Callac, le village qui dit non aux migrants

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Emmanuel Macron avait prévenu : il faut une meilleure répartition des étrangers « dans les espaces ruraux, qui, eux, sont en train de perdre de la population ». Un message limpide : puisque les campagnes sont dépeuplées, repeuplons-les avec ces migrants qui nous rejoignent. Il suffisait d’y penser. C’est en septembre 2022, dans le cadre de son futur projet de loi immigration, que le président avait présenté à un parterre de préfets cette idée trop simple pour être honnête. Exit l’investissement massif ou les politiques de réindustrialisation, ces solutions du passé. Pour sauver les campagnes de la paupérisation, place à une solution progressiste, bien dans l’air du temps.

Six mois plus tard et à quelque 500 kilomètres de l’Élysée, la mine radieuse de Catherine Blein tranche avec la grisaille qui, en ce début d’année, enveloppe le bourg costarmoricain. « C’est une belle victoire », savoure la présidente de l’association Les Amis de Callac et ses environs, aux avant-postes du combat contre le projet baptisé “Horizon”, qui prévoyait l’arrivée de réfugiés dans cette petite ville des Côtes-d’Armor. Cinq mois durant, entourée « d’activistes patriotes », Danielle Le Men et Bernard Germain en tête, la septuagénaire s’est démenée pour empêcher que le projet se fasse. Acculée, fortement divisée, la municipalité callacoise a fini par céder. « On s’y attendait depuis plusieurs jours », apprécie Catherine Blein. L’aventure, qui a duré six mois et mis la ville au centre de l’attention médiatique, n’a pas été de tout repos.

Macron souhaite une meilleure répartition des étrangers dans les « espaces ruraux »

Revenons en arrière. Accoudée à la table en osier de son jardin, offerte aux derniers rayons de soleil estivaux, Danielle Le Men salue un automobiliste qui ralentit devant la maison. « Merci pour ce que vous faites ! », lui lance le conducteur. La Callacoise lui retourne un remerciement poli. Nous sommes en septembre 2022. De tels éloges, Danielle Le Men en reçoit alors quotidiennement. « Beaucoup de Callacois sont reconnaissants de notre action pour la ville, même si je reçois également des insultes. » La fille du médecin historique de la commune est devenue l’un des visages de la lutte contre le projet Horizon. Elle a fondé, en juin 2022, avec deux autres locaux, le collectif pour la défense de l’identité de Callac – groupe qui fusionnera quelques semaines plus tard avec l’association de Catherine Blein pour devenir Les Amis de Callac. « Lorsque j’ai pris connaissance du projet Horizon, je ne pouvais pas rester les bras croisés. » À l’époque, la retraitée ne cache pas son inquiétude. « On est dans l’expectative. On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés. »

Danielle Le Men vit à Callac depuis quelques décennies. Tandis que la ville la voit grandir, elle voit la bourgade dépérir. La commune de 2 200 habitants, nichée entre Guingamp et Carhaix, a perdu plus de 1 000 habitants depuis les années 1960. Seuls deux ou trois cafés proposent un chouchen, l’alcool typique breton, à l’heure de l’apéro. Le collège, déserté ou presque, a vu ses effectifs divisés par trois en trente ans. La messe est célébrée un dimanche sur deux. Le taux de chômage ne cesse de grimper, jusqu’à atteindre 18 % en 2022 (contre 7,3 % à l’échelle nationale). Un territoire en souffrance qui ne demande qu’à être “revitalisé”.

Dans les années 2000, Bernard Cohen et sa femme, Marie-France Cohen, connaissent le succès avec leur célèbre marque de prêt-à-porter pour enfants Bonpoint. Désireux de donner un sens à leur existence, les deux époux parisiens se lancent dans la philanthropie et créent, en 2009, le fonds de dotation Merci. En 2021, ils repèrent Callac, et voient en la bourgade bretonne un territoire d’expérimentation. « L’idée était de choisir un territoire qui se dépeuple, dont les commerces ferment, pour faire venir des gens de tous horizons, dont des réfugiés, pour combler les manques », résume Benoît Cohen, cofondateur du fonds de dotation. Informés de l’existence du projet, les habitants rencontrés alors par Valeurs actuelles s’agacent. « Qu’ils s’occupent déjà à trouver du boulot pour les Callacois ! », maugrée Sylvie, pharmacienne à Callac depuis vingt ans. Un résumé fidèle du désappointement de ces ruraux qui ont vu l’État se désengager peu à peu de leur vie de tous les jours et qui le retrouvent généreux, empressé, volant au secours de personnes étrangères.

Par ailleurs, en ce qui concerne cet Horizon, le flou règne, ce qui n’arrange rien. Les habitants ignorent tout ou presque de l’initiative supposée “revitaliser” leur quotidien. Le nombre exact de réfugiés est un mystère. Leur date d’arrivée reste inconnue. « Le vrai scandale, c’est que les Callacois n’ont jamais été consultés, déplore un habitant, avant de suggérer une explication. La municipalité savait qu’en cas de référendum, la population aurait été contre à 80 %. » Il y a des silences qui valent des aveux. Seule information qui filtre : le financement provient à 80 % de fonds publics, quoique l’initiative elle-même, privée, « n’ait pas été prise avec l’aval du préfet de département », comme le regrette d’ailleurs Didier Leschi, responsable de l’Office français de l’immigration.

Très vite, la controverse prend de l’ampleur, vire à la colère. Le maire, Jean-Yves Rolland, tergiverse, fait la sourde oreille. Établir le contact avec la mairie relève de la gageure. « Nous vous rappellerons d’ici à trois jours » , promettait ainsi le service de presse. Malgré nos sollicitations répétées, la municipalité n’a jamais donné suite. « Jean-Yves Rolland n’est pas un idéologue, c’est juste un agriculteur dépassé par la situation, analyse Yann Vallerie, journaliste chez Breizh-Info. Les vrais idéologues sont ses adjoints, très orientés à gauche, et le président du conseil départemental des Côtes-d’Armor, Christian Coail, qui est un socialiste pur jus et un fervent soutien du projet. »

Si la mairie reste mutique, les langues se délient beaucoup plus facilement chez les habitants. Derrière des propos parfois véhéments, le message est le même : l’arrivée de réfugiés ne résoudra rien, elle risque seulement d’accentuer les problèmes de la commune, voire de la fracturer. On ne s’improvise pas boulanger, institutrice ou paysagiste. « Des migrants sont déjà présents dans la ville et on a vu le résultat : ils s’organisent en ghettos, sont communautaires, ne s’intègrent pas à la vie de la commune, ne trouvent pas d’emploi », argumente Danielle Le Men. Quelques femmes voilées, originaires de Syrie, se rencontrent depuis quelques années dans le bourg. Certains regards défiants se posent sur les tenues islamiques. « Ça ne correspond pas à notre culture », souffle enfin une Callacoise.

« On va déclarer la guerre à Viltaïs. S’ils gagnent à Callac, ils iront ailleurs. »

Dès le début, Les Amis de Callac ont fait le choix, risqué, de l’agitation. Il fallait faire du bruit, créer une polémique. Tous les moyens sont bons : manifestations, pétitions signées par près de 10 000 personnes, agit-prop… Aidés de Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour, les activistes ont multiplié les opérations coups de poing. Le 17 septembre, un grand rassemblement était organisé devant la mairie. Près de 300 personnes répondent à l’appel. « Une franche réussite, on ne s’attendait pas à autant de monde », s’enthousiasme alors Danielle Le Men.

Le débat se polarise. Les médias s’en mêlent. Quelques semaines plus tard, le 5 novembre, la mobilisation des opposants fait face à la marche des soutiens. Les deux rassemblements réunissent environ 500 personnes chacun. Preuve de l’importance prise par “l’affaire Callac”, des personnalités politiques ont fait le déplacement. « Il y avait Reconquête ! à la manifestation, avec la venue de Gilbert Collard, mais aucun membre du Rassemblement national », regrette toutefois Danielle Le Men. Ancien bastion communiste, Callac a voté à 45,34 % en faveur de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Des antifas, venus en nombre « casser la gueule aux fachos », tentent de perturber le cortège. « Un antifa m’a dit : “Pour faciliter l’intégration des réfugiés, on n’a qu’à raser l’église pour y construire une mosquée” », s’indigne une Callacoise. Les 200 membres des forces de l’ordre seront contraints d’avoir recours au gaz lacrymogène pour tenir les opposants à bonne distance les uns des autres.

« Callac n’est qu’une première pièce du vaste puzzle à déconstruire »

Si aucun blessé n’a été à déplorer, la manifestation a quand même fait une victime : le projet Horizon. La municipalité ne dit rien mais elle le sait : ce 5 novembre, la donne vient de changer. D’autant qu’à Callac, les intimidations s’intensifient. Des tags de l’organisation terroriste du Front de libération de la Bretagne font leur apparition dans la commune. Le maire reçoit des appels téléphoniques menaçant sa famille, derrière lesquels il voit la main des opposants au projet. Laure-Line Inderbitzin, adjointe au maire de Callac, se dit victime d’un harcèlement du site Riposte laïque, qui la jetterait en pâture sur Internet. « Il est possible que la situation dégénère et conduise à des dégradations, voire des incendies, dans la commune », confie un habitant inquiet. Fin novembre, le maire organise un vote informel pour consulter ses conseillers municipaux quant à la poursuite du projet Horizon. Huit élus s’y opposent, deux réclament sa suspension provisoire et deux souhaitent son maintien.

Le 21 décembre, un nouveau scrutin, organisé à huis clos, scelle le sort de l’initiative. Le 9 janvier, la mort dans l’âme, Jean-Yves Rolland annonce à ses conseillers la fin d’Horizon. « Personnellement, j’étais pour, mais ce n’était plus tenable, le conseil municipal allait tomber, reconnaît le maire. J’ai écouté mon équipe et j’ai compris après la deuxième manifestation qu’il fallait qu’on s’arrête. Quel aurait été le résultat si on avait continué au forceps ? » De son côté, le fonds de dotation Merci s’est fendu d’un communiqué par lequel il dit regretter « la décision prise par le maire et des élus de Callac » et dénonce « la campagne de désinformation, de groupes et de médias d’extrême droite visant à diviser la population et à déstabiliser le conseil municipal ». Qu’un réfugié parfois illettré ne puisse pas toujours se muer immédiatement en entrepreneur breton par la grâce d’une décision administrative enrobée de bonne volonté, voilà ce qui constitue, pour nos élites, une désinformation venue de l’extrême droite…

Leur colère et le ras-le-bol migratoire n’ont pas été compris

Devant la mairie au teint grisâtre, en ce début janvier, les opposants au projet savourent l’instant. “Leur” Callac natal a résisté. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est le décalage entre des gens comme nous et la candeur de ceux qui débarquent dans l’action politique. Callac n’est qu’une première pièce du vaste puzzle à déconstruire », promet Catherine Blein. Leur colère et le ras-le-bol migratoire n’ont pas été compris mais ils ont été entendus. Leur opiniâtreté a payé. Sur Twitter, Éric Zemmour salue les « patriotes » qui ont réussi à « empêcher ce funeste projet de répartition de migrants ». Callac a tout pour faire jurisprudence, comme une Zad d’un nouveau genre. C’est ce que veut croire Bernard Germain, porte-parole du Comité d’organisation contre le projet Horizon, auteur d’un ouvrage qu’il espère prémonitoire : Callac, la mère des batailles . Il insiste : « Lorsqu’on se bat, on peut gagner. » Cela tombe bien, les combats promettent d’être nombreux. Rien qu’à Callac, le projet Viltaïs, validé début octobre par un conseil municipal qui croyait encore en ses chimères, prévoit l’arrivée prochaine de deux familles venues d’Afrique noire. Catherine Blein le promet : « On va déclarer la guerre à Viltaïs. S’ils gagnent à Callac, ils gagneront ailleurs. » Mais s’ils perdent ici…

 

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Un commentaire

  1. Posté par mélennec le

    LOUIS MELENNEC. LES CRIMES DE LA FRANCE, PAYS DES DOIGTS DE L’HOMME.

    L’ASSASSINAT DE LA LANGUE BRETONNE par le pays des doigts de l’homme
    C’était il y a longtemps.
    Chaque année, je rendais visite à ma vieille mère, en pays Bigouden. Sa langue maternelle était le breton, qu’elle parlait avec jubilation : en ce temps là, c’était la langue de la joie et de l’humour.

    Tous les ans, au mois de juillet, j’écoutais cette langue vénérable. Car les voisines de ma mère étaient bretonnes.

    Puis, elles sont mortes, les unes après les autres.
    Une certaine année, arrivé en vacances dans mon village natal, j’ai été saisi d’angoisse. Je me suis demandé pourquoi. J’ai bientôt compris la raison : la langue, assassinée par le pays colonial, n’était plus parlée par personne.

    Toutes les communes du pays Bigouden s’étaient associées à ce crime, en particulier Le Guilvinec, alors communiste, pendant qu’en Russie on assassinait des centaines de milliers d’innocents. Sous peine de punitions cruelles, il nous était interdit de nous exprimer dans notre langue

    Sous l’effet de la persécution mentale, ma mère m’avait élevé en français : on lui avait fait honte de sa langue, elle n’osait même plus la parler devant ses enfants!

    Mes grands parents étaient exclusivement bretonnants, je n’ai jamais pu communiquer avec eux. Nous parlions deux langues étrangères : le breton et le français.

    Savez vous ce qu’est un enfant qui ne peut parler ni à sa grand-mère, ni à son grand-père, ni aux plus anciens de sa famille ?

    C’est comme une tombe dans laquelle on l’enferme, à peine né.
    Ne plus entendre un seul mot de breton ! Ce fut un choc terrible : tout était changé; c’est comme si les oiseaux avaient disparu des arbres, et ne chantaient plus. Quoique l’on fasse, Ils ne chanteront plus ces mélodies si suaves, qui ont bercé et enchanté notre enfance, même si on ne les comprenait pas bien.
    On ne peut imaginer ce que fut cette prise de conscience pour moi. Tout un pan de notre civilisation était à jamais englouti dans les abysses. En écrivant cela, si les hommes étaient autorisés à pleurer, de grosses larmes, des vraies, couleraient sur mes joues.
    Honte au pays criminel ! Quel bilan pour le pays des Droits de l’homme !!! Je ne pardonnerai jamais ce crime à la France. Mais il y en eut bien d’autres.
    Je dis : LA FRANCE, pas les Français, car ils subissent, eux aussi, les mêmes débiles mentaux que nous : voyez ce qu’ils sont en train de faire à leur malheureux pays : une destruction systématique. Ils sont coupables aussi : ils votent avec obstination pour des débiles mentaux.
    Les Bretons ont été mes pires ennemis : TOUS les merdias bretons, depuis plus de vingt ans, m’ont inscrit sur une liste noire. La vérité est aujourd’hui connue : ILS SONT MEPRISES, d’une manière unanime.
    LOUIS MELENNEC.

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