Qui veut encore protéger la planète?

Pierre Kunz
Pierre Kunz
Ancien député PLR, Genève
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Il est de plus en plus difficile de nier sérieusement que les activités humaines et les effets qu’elles induisent sur l’environnement mettent potentiellement en danger les conditions d’existence de notre espèce. Mais la justification de la lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement durable ne peut faire appel qu’à la raison. Or celle-ci pèse peu face à la pression de l’immédiateté, aux émotions des peuples et aux opportunismes politiciens.

Constatant le discrédit que les circonstances récentes ont jeté sur les donneurs de leçons de ces deux dernières décennies, les climato-sceptiques n’éprouvent plus guère le besoin de faire valoir leur point de vue. Ils en sont même à se demander qui croit encore au développement durable ? Gageons qu’après le grand raout officiel « Rio + 20 » et le « Sommet des peuples » organisé en parallèle, sommet au cours desquels on a surtout parlé de sujets mineurs, les sceptiques n’auront pas besoin de sortir de la discrétion qui les caractérise depuis quelques mois.

Ils assistent avec satisfaction à l’embarras de ceux qui, avant la catastrophe de Fukushima, prétendaient détenir la vérité absolue en matière énergétique et de protection de l’environnement. Elus politiques, dirigeants des organisations écologistes et autres champions du « y-a qu’à, faut qu’on » se retrouvent en effet emprisonnés aujourd’hui dans les contradictions inhérentes aux discours qu’ils tenaient péremptoirement encore en janvier 2011. « L’avenir de la planète, affirmaient-ils alors, ne peut se concevoir que dans les énergies renouvelables, hors du nucléaire et des énergies fossiles. »

Le grand retour du charbon et du gaz

Il faut dire que jusque là les promesses et les certitudes qu’ils affichaient n’avaient pas encore été confrontées aux réalités technologiques, économiques et financières que le monde rencontre aujourd’hui. Plutôt bien disposés jusqu’ici à l’égard du monde idéal dessinés par les protecteurs de l’environnement, les peuples se trouvent désormais confrontées à des difficultés bien réelles et immédiates : déséquilibres géopolitiques, incertitudes de tous ordres, migrations mal contrôlées, chômage, réduction du niveau de vie. Pour eux la protection de l’environnement est passée aux oubliettes et ils exigent de leurs élus des solutions concrètes à leurs problèmes. Ils découvrent en même temps toutes les incohérences du discours vert d’hier. D’où, au cours des derniers mois, les décisions les changements de cap édifiants des gouvernements et les silences assourdissants des défenseurs de l’environnement.

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Les Américains ont au cours de la dernière décennie réduit considérablement leur consommation de charbon destiné à leur production d’électricité. Pourtant ils n’ont donné ainsi qu’une image trompeuse de « leur préférences pour les énergies propres et leur attachement à la protection environnementale » puisque d’une part ils ont parallèlement accru leur consommation de gaz, d’autre part … doublé l’extraction de charbon sur leur territoire afin de répondre à la demande chinoise qui ne cesse de croître et devrait doubler dans les vingt années à venir. Tout ca dans l’indifférence générale des défenseurs de la planète.

Quand le volontarisme se heurte aux réalités

En Suisse les milieux qui ont le plus chaudement salué la décision du Conseil fédéral de mettre à l’arrêt les centrales atomiques se sont empressés d’affirmer simultanément qu’il s’agissait d’entreprendre enfin, « avec le volontarisme requis », de substituer à l’énergie d’origine nucléaire les énergies renouvelables. Mais dans les faits, à une décision prise dans un contexte extraordinairement émotionnel a succédé un choix complètement contradictoire avec ce discours et les engagements internationaux pris par le pays de lutter contre le réchauffement climatique. Le choix de construire à la place de ces réacteurs, soi-disant à titre transitoire, plusieurs centrales à gaz. C’est que les énergies renouvelables, dont on nous affirmait il y a encore peu de temps qu’elles représentaient de « gisements colossaux », apparaissent soudainement bien moins prometteuses. Or chacun commence à en convenir : elles ne couvriront jamais plus de quelques pourcents des besoins.

De si coûteuses économies !

Quant aux économies d’énergie liées à l’assainissement des bâtiments, dont on nous a dit et redit qu’elles constituent « la solution la plus intelligente et la plus économique », on découvre qu’une fois réalisées elles conduiraient certes à des réductions substantielles (jusqu’à 70 %) des émissions de CO2. Hélas, le coût de cet assainissement s’avère quasiment insupportable. Par exemple, selon une étude récente d’une ONG écologiste, rien que pour Genève il dépasserait 36 milliards de francs, soit l’équivalent du PIB cantonal annuel.

Il faut aussi mettre en exergue, à la faveur de la hausse des cours, le démarrage sur tous les continents de la mise en valeur des gaz de schiste et des pétroles tirés des sables bitumineux, de même que la relance de l’exploitation du pétrole en mer profonde. Or, même dans les milieux écologistes, on ne fait plus qu’incidemment référence aux graves dangers qu’on nous dépeignait à propos du recours à ces sources énergétiques, ceux-ci semblant devenus subitement plus acceptables que la menace nucléaire.

Enfin, les graves ennuis des autorités au sujet de l’endettement public massif et généralisé de l’Occident ont mis encore plus crûment en lumière la légèreté des discours écologistes et précipité la disparition de la préoccupation environnementale de l’agenda. Sensé « gouverner et prévoir » le monde politique, oublieux de tous ses engagements antérieurs, tourmenté par sa survie et par les problèmes journaliers que rencontrent ses électeurs, juge ces bouleversements à la lumière de ses intérêts et avec le détachement qui le caractérise toujours lorsque le vent change d’orientation. Pas étonnant que pour lui l’immédiateté ait pris clairement le dessus sur les exigences du long terme.

Les observateurs, demain, ne manqueront pas de montrer que l’effet le plus direct de la « précaution antinucléaire » de ce début de millénaire aura été de mettre un terme à la lutte pour la protection climatique. Avec quelles conséquences et jusqu’à quand ?

Un commentaire

  1. Posté par Denys Pierrehumbert le

    Restons sérieux. Les dangers du nucléaire sont connus et bien réels. Le réchauffement climatique anthropique n’est lui qu’une légende entretenue par une pseudo science à bout de course. Limitons le recours aux énergies fossiles, oui, l’environnement ne s’en portera que mieux et nous gagnerons en indépendance énergétique, cela est précieux. Mais ne faisons pas cela en renforçant le nucléaire !

    Les organisations écologistes sont en effet tombées dans un piège en adhérant à la religion du réchauffement climatique. Elles ont favorisé des solutions dangereuses pour l’environnement afin d’éviter une menace en réalité inexistante.

    Beaucoup de petites mains ont participé à cette entreprise grotesque probablement parce que des retombées sonnantes et trébuchantes étaient attendues (elles n’avaient pas tort sur ce plan là). Même notre respectable Météo Suisse s’est prise au jeu en donnant son petit coup de pouce maison au réchauffement.

    http://www.meteosuisse.admin.ch/web/fr/climat/climat_en_suisse/homogenisieren.Par.0035.DownloadFile.tmp/comparaisonoriginalhomogene.pdf

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