Dans quelle mesure le wokisme est-il assimilable à une démarche complotiste ?
Chez Michel Foucault, la notion de « savoir-pouvoir » est déterminante pour répondre à cette question. Dans Surveiller et punir, il écrit : « Il faut plutôt admettre que le pouvoir produit du savoir (et pas simplement en le favorisant parce qu’il le sert ou en l’appliquant parce qu’il est utile) ; que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un l’autre ; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir ». Face à la production d’une connaissance, d’un savoir, les questions qui se posent deviennent donc : d’où? vient ce savoir et à qui profite-t-il ? À qui profite le crime ? Selon ce point de vue, le savoir déployé? au nom des améliorations de la connaissance ne serait en fait qu’une expression du pouvoir. Le savoir objectif n’existe pas – ou du moins nous n’avons pas la possibilité d’y accéder, ce qui en pratique revient au même – et en conséquence on tombe fatalement dans le « ce qu’ILS ne veulent pas que vous sachiez ».
Aidé par son interprétation de l’école de Francfort, de Bourdieu, ou de Foucault, le wokisme ne cesse de parler de « structures de pouvoir », de « hiérarchies de domination », ou encore de problèmes « systémiques ». Pierre-André? Taguieff souligne la déresponsabilisation que permet cette manière de penser car l’individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos « du système » : « La responsabilité? individuelle est évacuée : c’est “le système” qui dirige tout, les pensées, les sentiments et les actions des individus, simples marionnettes ». Notons également que ce complotisme, qui « systémise » tout, n’a donc pas forcément besoin de dégotter des conspirateurs. On peut en effet, avec le « racisme systémique », avoir un racisme sans racistes. Et comme tout complotisme, tout ce qui peut « affaiblir le système », l’abominable « statu quo », devient de fait à la fois légitime et urgent.
L'individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos "du système"
« Je préfère des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR », avait déclaré Sandrine Rousseau en août. Derrière cette remarque bouffonne se cache pourtant une critique étayée de la raison occidentale par les wokes. Quels en sont les ressorts ? Faut-il voir dans leur hyper-subjectivisme une vengeance de la sentimentalité sur la raison ?
C’est notamment sur ce sujet que wokisme et libéralisme divergent nettement, car ils n’ont pas du tout le même rapport à la rationalité. La « théorie critique de la race » (branche du wokisme particulièrement populaire en Amérique) assume ouvertement de se placer contre le rationalisme des Lumières. On voit donc en effet une sorte de retour de balancier. Adorno et Horkheimer ont de ce point de vue préparé le terrain, à gauche, d’une critique de ce rationalisme. […]
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