Stratégie énergétique 2050: Le rôle décisif du PLR

Bruno Pellaud
Bruno Pellaud
Physicien

Si le PRL peine à se positionner sur le dossier nucléaire, entre la vision favorable de Christian Wasserfallen à Berne et celle sceptique de la Conseillère d’État Jacqueline de Quattro à Lausanne (le premier prônant toutes les formes d’énergie) et la seconde d’innombrables éoliennes subventionnées dans le Gros de Vaud – qu’il s’abstienne sur les choix de technologies, qu’il laisse le dossier nucléaire à d’autres plus audacieux. Mais alors qu’il s’engage sur la forme et la mise en place de cette Stratégie énergétique fédérale pour y défendre des solutions proches du marché, non bureaucratiques et non étatiques et pour une branche électrique qui reste en mains cantonales, locales ou privées, et qu’il lutte contre une mainmise par la Confédération en toute fidélité à un libéralisme bien compris.

 

En septembre 2013, Le Conseil fédéral a soumis au Parlement son projet de Stratégie énergétique 2050, avec comme axes majeurs l'amélioration de l'efficacité énergétique, le plafonnement de la consommation d'électricité, la promotion massive des énergies renouvelables, le recours au gaz naturel et aux importations pour combler les faiblesses de ces dernières – comme alibi, la sortie du nucléaire et comme cadre politique, une quasi-nationalisation de la branche électrique suisse.

Depuis lors, la "Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE) du Conseil national (N) s’est réunie deux fois pour débattre du projet gouvernemental. Lors de la première séance de janvier, elle a tout d'abord supprimé ces objectifs chiffrés au pourcentage près de la réduction de consommation pour 2050, et encore déterminé que ce seront les entreprises électriques qui décideront selon les besoins du marché de la construction de centrales à gaz. Lors de la deuxième séance en février, elle se pencha sur la protection du paysage: "Elle souhaite cependant renforcer la protection des réserves de sauvagine et d’oiseaux migrateurs ainsi que la protection des biotopes d’importance nationale: dans ces zones, elle propose d’interdire les nouvelles installations destinées à utiliser les énergies renouvelables. A la troisième séance, le 31 mars, elle reprendra la discussion à partir du 40e article du paquet législatif qui en comprend quelque 120. La CEATE du Conseil des États commencera son travail plus tard.

PellaudWindmillNuclear26.3.14

Un certain silence médiatique prévaut quant à la Stratégie 2050 du Conseil fédéral pendant le travail de commission. Pourtant, c'est dans ces commissions que les jalons sont plantés. Les partis ne peuvent donc pas rester inactifs.

L'UDC a une position claire sur ces dossiers. Elle souhaite maintenir une infrastructure énergétique solide pour notre pays avec de solides moyens de production, sans plans quinquennaux de l'énergie, sans recours au gaz russe, sans importations soumises aux fourches caudines de l'Union européenne. Et avec le  maintien du nucléaire.

Le PDC, lui, tourne à tous les vents, tentant de réconcilier son expérience traditionnelle de l'énergie hydraulique de nos montagnes avec les rêves fous de son égérie du Conseil fédéral, Madame Doris Leuthard. Les élus du parti commencent à comprendre que la vague déferlante des subventions incontrôlées qui accompagne ces chères énergies renouvelables à travers l'Europe est en train d'anéantir les revenus de l'énergie hydraulique de nos montagnes. Oui, oublions l'augmentation des redevances pour les cantons propriétaires de l'eau; oui, faisons une croix sur le pactole des retours de concession de barrages nouvellement sans valeur.

Le parti libéral radical (PLR) a aussi de la difficulté à se positionner dans ce débat. Dans une prise de position étonnante en octobre dernier, le président du PLR, Philipp Müller, semblait partir à la dérive  en proposant que le parti s'aligne presque aveuglément sur la politique énergétique de Doris Leuthard, incapable de reconnaitre l'importance de l'enjeu. Notre collègue Stéphane Montabert avait pourfendu avec brio les propos de Philipp Müller dans ce journal ("Le PLR choisit d'être anodin"-22.10.2013) – "embarras, incrédulité, exaspération", écrivait-il

Stratégie 2050, ou l'antimarché, l'antilibéralisme, tout ce que le PLR doit combattre

Car en fait, dans la Stratégie énergétique 2050, ce n'est pas le nucléaire, ni même l'énergie elle-même qui se trouve au centre du débat; non, c'est la gangrène sournoise qui porte différents noms: dirigisme, étatisme, centralisation ou nationalisation.  L'ancien directeur d'Avenir suisse, Thomas Held a bien décrit cette situation:

Dans les États-providence bien développés, le changement climatique et les questions énergétiques ouvrent un vaste champ d’action étatique et bureaucratique pour légitimer une politique de nouvelles redistributions, une occasion très propice pour de nouvelles subventions, en particulier dans le domaine de la politique industrielle (un domaine d’habitude fort méprisé par ces milieux) … car… en raison de l’évolution démographique et de la mondialisation, mais aussi en raison de la crise de la dette, les domaines d’activité traditionnels de l’État-providence s’en trouvent réduits... Nous voyons ces temps-ci comment la scène Cleantech se profile comme un second lobby agricole, en exigeant des contributions étatiques selon la surface des panneaux solaires installés ou selon le nombre d’éoliennes, perçues comme de nouvelles têtes de gros bétail.

La Stratégie énergétique 2050 serait régie par une nouvelle loi qui sabote la branche électrique en la mettant à la merci des bureaucrates fédéraux. Exemples:

Les fournisseurs d’électricité doivent remplir les objectifs fixés en vue d’accroître constamment l’efficacité de la consommation d’électricité. L’objectif d’un fournisseur d’électricité correspond à une part annuelle donnée de ses ventes aux consommateurs finaux en Suisse. Le Conseil fédéral fixe cette part de manière identique pour tous les fournisseurs d'électricité à 2 % au maximum. (Art. 48)

 

Si les distributeurs d'électricité n'arrivent pas à suffisamment faire baisser la consommation de leurs clients, attention, le Père Fouettard les guette:

 

Les fournisseurs d’électricité qui n’ont pas atteint la somme de leurs objectifs annuels cumulés à la fin d’une période de trois ans doivent: a. s’acquitter d’une sanction; et b. remplir en outre pendant la période suivante la part d’objectif non réalisé. La sanction est de 5 centimes pour chaque kWh non atteint par rapport à l’objectif. Il n’est pas permis de la répercuter sur les consommateurs finaux. (Art.52)

Bref, c'est la mise en place d'une économie de guerre en temps de paix. Madame la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf le dit sans ambages: "Nous allons mettre la main sur ce secteur et le contrôler, comme pour l'agriculture".

PLR, réveille-toi!

S'il y un domaine qui appartienne de droit au PLR, c'est bien celui de la défense du libéralisme et de marchés les plus ouverts possible. C'est sa mission historique, une mission qui reste centrale à notre identité nationale et à notre prospérité aujourd'hui encore.

Dans une récente lettre privée d'ingénieur à ingénieur, le vice-président du PLR Christian Wasserfallen apporte les précisions suivantes: " Le PLR rejette de nouvelles redevances et plaide pour une suppression des subventions de tout genreQuant aux autres aspects de la future politique énergétique,  nous nous efforçons d'éviter la bureaucratie, de faciliter les investissements locaux au lieu de les entraver, et enfin nous demandons avec une pénible insistance que les mesures prises soient finançables. Nous rejetons strictement toute interdiction de technologie, telle que l'énergie nucléaire. Ce sont là des modifications essentielles à la stratégie énergétique du Conseil fédéral, des modifications que nous voulons apporter à celle-ci d'une manière bien "radicale-libérale".

Si le PRL peine à se positionner sur le dossier nucléaire, entre la vision favorable  de Christian Wasserfallen à Berne et celle sceptique de la Conseillère d'État Jacqueline de Quattro à Lausanne (le premier prônant toutes les formes d'énergie) et la seconde d'innombrables éoliennes subventionnées dans le Gros de Vaud - qu'il s'abstienne sur les choix de technologies, qu'il laisse le dossier nucléaire à d'autres plus audacieux. Mais alors qu'il s'engage sur la forme et la mise en place de cette Stratégie énergétique fédérale pour y défendre des solutions proches du marché, non bureaucratiques et non étatiques et pour une branche électrique qui reste en mains cantonales, locales ou privées, et qu'il lutte contre une mainmise par la Confédération en toute fidélité à un libéralisme bien compris.

Bruno Pellaud, 26  mars 2014

4 commentaires

  1. Posté par adalbert le

    C’est toujours un grand plaisir de lire sur ce site les excellentes contributions de Bruno Pellaud et de Jean-François Dupont sur la politique énergétique suisse et les problèmes suscités par la décision irresponsable de sortie précipitée du nucléaire, dictée sous le coup de l’émotion et par opportunisme politique pour certains, notamment au PDC.
    Afin de contrer le dogmatisme irrationnel des écolos et de la gauche sur cette question fondamentale, il importe en effet de retrouver dès que possible une majorité politique soudée au parlement en faveur de nos producteurs d’électricité et de la sécurité dans l’approvisionnement énergétique du pays avec un coût de l’électricité qui reste le plus bas possible. A cet effet, la balle est effectivement dans le camp du PLR, avec l’appui de l’UDC et de la partie la la plus raisonnable du PDC.
    Quant à la ministre Jacqueline de Quattro, qui visiblement s’est trompée de parti, tant ses prises de position dans le domaine énergétique sont calquées sur celles des écolos, les électeurs vaudois s’en souviendront lors des prochaines élections pour le renouvellement du Conseil d’Etat…

  2. Posté par Jean-François Dupont le

    Oui, la politique énergétique va dans le mur, avec le consentement, entre autre, du PLR. L’avertissement de Bruno Pellaud est sérieux, comme les deux commentaires précédents.
    Pour illustrer cet avertissement il vaut la peine de regarder ce qui se passe du côté des BKW-FMB (Forces motrices bernoises) : une des plus solides entreprises électriques du pays subit des pertes financières importantes et parle de se « réinventer ».
    Suzanne Thoma, CEO de BKW (Forces motrices bernoises), annonce:
    — lourdes pertes
    — BKW doit se “réinventer”
    — l’hydraulique n’est plus rentable
    — nouveau “modèle d’affaire”: ce n’est plus la production qui sera importante
    http://www.rts.ch/audio/la-1ere/programmes/le-journal-du-matin/5725514-le-groupe-bkw-doit-se-reinventer-interview-de-suzanne-thoma-27-03-2014.html

    Les BKW doivent:
    — se concentrer sur les éoliennes à l’étranger
    — et sur la mini-hydraulique en Suisse
    — développer les services, tout en diminuant la production
    http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/le-12h30/5702431-bilan-2013-douloureux-pour-le-groupe-bernois-bkw-26-03-2014.html?f=player/popup
    À bon entendeur…
    On en est là : une société électrique ne sert plus à produire et distribuer de l’électricité….
    Une réponse possible, pour ceux qui craignent pour leur approvisionnement en électricité des pannes et des tarifs élevés : cette plaisanterie qui circulait pendant la guerre du Liban selon laquelle le plus sûr pour draguer était de dire “viens chez moi, j’ai une génératrice”!

  3. Posté par Normandy le

    Je n’ai pas toujours été d’accord avec M. de Rougemont (à vrai dire je ne me manifestais que quand je ne l’étais pas!), mais en l’occurrence je l’approuve sans réserve! Et je trouve aussi que l’eau tiède que distille le PLR (qui à mon sens aurait justement pour vocation de s’opposer à l’arbitraire et aux inconséquences étatistes) est suicidaire pour lui et pour le pays. Des anti-nucléaires obsessionnels et dogmatiques de l’acabit de l’inénarrable Christian van Singer, aussi incompétent que péremptoire, ressemblent pourtant plus à des “tigres de papier” qu’à des armes… nucléaires. Aucune raison, donc, de leur laisser libre le champ de la politique énergétique.

  4. Posté par Michel de Rougemont le

    On débat et vote sur un tas de choses, par exemple sur le rail et les routes avec des milliards à la clé, mais sur la transition énergétique, rien !
    Un paquet de 120 articles est ficelé comme inévitable alors que les questions fondamentales n’ont pas été débattues:
    – sortie du nucléaire, pourquoi ? oui, non, un peu, tout, quand ? (ma réponse: non, jamais)
    – renchérissement de l’approvisionnement électrique par des “alternatives” couteuses en multiples investissement improductifs (photovoltaïque, éolien, pompage-turbinage, centrales à gaz d’appoint, nouveau réseau) et en coûts de fonctionnement élevés pour en fin de compte avoir les mêmes 220/380 V à 50 Hz à la prise. Quel progrès, quelle compétitivité !
    – systématisation des financements croisés par le biais de prélèvements et redistributions (RPC) et autres subventions. Un système de type mafieux: “tu paies un petit plus pour que je te protège”. Insoutenable (dans tous les sens du terme) !
    – rationnement de l’approvisionnement (rendu nécessaire à cause de l’inefficacité des mesures proposées). On n’est pourtant pas en guerre !

    On ne va pas pouvoir faire 120 référendums. Que faire alors que l’on discute déjà de chaque feuille, de chaque branche et de chaque arbre alors qu’on ne sait pas dans quelle forêt on est ?

    Oui le PLR devrait enfin sortir de sa torpeur et/ou de son indécision. Ou alors est-il attiré par les sirènes des investissements que bien des entreprises seront contentes de réaliser ? Mais cela valant aussi pour des alternatives aux énergies alternatives il ne devrait pas tomber dans ce piège.
    Mais le PLR n’est pas le seul. Les autres partis semblent comme lui sidérés par le commandement nouveau “Ton énergie transitioneras”, mot d’ordre dérivé des frayeurs nucléaires et climatiques.

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.