Dans quelques jours, se tiendra, à Bruxelles, le prochain Conseil européen (extraordinaire, 24-25 septembre), convoqué par son président Charles Michel dans un contexte de crise sanitaire et de menaces turques croissantes et Méditerranée. Face à la l'indifférence de plusieurs pays européens qui rechignent à se montrer solidaires de la Grèce et de Chypre, menacés par la Turquie dans leurs zones économiques exclusives regorgeant de gaz, Alexandre del Valle revient sur les liens ambigus que le régime d'Erdogan entretient avec le jihadisme international via d'étranges sociétés de mercenaires privées.
Les autorités turques, le Qatar et nombre de pays occidentaux dénoncent régulièrement le violation de l'embargo sur les armes en Libye, notamment l'envoi par la Russie, via la société de sécurité WAGNER, de mercenaires russes et syriens dans ce pays en appui à l'Armée Nationale Libyenne du maréchal Khalifa Haftar. Alliée des Émirats, de la Russie et de l'Egypte, l'armée de Haftar, liée aux autorités de Benghazi et au Parlement de Tobrouk (légitime, contrairement à celui périmé de Tripoli), a elle-même recruté de mercenaires au Soudan et au Tchad. Les médias occidentaux déplorent et rappellent en permanence la présence de mercenaires syriens ou vétérans de l’armée russe recrutés en acheminés en Libye par le groupe Wagner, et financés en grande partie par les Émirats, estimés par l'ONU à un millier. Ces combattants russes et syriens pro-Assad, engagés contre les islamistes de Tripoli, les Frères musulmans et les jihadistes internationaux, ont été notamment chargés d’opérer les batteries antiaériennes Pantsir, armement russe payé et livré par les Émirats. Sur la base d’Al-Joufra, à 650 kilomètres au sud-est de Tripoli, la Russie a également déployé des chasseurs Mig 29 et Su24 pour dissuader les forces loyales à Tripoli de progresser vers l'est. Tout cela est attesté et connu. En revanche, l'activisme militaire illégal et bien plus massif de la Turquie en Syrie, en Irak et depuis 2019 en Libye, via des milices islamistes fidèles à Erdogan, encadrées notamment par la société de mercenaires (SMP) turque SADAT International Defence consultancy, sous la supervision de l'armée, des services spéciaux et de la présidence turque elle-même, l'est beaucoup moins, voire pas du tout. Cette omertà des médias et politiques occidentaux est pour le moins étonnante, même si elle s'explique en partie par le refus américain et atlantiste de reconnaître officiellement quoi que ce soit qui pourrait aller dans le sens des 'diables' Poutine et Assad, car dans le cas turc, les mercenaires islamistes enrôlés par SADAT et l'armée turque ne sont pas seulement des combattants non-conventionnels, mais des combattants islamistes et jihadistes internationaux et liés au terrorisme international, donc qui menacent, à quelques kilomètres de l'Italie (Lampedusa) et de Malte, la sécurité même des pays de l'Union européenne ainsi que celle des pays d'Afrique sahélo-saharienne gravement déstabilisés par le terrorisme jihadiste depuis la fin des années 2000.
Le "national-islamisme turc" et ses dispositifs paramilitaires
Comme le rappelle l'analyste Alain Rodier, ancien de la DGSE et membre du Centre Français de Recherches sur le Renseignement (CF2R), Adnan Tanriverdi a déclaré dans les colonnes du quotidien turc Khabar Tork que la SMP SADAT a organisé des missions en Syrie dès 2013 puis ensuite en Libye, dans le cadre d'une coopération islamiste-jihadiste syro-libyenne.
Le 17 décembre dernier 2019, Adnan Tanriverdi déclarait ainsi dans un quotidien turc que son pays avait « besoin de sociétés sécuritaires privées pour employer des mercenaires » et que « Si la Turquie envoie des mercenaires en Libye, ça sera plus efficace que les sociétés Wagner ou Blackwater ». Dans ses écrits officiels, SADAT appelle sans complexe aucun à la création d'une « armée internationale de l’Islam » composée de « volontaires » du jihad contre les « ennemis de l'islam » qui pourrait devenir à terme supérieure à celle de « l'entité sioniste », Tsahal, et qui viendrait « au secours » des musulmans et des minorités « turco-ottomanes opprimées » du monde entier. Le général Tanriverdi, d'accord en cela avec la pensée profonde de son mentor Erdogan, rêve d'ailleurs non seulement de voir l’État d’Israël définitivement détruit mais ne se cache pas de son ambition de créer un peu partout des "comptoirs" et "protectorats" néo-ottomans partout dans les pays arabes et en Europe orientale ou au Caucase et jusqu'aux frontières de l'Inde où des populations furent soumises au joug ottoman. Comme le parti AKP du président Erdogan et maintes ONG d'Allah ou organisations islamistes turques, la SMP de Tanriverdi est bien évidemment très active à Gaza et en Palestine, notamment en soutien au mouvement terroriste-jihadiste HAMAS, qui bénéficie de nombreuses facilités en Turquie même, où ses cadres ont trouvé refuge depuis qu'ils ont été renvoyés de Syrie lors du printemps arabe, vite devenu un « hiver islamiste ». SADAT soutient également en Irak et en Syrie des groupes jihadistes internationaux utilisés pour combattre les Kurdes, ennemis internes et externes existentiels des nationalistes et islamistes-fréristes au pouvoir à Ankara.
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”En revanche, l’activisme militaire illégal et bien plus massif de la Turquie en Syrie, en Irak et depuis 2019 en Libye, via des milices islamistes fidèles à Erdogan, encadrées notamment par la société de mercenaires (SMP) turque SADAT International Defence consultancy, sous la supervision de l’armée, des services spéciaux et de la présidence turque elle-même, l’est beaucoup moins, voire pas du tout.”
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