Avec sa superbe une – une belle rousse et le drapeau de la verte Erin – et un article ad hoc de Franck Delétraz, Présent (12 février) a célébré la formidable percée du Sinn Féin, le plus ancien mouvement politique en Irlande. Ostracisé depuis près d’un siècle pour son nationalisme sans faille.
Une anecdote. En mai 1973, j’étais au Dungeon, le pub de l’Ashford Castle, le luxueux hôtel du petit village de Cong dans le Connemara (c’est là que John Ford a tourné L’Homme tranquille avec John Wayne et Maureen O’Hara). A l’époque, l’Irlande venait d’intégrer la CEE (devenue depuis l’UE) quelques mois plus tôt. Avec quelques anciens (manière de dire…) de l’IRA nous avions entonné, le Paddy aidant, des chants de combat antibritanniques comme Wearin’ of the Green, The Rifles of the IRA, Ireland’s Fight For Freedom, etc.
A un moment, trois ou quatre gommeux – nous saurons ensuite qu’il s’agissait de hauts fonctionnaires à l’Europe – vinrent nous dire : « Arrêtez ces chants séditieux, l’Irlande a changé ! »
Je vous passe la suite et le sort que nous avions réservé à ces « tigres celtiques » transformés en toutous européens pour le prix de leur pâtée… Il n’empêche que c’était le signe d’un esprit délétère qui a finalement conduit l’île des érudits, des poètes et des saints, soumise aux diktats de l’UE, à passer aux mains des libéraux mollasses du Fine Gael et du Fianna Fáil.
Organisé à partir de 1905 par Arthur Griffith, le Sinn Féin est un parti identitaire (sinn féin signifie « nous-mêmes ») créé avec deux priorités : chasser – pacifiquement si possible – les Britanniques d’Irlande et œuvrer à la renaissance de la culture gaélique sous toutes ses formes. Le Sinn Féin ne se radicalisera qu’après le soulèvement de Pâques 1916 et la répression sauvage qui suivit.
Cette victoire électorale historique du Sinn Féin (qui tournait autour des 2 % dans les années 80) marque aussi, par-delà des revendications sociales importantes, la consécration du but porté par le parti : la réunification – A Nation Once Again ! – de l’Irlande libre et de l’Ulster occupé (« l’Irlande du Nord »). Le Sinn Féin propose d’organiser un référendum dans les cinq ans sur la question. Rappelons que le Sinn Féin est le seul parti présent dans le nord et le sud de l’île.
Jusque-là, le Fianna Fáil et le Fine Gael ont toujours refusé de parler ou de traiter avec le Sinn Féin. En raison de ses liens avec l’IRA. Des liens dont tout Irlandais digne de ce nom devrait plutôt s’enorgueillir. Mais le Premier ministre sortant, Leo Varadkar, un « Irlandais » de papier et de circonstance qui a conduit le pays et son propre parti, le Fine Gael, dans le mur, a redit son rejet du Sinn Féin. Plus réaliste, sachant qu’il n’a pas le choix s’il veut sauver un peu les meubles, le leader du Fianna Fáil, Micheál Martin, semble prêt à se rendre à Canossa. Wait and see…
Les tout jeunes partis identitaires et/ou populistes, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, comme An Páirtí Náisiúnta (Parti national), Irish Freedom Party (très antieuropéen), Renna (une dissidence du Fine Gael), Aontu (dissidence du Sinn Féin, son leader a obtenu un siège de député), ont pâti de la poussée du Sinn Féin. Mais leurs scores, surtout localement, ne sont pas à négliger.
On ajoutera à ce réveil celtique, les quelque 12,3 %, tous résultats confondus, obtenus par de nombreux candidats hors partis. Quasiment tous, comme Gemma Doherty, John Waters, Venona Murphy (élue députée à Wexford), Noël Grealish (élu député à Galway-Ouest), ont fait campagne sur le refus de voir l’Irlande céder à la vague migratoire souhaitée par Leo Varadkar (qui devrait dégager bientôt) et encensée par un clergé indigne qui répercute les consignes suicidaires du pape François, fourrier de l’immigration à dominante musulmane.
Il faut bien sûr rester prudent. Mais, nous qui aimons l’Irlande avec le cœur, nous rappellerons que les héros de 1916, arrêtés et fusillés par les Anglais, avaient quitté la Grande Poste sous les insultes, voire les crachats, d’une partie du peuple de Dublin (qui craignait de perdre les pensions militaires versées par Londres…). Deux ans plus tard, le Sinn Féin obtenait un triomphe total aux élections de 1918… •
Photo : Retrouver le fighting spirit de 1916 !
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