Faut-il rappeler que, face à l’ampleur du cataclysme de mars 2011, les autorités japonaises ont pu compter sur un seul couteau suisse, ses forces armées ou “forces d’autodéfense”, avec toutes leurs capacités aériennes, terrestres et navales. Au total, 100’000 soldats ont été mobilisés en l’espace de 72 heures et engagés jusqu’en septembre 2011
Dans une récente "Opinion" parue dans Le Temps (28.08.2012), la journaliste et historienne Joëlle Kuntz pourfend l'absence supposée de vision de nos militaires. A ses yeux, "l’armée ne sait plus comment dire à quoi elle sert. Elle a peur de parler de la guerre, du monde et de ses menaces, tant est sensible parmi nous le langage de la politique, corseté par les tabous de la neutralité". Notons d'emblée que, dans une démocratie, ce n'est pas à l'armée de "dire à quoi elle sert", mais bien au monde politique de le faire, sur la base d'une analyse de la menace, dont découlent dans le meilleur des mondes possibles des missions ou des "contrats opérationnels": quoi, avec quels moyens, et surtout dans quelle durée? Cela semble simple sur le papier, mais les débats actuels semblent démontrer le contraire.
Mme Kuntz a écrit une "Histoire suisse en un clin d'œil." A cette occasion, elle a pu certainement mesurer l'importance des sources dans tout travail historique. Or, dans son dernier billet, elle semble avoir totalement oublié que l'armée suisse, comme toute institution, vit et réfléchit, et qu'un "document de 2007" n'est plus forcément valable en 2012. Entretemps, un rapport sur la politique de sécurité, même imparfait, a été publié en 2010, ainsi qu'un rapport sur l'armée. Ces deux documents décrivent clairement la menace qui plane sur la Suisse. Celle-ci est connue et couvre un large spectre de cas possibles, loin d'appartenir à des fantasmes d'officiers en mal d'action. Par ailleurs, elle fait l'objet d'un suivi permanent, comme le rappellent les rapports annuels du service de renseignement de la Confédération (SRC). Encore faudrait-il prendre le temps de les lire ... Non, l'armée n'a pas peur de la guerre. Au contraire, elle doit s'y préparer, car il s'agit pour elle du cas le plus complexe et le plus dangereux. Elle seule dispose des moyens d'y faire face. Le fait qu'un tel cas ne soit actuellement pas ou peu probable ne change rien à sa complexité. Certes, les batailles de chars dans de grandes plaines appartiennent au passé, mais pas le combat en zone urbaine, au milieu des populations, avec l'emploi de moyens très différents comme des blindés, des fantassins, des chiens, des engins de génie ou encore des antennes médicales. Toute mission qui demande une grande préparation.
Si donc l'armée n'a pas peur de la guerre, est-ce aussi le cas du monde politique qui, depuis des années, pratique la politique de l'autruche, un peu comme dans les années 1920, en abusant des « dividendes de la paix »? Pour un Etat neutre comme le nôtre, qui a fait le choix d'assurer seule la défense de son territoire, une agression armée n'est peut-être pas un cas probable, mais cela reste le cas le plus dangereux. En ignorer les conséquences, c'est faire preuve d'irresponsabilité. Quant au tremblement de terre que Mme Kuntz monte en épingle, c'est non seulement un cas possible, mais surtout un cas probable dans notre pays. Cas d'autant plus grave que celui-ci se peuple et s'urbanise à une vitesse accélérée. Nos autorités s’y préparent (exercice «Seismo»).
Face à un tel cas et n'en déplaise à Mme Kuntz, le seul outil à disposition de la Confédération, c'est son armée. Faut-il rappeler que, face à l'ampleur du cataclysme de mars 2011, les autorités japonaises ont pu compter sur un seul couteau suisse, ses forces armées ou "forces d'autodéfense", avec toutes leurs capacités aériennes, terrestres et navales. Au total, 100'000 soldats ont été mobilisés en l'espace de 72 heures et engagés jusqu'en septembre 2011. Comment l'armée suisse ferait face à une situation extraordinaire comme un tremblement de terre dans la région de Bâle ou en Valais, des inondations de très grande ampleur comme en2005, voire un accident industriel type Schweizerhalle ou pire impliquant l'évacuation de plusieurs centaines de milliers de personnes? C'est là une question qui devrait nous interpeller actuellement, ainsi que les récents propos du Chef de l'Armée, lorsque celui-ci évoque les effets de futures économies sur la capacité de l'armée de faire face à une situation extraordinaire, que ce soit à l'intérieur du pays comme à l'extérieur. Or, ce qui est ici en question, c'est bien notre "résilience", c'est-à-dire notre volonté et notre capacité à faire face aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement notre capacité de fonctionner plus ou moins normalement. Pour un Etat neutre, c'est là une question cruciale. L'ignorer, c'est faire preuve d'irresponsabilité.
Rapport annuel du SRC: http://www.vbs.admin.ch/internet/vbs/fr/home/documentation/publication/snd_publ.html
je changerai quand même un mot, “corseté par les tabous de la neutralité ” les tabous de la neutralité, je remplace par “la peur de la gauche, du GsSA et autres ennemis de la Suisse, les fanatiques du multuculturalisme, etc.”.
le Japon vit toujours sous le pacte Meiji de 1876 (je crois), même que les américains ont imposé une nouvelle constitution au sortir de la deuxième guerre mondiale, dans leur tête c’est toujours l’Empereur qui “sait”.