La France n’a pas de pétrole, mais elle a des écolos qui ont des idées. Ils ont tellement d’idées (sur tout, et surtout des idées) qu’il ne se passe plus une semaine sans que l’un ou l’autre groupe de ces frétillants militants de l’Ascétisme Pour Autrui ne pondent une vibrante tribune en faveur de nouveaux quotas ou de nouvelles restrictions qui garantiront enfin une avancée décisive de l’humanité vers un futur aussi riant que – forcément – sobre.
C’est ainsi qu’on retrouve des chroniques, régulières maintenant, s’étalant avec délice dans le catastrophisme médiatique dans lequel notre avenir ne tient plus qu’à un fil ; ce dernier, condition de notre survie, se résumant essentiellement à expier nos fautes par différents moyens, bizarrement mais systématiquement tous coercitifs.
De façon répétitive donc, on retrouve dans les médias, avec une entêtante constance, un appel à nous serrer toujours plus la ceinture. Parmi ces appels, il est difficile de ne pas noter les trépignements de certains à vouloir imposer de fermes limitations énergétiques, rebaptisés pudiquement « quotas carbone » pour faire croire à un quelconque lien avec le dioxyde de carbone.
Une fois débarrassés de leur gangue de novlangue écolo, ces appels sont tous calibrés de la même façon : quels que soient les problèmes réels ou imaginaires soulevés, il existe un coupable évident, pratique et systématique à savoir l’humanité qui, une fois soigneusement taxée, contrainte et limitée afin d’expier sa faute, pourra échapper à l’apocalypse si et seulement si elle se laisse diriger par une élite éclairée.
« Permis carbone », « pass énergétique », « quota carbone » : les appellations changent, les titrailles s’enchaînent et chaque semaine de nouvelles propositions sont publiées rappelant que, déjà, quelques députés sont favorables à cette nouvelle bordée de restrictions sévères consistant essentiellement à imposer une limitation énergétique à chaque individu : grâce à ce procédé, chaque citoyen peut être contraint jusque dans son intimité à limiter toutes ses activités, à ne faire que ce qui est approuvé et ne plus avoir ni le droit ni le temps, ni l’énergie pour faire ce qui lui plaît.
Dans ce monde réjouissant, finis les vols aériens (quatre pour toute une vie suffisent), haro sur la voiture individuelle (à plus forte raison lorsqu’elle roule au pétrole), la consommation électrique devient millimétrée et on impose bien sûr une interdiction totale de tout gaspillage (sauf pour l’État). Moyennant beaucoup de verdure, le goulag éco-conscient sera plus joli.
Du reste, ne comptez pas non plus compenser ces restrictions par quelques douceurs gustatives : l’écologisme militant d’écrabouillement des dissidences climato-catastrogènes entend bien s’immiscer aussi dans votre nourriture, du petit-déjeuner au souper en passant par le quatre-heures à moteur (électrique et encore).
La transition écologique passera par la bouffe, vous n’y couperez pas et il suffit pour s’en convaincre d’éplucher les propositions de groupes de lobbies actuels (finement renommés « Instituts » pour mieux vendre leur soupe) : pour l’un de ceux-là, l’IDDRI, il est même encore laissé trop de latitude à l’individu lorsqu’il va faire ses courses et l’imbécile continue donc d’acheter ce dont il a envie (l’insupportable égoïste) sans trop se soucier du climat, de l’environnement, de la pollution et des ours polaires.
Pour l’IDDRI, il est manifeste que la transition écologique repose encore trop sur l’individu, ce petit mammifère pénible qui, jusqu’à présent, se passait pourtant trop bien d’eux. Il faut mettre un terme à toute cette belle liberté de reprendre deux fois des pâtes.
Car fondamentalement, cette liberté est inégalitaire : devant les incitations (ou le tabassage fiscal) propulsant des objectifs écolos jusque dans la nourriture, les riches vont faire attention et devenir de bons petits « consom’acteurs », manger bio et sain, alors que ces sommateurs de pauvres vont continuer à manger des trucs mauvais pour la santé au motif ridicule qu’ils ne sont pas chers, les
consimbéciles.Las : comme il y a plus de pauvres que de riches, tout ceci va ruiner les efforts de la transition écologique bien visible, en plus d’accroître les méchantes inégalités que ces comportements différents entraînent inévitablement.
La conclusion est sans appel : il faut dilapider l’argent public pour médiatiser et promouvoir, puis contraindre, interdire et empêcher, limiter par la loi, réguler de tous les côtés et tailler en pièces la liberté individuelle, le tout en utilisant des mots inventés de toutes pièces comme « surmarge » (qui ne ressemble pas à surprofit ou hyperprofit pour rien, bien sûr). Pour cela, on enchaînera des propositions d’une originalité folle, comme notamment des « chèques alimentations » (en plus des écochèques, des chèques carburant et autres chèques repas de mon cul sur la commode que les Français collectionnent à présent comme autant de petits tickets de rationnement).
Bien évidemment, il faudrait, comme l’IDDRI le préconise, mettre en place un « délégué interministériel à l’alimentation » car c’est bien connu, rien de tel qu’un comité Théodule de plus dans les couloirs feutrés de notre République : il va tout changer, tant il est vrai que les milliers de Théodule précédents ont tout changé.
On déplore néanmoins l’absence de proposition d’un Grenelle de
la bouffel’alimentation ou d’un numéro vert qui manque à cette Panoplie du Petit-Étatiste « made in China »… Gageons qu’il s’agit d’un simple oubli qui masque évidemment une vraie volonté de mettre en route ces deux colifichets obligatoires de la réponse politique française à tous les problèmes modernes.Notons aussi l’absence encore louable de toute proposition de passer à l’entomophagie. L’IDDRI comprend probablement que le grignotage de grillons et de vers de farine ne fait pas encore recette auprès des Français et qu’il faudra patiemment attendre encore un peu (les premières famines ?) avant ce genre de solutions. En attendant, rassurez-vous, l’élimination de la viande et son remplacement par des feuilles de salade flexitariennes restent à l’ordre du jour.
Quotas carbone, pistage de votre alimentation jusqu’au moindre petit pois… Les signaux sont encore discrets, mais ils sont persistants, répétés et de moins en moins faibles : il faut absolument imposer l’ascétisme, les contraintes de la limitation et du jeûne alimentaire et énergétique, à tous, tout le temps.
En réalité, on cache mal le fait que la France s’appauvrit. On cache mal que l’hystérie écologique est maintenant permanente. On cache aussi fort mal qu’il faut maintenant pousser les gens à s’habituer à des pénuries de ce qui nourrit vraiment (de la vraie viande par exemple) ou de ce qui permet de vraiment chauffer son foyer.
À force de quotas, de mesures de coercition plus ou moins feutrées, on impose aux individus de se départir de plus en plus rapidement de tout ce qui fait le sel de la vie, à commencer par la liberté de choisir ce qu’on va mettre dans son assiette ou de prendre des douches chaudes plutôt que froides.
Cela va très bien se passer.
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