Le Figaro explore la situation complexe de Sciences Po Paris, une institution de prestige au cœur du 7e arrondissement de Paris, qui traverse une période de turbulences financières et de réputation. L'institut Mccourt, un bâtiment moderne inauguré en 2022 pour marquer le 150e anniversaire de l'école, a été financé par Frank Mccourt, milliardaire américain et propriétaire de l’Olympique de Marseille. Ce partenariat, d’une valeur de 25 millions de dollars sur dix ans, a récemment été perturbé lorsque Mccourt a suspendu son financement annuel de 2,5 millions de dollars, citant des préoccupations sur la gouvernance de l'école plutôt que sur les manifestations étudiantes liées au conflit israélo-palestinien.Malgré cette décision, les grandes entreprises partenaires de Sciences Po, telles qu’Eiffage et Schneider Electric, ont confirmé leur soutien à l'institution. Elles minimisent l'impact des récents troubles sur leur partenariat, soulignant que les agitations étudiantes ne devraient pas entacher la relation avec l'école.
Les mauvaises langues pourraient répondre que l’école se débrouille très
bien seule pour se saborder. En 2022, le syndicat étudiant Unef et le
collectif Zéro fossile avaient eu la peau d’un partenariat avec
Totalenergies jugé «climaticide», vieux de vingt ans, qui n’avait pas
été «reconduit» en toute discrétion, pour ne pas effrayer les autres
partenaires.
Cependant, l'image de Sciences Po est ternie dans le monde des affaires, avec des signes que certains cabinets et entreprises commencent à se détourner des diplômés de l’école en raison des controverses récentes. Un cabinet d'avocats aurait même décidé de ne plus accepter de stagiaires de Sciences Po, et d'autres entreprises réduisent la visibilité des candidatures de ses étudiants, craignant les répercussions sur leur image publique.«Dans les milieux que je fréquente, on entend l’idée que Sciences Po est
en perdition», s’inquiète un haut fonctionnaire. À tel point qu’un
grand cabinet d’avocat confie refuser des stagiaires issus de Sciences
Po, après les manifestations qui ont entaché l’image de marque de
l’école. D’autres rangent les CV de sciencepistes en bas de la pile
entassée sur leur bureau. « Un CV Sciences Po, je ne le regarde même
plus », explique un cadre dans la banque qui craint d’être un jour
affiché sur les réseaux sociaux par un employé ou un stagiaire pour une
blague jugée déplacée.En interne, Sciences Po fait face à des critiques concernant son équilibre financier. Le budget de l'école, de 200 millions d’euros en 2019, repose de plus en plus sur les contributions des mécènes et les frais de scolarité, alors que les subventions étatiques représentent une proportion décroissante. Sous la direction de Richard Descoings, les dépenses ont explosé, augmentant la dépendance de l'école aux fonds privés et aux frais de scolarité élevés. Des dépenses importantes ont été engagées dans l’internationalisation et l'expansion des campus, ce qui, bien que sauvant l’institution d’un déclin certain, a également contribué à sa fragilité financière.Pour 200 millions d’euros de budget en 2019, le dernier rendu public, les subventions étatiques pèsent 69 millions d’euros, soit 35 %. C’était 66 % en 2000 et 50 % en 2010. Le reste se partage entre l’argent des mécènes et des frais de scolarité en constante augmentation. Sciences Po a beau se targuer d’avoir ouvert socialement l’école, avec la création, en 2001, d’une voie d’accès spécifique pour les lycéens en zone d’éducation prioritaire (ZEP), il faut débourser toujours plus d’argent pour y suivre sa scolarité. Comptez 13 190 euros au maximum pour une année de licence et 18260 euros en maîtrise, contre 2,74 francs par jour en moyenne en 1987 (80 francs par mois). «Moins que le prix d’un café», raconte l’ancien directeur de l’école Richard Descoings, mort dans des circonstances très troubles, dans son livre Sciences Po. De La Courneuve à Shanghaï, publié en 2007.Disparités salarialesLe controversé directeur Descoings, homosexuel notoire décédé de façon brutale à New York en 2012, a fait exploser le train de
vie de l’école en prévoyant une hausse, toujours en vigueur, de 3 % de
rémunération par an pour le personnel, soit 1 200 personnes. Une façon
d’« acheter la paix sociale » face aux éventuelles contestations sur sa
gestion de l’aveu d’un fin connaisseur de la maison, et de « lier les
mains de ses successeurs » avec ces accords. Lui parle de « populisme en
cravate » ou de «démagogie chic ». En 2011, Mediapart révèle aussi que le directeur émarge à 25 000 € mensuels en plus de jouir d’un chauffeur et d’un appartement de fonction. Un
salaire proche de celui octroyé aux dirigeants d’universités
américaines, et très au-dessus d’un directeur d’établissement du
supérieur, dont les émoluments de l’époque plafonnent à 6 000-7 000
euros par moisLes
émoluments de la direction et les augmentations annuelles du personnel
passent d’autant plus mal en interne que la paie des enseignants
vacataires, elle, n’a pas bougé d’un iota, comme celle des maîtres de
conférences, qui atteint péniblement les 25 euros de l’heure. « Sciences
Po joue à l’entreprise moderne quand ça l’arrange, peste un vacataire.
Elle ne doit pas oublier que c’est grâce à nous que le système peut
perdurer et que l’école est reconnue en France et à l’étranger. » Un
autre enseignant est plus philosophe. « De toute façon, on vient à
Sciences Po pour le prestige, pas pour l’argent. Et, soyons honnêtes, on
préfère tous donner des cours à Saint-Germain-des-Prés plutôt qu’à
Jouy-en-Josas. » Mais, si les crises mettent à mal la réputation de
l’école, les professeurs se bousculeront-ils toujours pour distiller
leur savoir rue Saint-Guillaume?
Les étrangers, une poule aux œufs d’or pour l’établissementC’est justement sous « Richie» (1996-2012), Descoings était américanomane, que les dépenses de Sciences Po ont explosé, contribuant à fragiliser l’équilibre financier de l’institution et à la rendre dépendante des fonds privés et des étudiants. Elles s’élevaient à 54,7 millions d’euros en 2000, puis à 127 en 2010 et à 196,50 aujourd’hui. Le choix du plus célèbre des directeurs de transformer l’école en une multinationale comme une autre n’y est pas étranger. De l’aveu de tous, l’internationalisation a permis de « désenkyster » Sciences Po, elle l’a sauvé d’un déclin assuré à l’heure de la mondialisation. Mais ce n'est pas sans impact sur le niveau (en baisse en français et en culture générale) et la gauchisation de l'institution (l'anglo-saxonisation a rimé avec radicalisation wokiste).Cette internationalisation a aussi déstabilisé une vieille maison sortie de terre en 1872, et généré des dérives. « Sous Descoings, la stratégie s’est résumée à “toujours plus” : plus d’élèves, plus de campus, plus de profs prestigieux et plus de partenariats » [et plus d'anglais], résume une ancienne professeur. Des campus en province ont poussé au Havre, à Reims, à Poitiers, à Nancy, à Dijon, à Poitiers…, avec chacun une vocation particulière (le campus du Havre est tourné vers l’Asie, celui de Menton est orienté vers les pays arabes, etc.).Les étudiants, 5600 en 2004, sont 15 000 deux décennies plus tard, dont la moitié d’étrangers qui sont une poule aux œufs d’or pour l’établissement hors Union européenne, ils paient plein pot en matière de frais de scolarité.
Extrait de: Source et auteur
Genre papier ”Q” !
”« Un CV Sciences Po, je ne le regarde même plus »”
Cet établissement ”zélitaire” est complètement sclérosé, pourri de l’intérieur … !!