaient déjà bien avancées dans le pays lorsque la coalition a déclenché son bombardement à Al-Tanf. Que ce soit à Raqqa ou à Al-Tanaf, la coalition internationale pro-islamique et les FDS ne visent pas simplement à éradiquer l'Etat Islamique (EI).
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Elles visent aussi à torpiller, à chaque fois, les victoires des forces de Bachar al-Assad contre l'EI. L'Occident veut donc - bel et bien - remplacer les islamistes de l'EI par d'autres islamistes, comme nous l'avons écrit dès le début du "conflit syrien" en 2011. Et Donald Trump ne semble pas, du moins pas pour l'instant,  pouvoir ou vouloir, modifier cet état de choses.
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Qatar et Arabie saoudite - Suite et fin :
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Pour revenir au Qatar et à l'Arabie saoudite, l'excellent géopoliticien Alexandre Del Valle, explique tout cela comme ceci, dans une analyse publiée le vendredi 9 juin 2017 (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : "Arabie saoudite versus Qatar : quand le Tigre critique les griffes du Chaton. En rompant brutalement avec le Qatar, l’Arabie saoudite fait d’une pierre deux coups : elle se fait passer pour un allié fiable dans la lutte antiterroriste et anti-islamiste -- ce qui est en soi ubuesque et digne d’une l’intox soviétique -- et elle envoie un message au Qatar afin de le contraindre à rompre avec l’Iran et les Frères musulmans".
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Alexandre Del Valle : "En fait, on reproche non pas au Qatar de soutenir en soi des terroristes, puisque les Saoudiens les battent de très loin dans ce sport depuis des décennies, mais de soutenir certains terroristes frères musulmans actifs en Egypte et à Gaza, et d’une manière générale, la Confrérie des Frères musulmans, bêtes-noires des Saoudiens, des Emiratis et de l’Egypte".
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Alexandre Del Valle : "Non pas en raison de leur idéologie sunnite-islamiste, mais parce que la Confrérie inspire les seuls partis politiques islamistes 'démocratiques' capables de mobiliser les masses et de gagner des élections, donc de renverser les dictatures militaires ou tribalo-monarchistes en place dans le monde arabe et qui ont été très secouées par les révolutions arabes, elles-mêmes récupérées par les Frères musulmans".
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Alexandre Del Valle : "Le Qatar, bien que sunnite-wahhabite comme les Saoudiens, est accusé d’entretenir de trop bons rapports avec l’Iran et donc l’Axe chiite (Hezbollah inclus)", précise Alexandre Del Valle (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Michel Garroté pour Les Observateurs
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http://www.atlantico.fr/rdv/geopolitico-scanner/arabie-saoudite-versus-qatar-quand-tigre-critique-griffes-chaton-alexandre-del-valle-3075161.html
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