Il est rassurant que des mythes survivent encore à cette entreprise de formatage historique…
C’est ainsi que l’historien critique Dominique Dirlewanger, auteur de Tell me: la Suisse racontée autrement (éditions ISS-Unil, 2010), décrit le général Guisan et son rôle durant la Seconde Guerre mondiale. Pour un historien obsédé pour le commerce et le « capital financier », il n’est pas étonnant de minimiser l’action du commandant en chef de l’armée suisse, général d’une faible armée par la faute des parlementaires de gauche. Déjà à cette époque, la logique des « dividendes de la paix » les animait. A cette question « Pendant la guerre, les soldats ont-ils joué un rôle dans le maintien de l’indépendance du pays? », Dirlewanger donne cette réponse apparemment mesurée : « Le 25 juillet 1940, le général Guisan convoque tous les officiers supérieurs de l’armée au Grütli (…).
Il y expose la stratégie du « Réduit national ». En cas d’attaque, l’ennemi fera face à une guérilla et les routes seront rendues impraticables par le minage des tunnels et des ponts. Toutefois, cette stratégie a le désavantage de laisser les centres urbains et industriels à la merci des troupes d’invasion. Certains historiens estiment même que le Réduit national est un signe d’apaisement fait au régime nazi, un signe que la Suisse défendra les axes alpins cruciaux pour les échanges économiques entre l’Allemagne et l’Italie. Enfin, la démobilisation partielle des troupes offre un surcroît de main-d’œuvre aux industriels exportant vers l’Allemagne ». A la lecture de cette explication, on se demande si certains historiens critiques n’auraient pas souhaité secrètement que Berne ou Zurich connaissent le sort de Varsovie ou de Rotterdam et qu’un régime collaborationniste comme celui de Vichy se mette en place en Suisse … Avec une armée aussi « faible » matériellement, dépourvue d’armes antichars et d’une aviation dignes de ce nom, Guisan adopta bien une stratégie réaliste, dissuasive, économe en vies humaines, en particulier les vies civiles. A quoi bon risquer un massacre sur le Plateau suisse face à des forces largement supérieures, sans aucune chance de succès ? Poser la question, c’est y répondre. Un chef militaire reste avant tout un homme et, en Suisse, un citoyen-soldat, dont la réflexion ne peut s’arrêter aux seuls aspects strictement militaires. C’est ce que Guisan dit en 1953, dans ses entretiens avec Raymond Gafner : «Il faut bien se rendre compte d’une chose, c’est que le commandant en chef ne peut exercer ses fonctions dans toute leur plénitude que s’il s’intéresse non seulement aux questions militaires – la sécurité du pays d’abord, bien entendu – mais secondement à l’économie du pays, qui joue un rôle. Il faut bien que le pays vive et pour cela on ne peut lui enlever tous ses bras. Parce que le moral de l’armée dépend du moral du peuple» (p. 57) . Dans ces conditions, la démobilisation partielle des troupes a toujours été une caractéristique de l’armée «de milice» et elle répondait à un besoin vital : faire vivre le pays.
Guisan, emblème suisse romand et … vaudois
Guisan aurait donc été «un arbre dans la forêt». Pourtant, cet arbre a laissé des racines suffisamment profondes pour que les Romands l’élisent «Romand du siècle». Quant aux lecteurs de 24 heures, ils l’ont désigné personnalité vaudoise des 250 dernières années dans la catégorie «Institutions». Evidemment, aux yeux des historiens critiques, de tels résultats doivent laisser songeurs : la vivacité du mythe, l’âge des personnes qui ont participé aux choix, … Mais est-ce vraiment le cas ? A force de crier au mythe, d’ignorer, voire de nier le rôle de l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale et plus généralement depuis la création de l’Etat fédéral, les historiens critiques entendent imposer leur vision mono-causale de l’histoire suisse, ou plutôt du capitalisme suisse. Il est rassurant que des mythes survivent encore à cette entreprise de formatage historique.
Nul doute en effet pour qui a tant soit peu de connaissances stratégiques et des problématiques de la seconde guerre mondiale vue de Suisse, que le général Guisan fut un des plus grands commandants en chefs du continent. Un des seuls (avec le Maréchal Mannerheim en Finlande à la même époque) qui sut faire adopter à son gouvernement une posture militaire absolument originale et de nature à sauver ce qui pouvait l’être dans une époque d’une incroyable complexité et d’un risque sans précédent. De plus et par là, l’Armée suisse parvint à cet exploit de littéralement dissuader les armées de l’Axe d’envahir un pays pourtant capital pour les communications terrestres et aériennes entre les théâtres d’opération nord et sud du continent. Ceux qui critiquent le général Guisan sont soit malhonnêtes soit ignorants des enjeux de l’époque. En tous cas ils ignorent tout des responsabilités d’un militaire du niveau suprême.
A.L-B France
Ces historiens dits critiques vivent éloignés de la réalité, hélas !
Alors que viennent-ils nous parler de cette guerre avec une vision déformée ?