De notre correspondant permanent à Varsovie. – Pologne, Hongrie, Roumanie, et même Allemagne… La CJUE et la Commission européenne poursuivent activement leur entreprise de fédéralisation de l’Union européenne dans le dos des peuples. Outre les recours de la Commission et les procédures d’infraction lancées par cette dernière contre les pays dont les cours constitutionnelles posent des limites à la juridiction de la CJUE (procédure lancée contre l’Allemagne en juin dernier à propos du jugement de sa Cour constitutionnelle de mai 2020 et procédure lancée contre la Pologne ce mercredi 22 décembre à propos du jugement de son Tribunal constitutionnel du 7 octobre 2021), la CJUE se saisit volontiers des questions préjudicielles envoyées par les juges des trois pays de l’ancien bloc de l’Est pour contester les réformes de la justice décidées par les représentants élus du peuple sur la base des principes généraux des traités européens.
Dans le cas roumain, après le jugement de la Cour constitutionnelle roumaine de mai dernier qui avait contesté le droit de la CJUE d’autoriser les tribunaux nationaux à ne pas tenir compte des décisions de leur cour constitutionnelle (voir « Cour de justice de l’Union européenne : putsch judiciaire ? » dans Présent du 8 juin 2021), et aussi après la procédure disciplinaire lancée contre un juge de tribunal de grande instance qui avait saisi la CJUE sur la question de la primauté du droit européen sur la Constitution roumaine, la cour européenne a publié le mardi 21 décembre un arrêt selon lequel « la primauté du droit de l’Union exige que les juridictions nationales aient le pouvoir de laisser inappliquée une décision d’une cour constitutionnelle qui est contraire à ce droit, notamment sans courir le risque d’engager leur responsabilité disciplinaire ».
Dans le cas roumain, il s’agit ici d’une décision de la Cour constitutionnelle de Roumanie (CCR) qui avait invalidé des condamnations pour corruption prononcées par la Haute Cour de cassation et de justice (HCCJ) au motif que le panel de juges avait été formé sans respecter la loi (un juge n’avait pas été nommé par tirage au sort et tous les juges du panel n’étaient pas spécialisés dans les affaires de corruption). La CCR a en outre jugé inconstitutionnelle la collecte de preuves en matière pénale effectuée avec la participation du service roumain de renseignements. Un service de renseignement héritier de la sinistre Securitate communiste et qui est connu pour être devenu la colonne vertébrale de « l’Etat profond » roumain.
A la suite de cette décision, les juges de la HCCJ et le juge du tribunal de grande instance de Bihor s’étaient adressés à la CJUE, dans la mesure où l’affaire de corruption concernait des fonds européens et où ces juges ont estimé que la décision de la CCR ne permettait pas d’appliquer le mécanisme de coopération et de vérification adopté en 2006 par la Commission européenne à l’occasion de l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Dans le communiqué de presse de la CJUE, on peut lire : « Les présentes affaires s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de la justice en matière de lutte contre la corruption en Roumanie, qui a déjà fait l’objet d’un arrêt précédent de la Cour. Cette réforme fait l’objet d’un suivi à l’échelle de l’Union européenne depuis l’année 2007… »
Jamais, cependant, un arrêt de la CJUE n’avait affirmé de manière aussi claire et directe la prétention des juges de Luxembourg à la primauté de leurs arrêts sur les constitutions nationales. Une prétention qui est en contradiction avec la jurisprudence de nombreuses cours constitutionnelles et cours suprêmes nationales, y compris avec celle du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat en France ! •
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