En ce dimanche, je le dis franchement, j’ai perdu sur tous les tableaux ! Tout ce que j’ai voté a été balayé devant le peuple. C’est la démocratie ma foi et je m’en remettrai. On doit accepter les règles du jeu et donc la défaite quand elle survient sinon cela ne fonctionne pas.
Cette campagne fut plutôt intéressante. J’ai eu des débats passionnés autour de l’initiative sur le renvoi notamment, avec des gens qui ne partageaient pas mon opinion mais qui la respectaient. Des gens qui arrivaient à comprendre que pour moi un cambriolage peut être un cas suffisamment grave qui justifie l’expulsion comme j’arrive à admettre, qu’à l’inverse, on puisse penser le contraire. Des gens honnêtes avec qui j’ai croisé le fer verbalement, rationnellement et sans tromperie. De beaux échanges, de grands moments de raisonnement, d’argumentation, en bref des joutes verbales de qualité dans le respect et la tolérance les uns des autres.
Malheureusement, tout le monde n’a pas forcément le temps, la volonté ou les capacités de s’informer et de se faire une idée rationnellement. C’est sans doute pour cela que des politiciens et militants de tous bords usent de stratagèmes plus que douteux pour faire pencher le vote en leur faveur. Ne nous voilons pas la face : les raccourcis, simplifications, omissions et autres mensonges ne sont l’apanage de personne. Dans tous les camps, on se sert des pulsions primitives que sont les émotions des gens pour faire triompher son camp. C’est inquiétant, la démocratie n’est pas faite pour fonctionner de la sorte. Si la raison et le respect des opinions divergentes ne sont pas à l’œuvre, il y a lieu de s’inquiéter : c’est là un terreau fertile pour la tyrannie.
Cela l’est d’autant plus lorsque ce sont les organes mêmes de l’état qui se mettent à agir de la sorte. Nombreux sont ceux qui dénoncent cette dérive. Et il faut bien avouer qu’ils ont raison. C’est ce qu’il ressort en tout cas du visionnage du 19 :30 de ce dimanche 28 février. Et ce alors même que la votation avait déjà eu lieu et que rien ne pouvait plus altérer le vote !
On a en effet pu voir débarquer sur le plateau du journal télévisé Bernard Rappaz, le responsable de l’actualité de la rédaction se fendant d’un commentaire absolument inouï de mépris pour l’immense majorité des votants. Selon lui, et je cite, ce dimanche a été la victoire de la Suisse rationnelle contre celle de l’émotionnelle. Ce qui signifie que ce monsieur dénie à plus de 40% de votants la capacité de raisonner. Nous ne sommes à ses yeux qu’une masse d’abrutis incapables de penser et tout juste capables de réflexes primitifs basés sur les émotions. J’ai bien dit plus de la majorité de la population car il ne fait aucun doute que tous ceux qui comme moi croient débattre avec des gens raisonnables mais ont voté non à cette initiative n’échappent pas non plus à la critique : on ne peut décemment pas faire usage de la raison lorsqu’on estime qu’autrui est raisonnable alors qu’il n’agit que sous la contrainte de ses pulsions émotives. En d’autres termes, si vous faites partie de la catégorie des gens qui ont voté oui à l’initiative de l’UDC ou simplement de celle qui tient les opinions divergentes comme étant le fruit d’une pensée respectable, alors vous n’êtes pas digne d’entrer dans la catégorie de ceux qui raisonnent avec leur tête !
Outre ce manque de respect flagrant pour la pluralité des pensées pourtant inhérente et nécessaire à la démocratie, ce 19 :30 fut également l’occasion de l’exécution d’un stratagème plus que douteux visant justement à exacerber les émotions : y furent interrogés trois secundos d’origine portugaise dont on a bien compris qu’ils étaient soulagés de l’issu du scrutin. L’ensemble du contexte laisse entendre que leur situation était également potentiellement visée par cette initiative. Le petit hic qui me permet d’affirmer qu’il s’agit d’une manipulation émotionnelle et pas d’une expression rationnelle se situe dans le fait que ces trois personnes sont naturalisées ! Et par conséquent, pas concernées par la loi. Oui les secundos criminels étaient également visés par l’initiative, mais uniquement ceux qui n’ont pas acquis la nationalité suisse ! Mais ça, le reportage s’est bien gardé d’en faire mention.
En l’espace de quelques minutes, les acteurs du 19 :30, et donc du service public se sont donc permis le luxe de dénigrer les opinions divergentes et d’user de stratagèmes douteux visant à toucher l’émotivité du téléspectateur pour le faire réagir, soit deux des mamelles nourricières de la déstabilisation du principe démocratique !
Ce dimanche soir a été un dimanche noir. Un dimanche noir pour tous ceux qui souhaitent vivre dans un pays dont le service public respecte et promeut les règles d’un jeu réellement démocratique.
Caïn Marchenoir, 29.2.2016