Martine Brunschwig Graf dans Le Temps du jour.
L'article commence par un jet d'humour acide sur cette égalité des sexes qui n'existerait pas, a priori, dans "dans les gènes helvétiques" - considération qui peut surprendre sous la plume d'une présidente de la Commission fédérale contre le racisme -, et une longue captatio benevolentiae sur tout ce qu'elle a pu faire contre l'islamisme ambiant.
S'ensuit l'argumentation de fond:
"Je ne pense pas qu’interdire le port du foulard islamique aux élèves renforce en quoi que ce soit la lutte pour l’égalité.
[...] Celles que l’école publique repousse – ces élèves portant volontairement ou non un foulard islamique – n’ont que deux recours possibles: l’enseignement à domicile, qui ressemble plutôt à du confinement, ou l’école à vocation religieuse, qui la maintiendra dans l’application la plus stricte des préceptes dans lesquels elle a été élevée. L’interdiction du foulard à l’école n’offre en aucune manière la possibilité d’émancipation que prétendent encourager ses partisans, bien au contraire."
Ainsi, selon Mme Brunschwig Graf, il faudrait permettre les expressions de l'extrémisme par crainte... de conséquences extrêmes. Ne pas libérer les femmes du voile pour les libérer de leur confinement...
"Comment une jeune fille pourrait-elle choisir si elle n’a pour tout horizon que ce qu’on lui impose?"
Mais renoncer à interdire qu'on le lui impose ne revient-il pas à permettre qu'on le lui impose ?
Liberté à géométrie variable
- "Je crois profondément à la nécessité, pour chacune et chacun, d’exercer son libre arbitre",
écrit Martine Brunschwig Graf. Mais, ajoute-t-elle à l'adresse des citoyens tessinois:
"On ne peut accepter en revanche que, sous prétexte de sécurité, on vise de façon cynique et officielle la religion musulmane."
Les femmes musulmanes doivent avoir le plein exercice de leur libre arbitre, mais pas les Tessinois. Lesquels seraient en outre privés de leur droit à:
"Exprimer les peurs et griefs à l’égard de l’ensemble des musulmans qui vivent en Suisse."
Ainsi, Martine Brunschwig Graf aurait-elle le droit de craindre que "l’ensemble des musulmans qui vivent en Suisse" confinent leurs filles à domicile - ce qui est déjà leur prêter un réflexe pour le moins extrémiste - en cas d'interdiction du voile, mais les citoyens n'auraient pas le droit d'exprimer leurs "peurs" face à de pareils phénomènes et à la montée de l'islamisation de leur société sur des critères aussi radicaux.
Mme Brunschwig Graf s'inquiète vivement de l'éventualité que les jeunes filles musulmanes finissent parquées dans des madrassas qui les maintiendront "dans l’application la plus stricte des préceptes dans lesquels elle[s] [ont] été élevée[s]", mais interdit rigoureusement aux citoyens votants - parmi lesquels bon nombre de musulmans - de ressentir cette même inquiétude. Ce droit est l'apanage exclusif de la présidente de la Commission fédérale contre le racisme, qui seule a le pouvoir d'interpréter - et d'instrumentaliser - les "peurs".
Et ce simple constat, celui de la possibilité d'une riposte des musulmans radicaux, qui répliqueraient en emprisonnant leurs femmes, n'est-il pas celui de l'échec total de la politique d'intégration prônée par Mme Brunschwig Graf ? Cette même Mme Brunschwig Graf qui, rappelant à son avantage les mânes des affaires Ramadan, du voile des enseignantes et de sa lutte contre les écoles religieuses, qui n'ont "pas leur place à Genève", rappelle surtout que la question de l'islam dans notre pays est avant tout une thématique de confrontation.
"Je suis profondément révoltée [...] J'ai dû [...] l’Etat de Genève a obtenu gain de cause [...] j’ai été amenée [...]",
écrit-elle. Elle aurait le droit d'agir, de s'indigner, et refuse ce même droit à son propre peuple, en démocratie.
Bonus
Enfin, pour la bonne bouche:
"Aujourd’hui, il est devenu politiquement correct de stigmatiser la religion musulmane."
Ce qui est toujours du meilleur genre dans les colonnes d'un grand quotidien de la presse mainstream.
Ou encore:
"Le débat est en train de déraper. Il serait temps que les autorités politiques locales et fédérales fassent entendre leur voix et rappellent quelques principes!"
Le débat en question portait, à l'origine, sur la liberté individuelle, le libre arbitre... pour les autres...
Source
Voir encore
Que penser? Il y a quelque jours, réagissant au quart de tour à la publication, par les Observateurs, de mots de Martine, je m’apprêtais à lui jeter la pierre, à l’incendier. Ce que, à la lecture de ses propos dans le Temps de ce jour, je me félicite de n’avoir pas fait.
Et voici que la rédaction, avec ses arguments comme toujours bien ficelés, me désarçonne de mon destrier musclé de la dernière certitude. Que penser?
Que vous êtes le revers de la médaille? Pourquoi pas?
Tout tout tourne autour de ce fameux arbre du centre du jardin, unanimement connu comme interdit. Avec punition sans appel sanctionnant la transgression. Et il ne vient à l’idée de personne de s’étonner d’être assez vivant pour démolir MBG? Lui jeter la pierre? Pourquoi pas! Après tout nous nous réclamons du christianisme! De Jésus? Lavés, purifiés de tout péché nous sommes qualifiés pour jeter la pierre.
J’aime bien Martine voyez-vous! Et je ne sais pas pourquoi. Pourquoi le saurai-je?
Bon, il est question ici de voile, de burka et d’islam! Contre l’invasion desquels nous nous insurgeons. En même temps que contre la bien-pensance de gauche. Avec quels arguments? Quels arguments autre que l’interdit, la lance et l’épée? Notre bien-pensance à nous?