Fils d’une des plus grandes familles de boyards (ses ancêtres s’illustraient déjà au XIIIème siècle, et l’on compte parmi eux aussi bien Alexandre Nevski que les maréchaux Sourvorov et Koutouzov…), le comte Cheremetiev, solidement campé dans sa quatre vingt quinzième année, nous reçoit dans son appartement de Paris auprès de sa femme Huguette - qui n’accepta de paraître à l’écran qu’au dernier moment. Les Cheremetiev, qui acquirent au fil des siècles une immense puissance terrienne et immobilière continuellement placée au service du tzar (c’est d’ailleurs elle qui, au XVIème siècle, mis les Romanov sur le trône...), prirent de plein fouet la Révolution communiste, qui emprisonna ou assassina la plupart de ses héritiers et organisa la confiscations de leurs biens. La grand-mère de Pierre réussit à gagner Paris avec six de ses huit enfants : pour nous, il relate leur installation en France, son enfance au Maroc, son amitié inattendue avec Mohamed V, ses études d’architecte boulevard Raspail (il sortit premier de sa promotion, et la France lui doit plusieurs monuments de renom) et par dessus tout le service de la musique, qui le conduisit, à la demande du maître lui-même, à diriger pendant près de 40 ans le Conservatoire Rachmaninov. Car ce prince infatigable (il fonda et présida longtemps l'Union internationale des compatriotes russes vivant à l'étranger, qui représente aujourd'hui les intérêts et protège les droits de 40 millions de personnes), qui nous confie avec une grande délicatesse quelques unes de ses vues sur le monde, la Russie, Vladimir Poutine et la France d’aujourd’hui (notamment son admiration pour Philippe de Villiers), ce pianiste, chanteur, à l‘occasion acteur, est avant tout un esthète, pour qui servir son peuple consiste à l’élever dans les arts et les œuvres de l'esprit - l’une de ses plus grandes fiertés est d’implanter des conservatoires dans plusieurs villes de Russie. "La tâche de la véritable aristocratie est de servir son pays" répète-t-il, avec un sourire où laisse poindre l’espoir, si mince en un temps ravagé par les oligarchies, que la tradition aristocratique est moins un souvenir qu’une promesse. Remercions M. Valentin Gaure d’avoir si bien su organiser cette trop courte mais très riche rencontre.
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