Pour une école libre: Immigration, idéologies et souci de la vérité (à L’Artilleur) réfute méticuleusement nombre d’erreurs commises dans le débat public sur le sujet de l’immigration.Extraits.
Le discours de bon ton sur l’immigration
Sur le terrain de la démographie et des migrations, pour être du bon côté, il faut se garder d’être nataliste tout en rassurant les Français sur les performances exceptionnelles de la France par rapport au reste de l’Europe en matière de fécondité. Fécondité qui ne doit pas grand-chose à l’immigration. Immigration qui est à la fois une chance et une fatalité, qu’il faut toujours minorer, relativiser ou naturaliser, et qui amène des musulmans en grand nombre lorsqu’on cherche à implanter l’idée que c’est irréversible, mais en moins grand nombre lorsqu’on cherche à relativiser le djihadisme.
Il faut s’élever, par tous moyens, contre l’idée de grand remplacement, dévoiler l’imposture, quitte à faire dire à son inventeur ce qu’il n’a pas dit. La mauvaise foi n’est pas interdite. […]
Immigration : la grande querelle des statistiques
Le but principal des argumentations chiffrées développées sur le thème de l’immigration et visant à la minorer, la relativiser, est de contredire les perceptions communes qui tiendraient à une propagande politique de la droite plutôt extrême ou, tout au moins, telles que l’élite du bon goût se les représente, et quelquefois les fabrique pour pouvoir les démonter. Il faut absolument que ces perceptions, outre qu’elles manquent de goût, soient erronées.
Mon but ici n’est pas de dire que les gens ordinaires perçoivent la réalité telle que la décriraient des statistiques bien faites — tout un chacun peut se tromper en la matière — mais de montrer que ce n’est pas tant l’exactitude de ces perceptions qui préoccupe ceux qui s’en offensent que leur dissonance avec l’idéologie dominante du milieu dans lequel ils évoluent.
Moins d’immigration que dans les années 1970 ?
L’évolution du nombre moyen annuel d’entrées nettes d’immigrés extraeuropéens en France métropolitaine, sur les périodes intercensitaires de 1962 à 1999 et jusqu’en 2017, ne confirme pas l’affirmation selon laquelle la France accueillerait aujourd’hui moins de ces immigrés que dans les années 1970. Si ce nombre a été multiplié par trois de 1962-1968 à 1968-1975, il est resté inférieur à celui observé dans les années 2000 et après. Il n’a cessé de baisser après 1975, jusqu’à la fin du siècle. Cette baisse, conjuguée au repli de l’immigration européenne, explique pourquoi la population immigrée a si peu augmenté sur le dernier quart du siècle. Au contraire, en début de XXIe siècle, la reprise de l’immigration extraeuropéenne s’est conjuguée à une reprise, même modeste, de l’immigration européenne. C’est pourquoi la proportion d’immigrés, qui avait stagné autour de 7,4 % entre 1975 et 1999, a recommencé d’augmenter ensuite. Elle est de 10,2 % en 2020.
Le solde migratoire, une notion incomprise
Il s’agit là d’une notion pas toujours bien maîtrisée, mais qui plaît beaucoup tant elle ramène souvent l’immigration à un petit ruisseau. Sur le papier, c’est la différence entre les entrées et les sorties. Mais, en France, le solde migratoire n’est pas mesuré. Nous ne disposons pas d’un enregistrement des entrées du territoire cohérent et exhaustif et n’avons pas d’enregistrement des sorties comme c’est le cas dans les pays du nord de l’Europe qui ont des registres de population bien tenus. (…) Ce solde migratoire, s’il était bien mesuré, donnerait une idée de l’immigration nette des étrangers et des Français confondus ou des immigrés et des natifs confondus.
S’adapter à l’immigration ?
La naturalisation du phénomène migratoire consiste à placer l’immigration étrangère au même rang que ce qu’en démographie on appelle le mouvement naturel d’une population fait de naissances et de décès. On parle alors d’accroissement naturel.
François Héran (titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France, NDLR) s’est fait le champion de cette naturalisation de l’immigration étrangère. On trouvait les prémisses de cette naturalisation du phénomène migratoire dans son livre publié en janvier 2007, à travers la critique de la notion de « capacités d’accueil » invoquée par Nicolas Sarkozy lors de sa présentation au Parlement du projet de loi sur l’immigration en 2006. François Héran y réfutait l’idée que l’État devrait prendre en compte les capacités d’accueil existantes pour calibrer le flux d’immigration étrangère. Au contraire, c’est à lui d’adapter ces capacités d’accueil au flux, comme il a dû le faire pour les variations démographiques naturelles telles que le baby-boom d’après-guerre : « Compte tenu de la pénurie de logements et d’écoles, était-il raisonnable de se lancer dans le baby-boom en mettant au monde 200 000 enfants de plus dans la seule année 1946 ? » Il conduisait le même raisonnement par analogie avec l’augmentation du nombre de personnes âgées : « Au vu des structures d’accueil disponibles à la fin des années 1960, était-il rationnel d’améliorer leurs conditions de vie et leur accès aux soins, au point d’allonger l’espérance de vie des Français de deux mois par an, avec les conséquences que nous mesurons trente ans plus tard en termes de “vieillissement” et de déséquilibre des comptes sociaux ? » Comme nous prenons notre parti des effets du vieillissement inéluctable de la population, il nous faudrait faire de même avec l’immigration étrangère, telle qu’elle est. […]
François Héran pousse l’analogie entre l’immigration, le baby-boom et les vieux qui vivent plus longtemps jusqu’à employer le verbe accueillir pour ces trois « surcroîts » de population, les mettant ainsi sur un pied d’égalité. À une époque ou tout est construction sociale, l’immigration étrangère serait aussi naturelle que la natalité. Il faut s’adapter à l’une comme à l’autre. […]
La migration serait ainsi une variable démographique complètement endogène, comme la fécondité ou la mortalité. Se pencher avec regret sur les flux, ce serait comme regretter le baby-boom d’après-guerre ou se plaindre du vieillissement de la population, contre lesquels on ne peut rien. C’est un peu ce que sont la pluie et le beau temps à la météo. […]
Ces flux devraient persister, nous dit-on. Est donc appelée à s’ajouter à l’immigration légale, résultant de l’application du droit, une immigration illégale — politique du fait accompli — contre laquelle l’Union européenne ne semble pas en état de faire grand-chose, sauf à se mettre dans la main d’un autocrate tel qu’Erdogan.
La démographie, une discipline de plus en plus militante
Si l’on suit Didier Lapeyronnie dans son analyse de l’académisme radical en sociologie, on pourrait en déduire que la discipline démographique s’est sociologisée. Il écrivait ainsi en 2004, dans la Revue française de sociologie, que « la sociologie n’existe que par une rupture nette avec les perceptions et les interprétations du “sens commun” » et que « le sociologue discourt, mais (qu’) il ne saurait dialoguer ». Son contradicteur serait soit un idiot soit un vendu et l’homme ordinaire ne serait accessible qu’aux lieux communs. Comme le sociologue, le chercheur qui se dit démographe aujourd’hui s’engage lui aussi trop souvent à mettre en défaut « le sens commun » de l’homme ordinaire, de manière plus ou moins explicite. […]
Cette entreprise ne peut être menée à bien qu’avec le concours de la sphère médiatique, non pas tant pour convaincre l’homme ordinaire de sa méprise que pour affirmer son ascendant moral et intellectuel dans le milieu académique et garantir la reprise qu’il en attend dans la sphère intello-journalistique qui marche à la satisfaction idéologique.
L’homme ordinaire se plaint d’une immigration étrangère trop importante. Le chercheur-démographe militant va alors mobiliser la notion la moins à même de refléter ce flux — le solde migratoire — pour en minimiser l’importance. Ce faisant, il maintient son ascendant et fournit un argumentaire à ceux qui n’ont pas le statut garantissant une certaine compétence et qui fonctionnent à la satisfaction idéologique : l’idée me plaît, le grand spécialiste en garantit par ses titres la scientificité, elle apporte de l’eau à mon moulin idéologique, donc elle est vraie.
Terrorisme intellectuel
Le scientifique qui travaille en harmonie avec l’esprit du temps peut compter sur un écosystème composé de collègues et de comités de lecture qui partagent ce qu’il faut bien appeler ses opinions et ses engagements. Et si ceux-ci ne les partagent pas, ils sont incités à le garder pour eux, sauf à se voir disqualifiés eux-mêmes. C’est d’ailleurs peut-être sur ces opinions que certains ont accédé aux positions qu’ils occupent. Ce n’est donc pas simplement sur les qualités scientifiques qu’un travail est jugé, mais aussi, et parfois exclusivement, sur sa conformité avec l’idéologie dominante de l’environnement professionnel.
Celui qui veut encore exercer son métier de chercheur en laissant ses opinions et celles de ses collègues au vestiaire a donc intérêt à travailler sur des thèmes peu mobilisateurs ou à se faire discret. Pour chercher heureux, cherchons cachés ! […] À l’avenir, si rien n’est fait pour valoriser le pluralisme, l’uniformité de points de vue dans les milieux académiques devrait s’accroître, au-delà de l’effet d’intimidation, lorsqu’arriveront ceux qui auront subi « plein pot » une forme d’endoctrinement lors de leur formation scolaire et universitaire.
On ne voit pas bien comment (re) venir à un univers académique où le militantisme aurait été suffisamment affaibli pour que le débat s’y déroule selon des critères scientifiques, sans passer par un plus grand pluralisme des opinions en son sein. C’est particulièrement vrai sur le sujet de l’immigration. Si les opinions exprimées sur un même objet d’études étaient plus diversifiées dans la sphère académique, on pourrait espérer que les aspects scientifiques retrouvent leur primauté. Mais comment y parvenir ? Détourner la notion de diversité si en vogue aujourd’hui pour l’appliquer aux opinions et aux affiliations politiques ?
Il ne s’agit pas là d’une question anodine dans la mesure où un débat démocratique sain repose sur la confiance. Comment les citoyens ordinaires pourraient-ils distinguer la vérité du mensonge si ceux dont c’est le métier de produire des informations rusent avec les faits qu’ils étudient dans le but de réformer l’opinion publique ? Comment espérer alors faire reculer les théories du complot ?
Chiffres pour l'année 2017:
- En Seine-Saint-Denis, 63 % des moins de 18 ans sont d'origine étrangère.
- À la Courneuve c'est 80 % (ils n'étaient que 22 % fin années 60).
- Dans le Loir-et-Cher 26,3% (4,2 % fin années 60).
- À Blois 46,7 %
source: https://www.pouruneécolelibre.com/2022/01/la-demographe-tribalat-contre-les.html
Les points sur les i avec Michèle Tribalat. 23.01.22
https://www.youtube.com/watch?v=XJ2_3EpQrHI
Et vous, qu'en pensez vous ?