Le fonds Marianne de Schiappa a financé des contenus politiques en période électorale ciblant la Nupes et le RN

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Son interview retentissante dans Playboy n’aura pas suffi à éteindre la polémique. Depuis deux semaines, Marlène Schiappa n’arrive pas à s’extirper d’une affaire de financements publics, du temps où elle était ministre déléguée chargée de la citoyenneté. En cause : la gestion du fonds Marianne, lancé quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020.

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Les liens de proximité de « Reconstruire le commun » avec la nébuleuse du Printemps républicain ne s’arrêtent pas à la tête de l’association. Plusieurs autres de ses membres ont en effet collectivement cosigné une tribune dans Marianne, le 24 mars 2022, pour remettre leur conception de la laïcité au cœur de la campagne présidentielle. « Cette tribune n’a rien à voir avec l’appel à projets », assure l’un des signataires, Assouan Bougherara, prestataire de la structure.

Cet ancien responsable des « Jeunes avec Macron » dans les Alpes-Maritimes indique que l’initiative a été lancée par son « amie » Louise El Yafi – que l’on retrouve également derrière plusieurs productions de l’association – afin « d’affirmer l’existence d’une jeunesse encore sensible aux enjeux de l’universalisme ». L’autre initiateur de cette tribune était l’ancien socialiste Pierre Juston, lui aussi très proche du mouvement présidé par Amine El Khatmi. 

À la différence de l’USEPPM, pour laquelle se pose aujourd’hui la question de ce qu’il a été fait avec le fonds Marianne, « Reconstruire le commun » a effectivement produit, de janvier 2022 à août 2022, 57 vidéos diffusées sur une chaîne YouTube, baptisée « Comme Un », à destination des jeunes. Dans ce cas précis, ce n’est pas leur existence, mais bien leur contenu qui interroge. D’autant plus qu’elles ont été diffusées en pleine séquence électorale présidentielle-législatives.

Dans des formats courts « Nos croyances à la loupe », Louise El Yafi, qui relaie elle aussi régulièrement les membres du Printemps républicain, « décrypte » plusieurs concepts dans un parti pris évident, sans contradiction. Le 6 mai 2022, par exemple, elle s’appuie sur les propos de Manuel Valls sur « l’islamo-gauchisme » pour affirmer qu’il existe « un mélange des genres entre militants de gauche et militants disons teintés d’une religion ou vraiment militants islamistes ». Son intervenant, l’universitaire Damien Saverot, un invité régulier de l’émission, reprend quant à lui à son compte la théorie des « deux gauches irréconciliables ».

Malaise au ministère de l’intérieur

Au fil des vidéos se déclinent les obsessions d’une partie de la majorité présidentielle, incarnée par Marlène Schiappa ou ses collègues d’alors, Jean-Michel Blanquer, Sarah El Haïry ou Frédérique Vidal : « Sandrine Rousseau est-elle une représentante de la culture woke ? »« décryptage du “mouvement décolonial” » ou du « discours de Rokhaya Diallo sur le privilège blanc »

Un autre format de vidéos, « À la bonne franquette », a donné lieu à des discussions sur un ton décontracté entre jeunes partageant, à quelques nuances près, les mêmes points de vue sur la laïcité et les « valeurs républicaines ». « À notre connaissance, il n’y a pas eu d’interventions du cabinet sur les contenus éditoriaux », précise l’entourage de Marlène Schiappa auprès de Mediapart. « Nous évitions le plus possible de toucher aux sujets autour de la campagne et de prendre parti de quelque façon que ce soit pour un candidat quel qu’il soit », affirme pour sa part l’animateur Assouan Bougherara.

Mais, d’après nos informations, plusieurs de ces vidéos, intégralement financées par de l’argent public, ont suscité le malaise au ministère de l’intérieur, notamment lorsque des séquences évoquaient des personnalités lancées dans la course électorale. Plusieurs contenus s’en prennent avec virulence à des adversaires d’Emmanuel Macron, quand ils égratignent à peine le chef de l’État. Or, utiliser des moyens publics pour influencer le résultat d’un scrutin est, en théorie, rigoureusement interdit.

« Nous nous sommes rendu compte que certains contenus avaient des références à caractère politique, reconnaît Christian Gravel. Mes équipes leur ont immédiatement signalé lors de réunions de suivi. » Le patron du CIPDR indique avoir lui-même « convoqué » les responsables de l’association, en mai 2022, pour « condamner fermement ces initiatives qui n’étaient pas tolérables et s’inscrivaient en dehors du projet pour lequel un financement du fonds Marianne avait été attribué ».

Il n’en reste pas moins que, dans l’émission « À la bonne franquette » enregistrée le 26 avril 2022 mais diffusée le 2 juin de la même année, soit dix jours avant les élections législatives, la discussion glisse rapidement sur la partition du champ politique entre un camp « de la raison », le parti La République en marche (LREM) d’Emmanuel Macron, et ses deux principaux adversaires, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) emportée par Jean-Luc Mélenchon, et le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, censés représenter des « extrêmes » équivalents.

www.mediapart.fr

 

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