Extrêmement politique

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Aux yeux du ministère de l’Intérieur, le Rassemblement national est d’« extrême droite ». Un étiquetage peu éthique et peu équilibré, alors que de l’autre côté du spectre politique, LFI ne se voit pas qualifié d’extrême.


Le RN est-il d’extrême droite ? D’un point de vue topographique, la réponse ne fait pas de doute. Sur les bancs de l’Assemblée nationale, les députés marinistes siègent bel et bien à l’extrémité droite de l’hémicycle, tandis que le groupe communiste ferme le bord gauche. D’un point de vue philosophique en revanche, parler d’« extrême » relève du parti pris, si ce n’est de la mauvaise foi.

Peut-on taxer d’extrémisme une formation qui a défilé contre l’antisémitisme le 12 novembre, a majoritairement approuvé la constitutionnalisation de l’IVG le 4 mars, et s’est abstenue, huit jours après, lors du vote au Parlement sur la stratégie de la France en Ukraine (alors que La France insoumise prenait quant à elle une position nettement moins consensuelle en se prononçant contre) ? Ne serait-il pas plus honnête de parler de « droite populiste », de « droite autoritaire » ou de « droite nationaliste » ?

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Place Beauvau, on refuse de se poser la question. Les circulaires préfectorales continuent de ranger les candidats du Rassemblement national à l’extrême droite. Une pratique validée par le Conseil d’État le 11 mars, suite à une plainte pour atteinte à la « sincérité du scrutin ». Pourtant, à l’autre bout du spectre politique, ni LFI ni le PC ne sont classés à l’extrême gauche par le ministère de l’Intérieur, qui réserve cette catégorie au NPA et à Lutte ouvrière, à juste titre du reste puisque ces deux groupuscules prônent rien moins que le renversement de l’État, la fin de la propriété privée et le soutien au Hamas. Bien sûr, un simple adjectif ne fait pas l’Histoire, et les Français ne sont pas dupes de la sémantique du pouvoir quand elle est caricaturale (on ne saurait en dire autant des médias qui se conforment au vocabulaire administratif avec un curieux plaisir).

Mais à l’heure, où, au nom du pluralisme, il est demandé à l’Arcom de soupeser avec un zèle appuyé chaque parole politique exprimée sur nos ondes, on peut se demander si, pour paraphraser Albert Camus, mal nommer un parti, ce n’est pas ajouter au malheur de la démocratie.

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